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DU

COMTE CHAMANS LAVALETTE,

EX-DIRECTEUR GÉNÉRAL DES POSTES.

20 NOVEMBRE.

MARIE-CHAMANS LAVALETTE, né

à Paris, en 1769, d'un marchand du quar-tier Saint-Antoine; étudiant en droit ; après la mort de Louis XVI, il s'engagea dans la légion des Alpes et devint officier au bout de six mois; en 1792, le général Custines l'attacha à son état-major; en 1795, il fut aide-de-camp du général Baraguey-d'Hilliers, et nommé aidede-camp du général en chef de Buonaparte, dans les premières campagnes d'Italie. Le lendemain de la bataille d'Arcole, Buonaparte lui confia le travail de son cabinet; mais le général, mécontent du directoire, de ce qu'il ne vouloit lui laisser prendre la suprématie à laquelle il croyoit avoir des droits par ses victoires, imagina de ne plus correspondre directement, et d'avoir à Paris un homme entièrement à lui, et auquel il adressa ses dépêches, en lui laissant tout pouvoir de transmettre par des

notes ce qui pouvoit servir à ses desseins; ce fut Chamans Lavalette qui fut chargé d'itre 'son espion à Paris. Le directoire eut la foiblesse de souffrir en silence cette insulte.

I

La fameuse journée du 18 fructidor, ayant été improuvée d'une manière insolente par Buonaparte, le directoire vouloit comprendre son agent dans la proscription.

Lavalette se sauva en Allemagne où déjà nos armées se frayoient un chemin. Il fut employé dans les bureaux de la légation française, à la 'diète de Ratisbonne.

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Revenu en France, il épousa mademoiselle de Beauharnais, nièce de l'épouse de Buonaparte; dès ce moment, lié à cette famille, il fut toujours attaché aux destinées de ce général, qu'il suivit dans l'expédition d'Egypte ct de Syrie; sous le consulat, il l'accompagna dans la campagne d'Allemagne. A son retour à Paris, il abandonna la carrière des armes, Buonaparte le nomma administrateur de la caisse d'amortissement, pour pouvoir prendre à volonté les fonds sacrés de cette caisse.

Buonaparte, voulant disposer du secret des lettres, nomma, en 1801, Lavalette, directeur général des postes, avec cinquante mille francs d'émolumens, et vingt-cinq mille francs de conseiller-d'état; puis comte, grand cordons de la Légion-d'honneur avec douze mille

francs, et le titre de commandeur de l'ordre de la Réunion.

En 1814, lors de la déchéance de Buonaparte, Lavalette perdit sa place de directeur-général des postes; il fut remplacé par Bourrienne, d'après un arrêté du gouvernement provisoire. Louis XVIII, rendu à la France, lui conserva une partie de son traitement ; le Roi nomma M. Ferrand directeur-général des postes, à la place de M. Bourrienne.

Au mois de septembre 1815, Layalette est arrêté comme l'un des conspirateurs qui ont facilité le retour de Buonaparte de l'île d'Elbe.

Voici un extrait de l'acte d'accusation :

« Le 20 mars dernier, sur Ies sept heures du matin, le comte Lavalette se rendit à l'hôtel de l'administration des postes, la place de directeur-général étoit alors remplie par M. le comte Ferrand, qui avoit son logement à l'hôtel. Lavalette, déjà introduit dans la salle d'audience, prononça à haute voix ces paroles: Au nom de l'empereur, je prends possession de la poste. Il dit à M. le comte Ferrand qu'il alloit se retirer dans le cabinet de Villars, pour lui laisser la liberté d'arranger ses papiers; que le Roi avoit quitté Paris, et que l'empereur devoit y arriver le jour même. M. le comte Ferrand prit quelques papiers et se retira.

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Lavalette écrivit à Napoléon Buonaparte par un courrier, en toute hâte, à Fontainebleau.

En même temps il empêchoit M. le comte Ferrand d'aller rejoindre le Roi à Lille; ne lui donna un permis de poste qu'à condition qu'il iroit à Orléans.

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Lavalette est accusé d'avoir donné trois ordres par écrit.

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Le premier, pour arrêter le départ de tous les journaux, et par conséquent du Moniteur, alors seul journal officiel, et dont le numéro dudit jour contenoit la déclaration du Roi sur son départ forcé, et son ordonnance sur l'ajournement des chambres.

Le second, pour arrêter aussi les lettres ministérielles et celles du préfet de la Seine.

Le troisième, pour rétablir sur les deux routes de Lyon le service des postes que M. le conte Ferrand avoit suspendu. Ces trois ordres sont datés du 20 mars, signés comte Lavalette.

D'avoir le même jour, 20 mars, à quatre' heures et demie du soir, expédié par divers courriers de malles, une circulaire qu'il a signée avec la mention de sa prétendue qualité de directeur des postes, conçue ainsi : « L'empereur sera à Paris dans deux heures, et peutêtre avant; la capitale est dans le plus grand enthousiasme; tout est tranquille, et quoi qu'on

puisse dire, la guerre civile, n'aura lieu nulle part. Five l'empereur.

« Le conseiller d'état, directeur général « des postes.

« Signé le comte LAVALETTE. »

La cour d'assises du département de la Seine a commencé le procès de M. Lavalette, le 20 novembre à dix heures.

L'instruction a été reprise le 22, à onze heures, en présence de l'accusé. On a procédé à l'audition des témoins à décharge.

M. Tripier, l'un des célèbres avocats du barreau de Paris, défenseur de M. Lavalettes n'a rien négligé pour justifier son client, Il voulut prouver que M. Lavalette a été étranger aux faits qui ont préparé l'attentat de Buonaparte.

Il réclame la proclamation d'amnistie donnée par le Roi, à Cambrai, il la demande pour son

client.

A sept heures et demie du soir les jurés ont passé dans leur chambre de délibération jusqu'à minuit. Le président du juri dit, d'une voix émue: Sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les hommes, la déclaration du juri est: oui, l'accusé est coupable d'avoir commis le crime, avec toutes les cir

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