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écrivit féparément. Le pape leur accorda des bulles en vertu de cette humiliante déclaration, qu'il n'exigea point de ceux qui n'avoient point affifté à cette affemblée.

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Pour couvrir cette lâcheté, on prétendit que ces eccléfiaftiques nommés aux évêchés, ne rétractoient point le fonds de la doctrine exprimée dans les quatre articles; mais qu'ils étoient fâchés qu'on eût pris à Rome ces quatre articles en un mauvais fens. C'eft au lecteur à juger de la folidité de cette explication. Il eft bon de fe rappeller que deux ans auparavant Alexandre VIII. avoit annullé par un bref l'édit du roi de 1682. fur la déclaration du clergé. La doctrine de cette même déclaration fut attaquée dans un nombre de thèses & de libelles, qui furent profcrits par des arrêts du parlement. La vigilance de cet augufte tribunal fuppléoit au défaut de celle du clergé. Nous ne voyons pas non plus que dans les affemblées fuivantes du clergé, on ait eu égard aux voeux qu'avoit faits M. l'évêque de Tournai dans fon rapport à celle de 1682. « Plût à Dieu, difoit ce prélat, que cette piéce (la harangue du cardinal du Per>>ron) qui ne corrompra jamais la pureté de votre doctrine, » ne parût plus dans vos mémoires. Nous vous fupplions au » moins d'ordonner qu'on y joigne un avertiffement, qui en » difant la vérité de l'hiftoire, puiffe guérir les efprits du foupçon qu'elle laiffe, que ce cardinal ait expofé les fen» timens de l'Eglife de France.... C'est affurément l'ouvrage. » pur de M. du Perron, & non celui de nos prédéceffeurs ». Il eft fâcheux que la harangue en question ait encore été réimprimée de nos jours (en 1740.) & se trouve dans un des volumes des nouveaux mémoires, fans que l'on y ait joint aucun correctif, ni aucun avertiffement, comme le demandoit M. de Tournai. Tout cela fait voir que le zèle & la vigilance du parlement pour la confervation de nos précieuses maximes, ne doivent point être regardés comme des excès de précaution. L'inaction des évêques à cet égard depuis l'affemblée de 1682. ne prouve que trop combien l'activité des magistrats est nécessaire.

I.

fondation de l'abbaye de Port-Royal Abrégé de Hiftoire de par Jean Racine, de l'aca démie franfoife.

ARTICLE VII I.

Hiftoire de Port-Royal depuis l'établissement de la réforme en 1608. jufqu'à la mort de la mere Angélique, réformatrice, en 1661.

I.

L'ABBAYE de Port-Royal près de Chevreuse, à six

Origine & lieues de Paris, est une des plus anciennes abbayes de l'ordre de Cîteaux. Elle fut fondée en l'année 1204. par un faint évêque de Paris, nommé Eudes de Sully (h), de la maifon des comtes de Champagne, proche parent de Philippe-Augufte. La fondation n'étoit que pour douze religieufes; ainfi ce monaftère ne poffédoit pas de fort grands biens. Ses principaux bienfaiteurs furent les feigneurs de Montmorenci & les comtes de Montfort. Ils lui firent fucceffivement plufieurs donations, dont les plus confidérables ont été confirmées par S. Louis, qui donna aux religieufes fur fon domaine une rente en forme d'aumône, dont elles ont toujours joui depuis: ainfi elles reconnoiffoient avec raison ce faint roi pour un de leurs fondateurs. Le pape Honoré III. accorda à cette abbaye plufieurs priviléges, entr'autres celui. d'y célébrer l'office divin, quand même tout le pays feroit en interdit. Il permettoit aussi aux religieufes de donner retraite à des féculieres, qui étant dégoutées du monde, & pouvant difpofer de leurs perfonnes, voudroient se réfugier dans leur couvent pour y faire pénitence, fans néanmoins fe lier par des voeux. Cette bulle eft de l'année 1223. un peu après le IV. concile général de

Latran.

(h)[ L'opinion commune eft que cette abbaye fut fondée par Mathilde de Garlande, époufe de Matthieu de Marli, cadet de la maifon de Montmorenci; que ce feigneur en partant pour la terre fainte lui avoit laiffé une fomme pour l'employer en œuvres de piété, afin d'attirer fur lui

la protection de Dieu; qu'elle confulta fur cela l'évêque de Paris, qui lui confeilla de fonder ce monaftere à Port-Royal; ce qu'elle fit. On peut fe rappeller ce que M. Racine en a dit au tome VI. fiecle XIII. art, XV. n. 37. ]

II. Réforme éta

nauld.

Sur la fin du feiziéme fiécle ce monaftère, comme beaucoup d'autres, étoit tombé dans un grand relâchement. La blie par Marieregle de faint Benoît n'y étoit prefque plus connue ; la clô- Angélique Arture même n'y étoit plus obfervée, & l'efprit du fiécle en avoit entiérement banni la régularité. Marie-Angélique Arnauld, par un usage qui n'étoit que trop commun en ces temps-là (1602) en fut faite Abbeffe, n'ayant pas encore onze ans accomplis. Elle n'en avoit que huit lorfqu'elle prit l'habit, & elle fit profeffion à neuf ans entre les mains du général de Cîteaux, qui la bénit dix-huit mois après. C'étoit fon grand-pere maternel, Simon Marion, avocat général du parlement de Paris, qui lui avoit obtenu cette abbaye du roi Henri IV. Il y avoit peu d'apparence qu'une fille faite abbeffe à cet âge, & d'une maniere fi peu réguliere, eût été choisie de Dieu pour rétablir la regle dans cette abbaye. Cependant elle étoit à peine dans fa dix-feptiéme année, que Dieu, qui avoit de grands deffeins fur elle, se servit, pour la toucher, d'une voie affez extraordinaire. Un Cápucin qui étoit forti de fon couvent par libertinage, & qui alloit fe faire apoftat dans les pays étrangers, paffant par hafard à Port-Royal, fut prié par l'abbeffe & par les religieufes de prêcher dans leur églife. Il le fit ; & ce misérable parla avec tant de force fur le bonheur de la vie religieuse, fur la beauté & la fainteté de la régle de faint Benoît, que la jeune abbeffe en fut vivement émue.

Elle forma dès lors la résolution, non-feulement de pratiquer fa régle dans toute fa rigueur, mais d'employer même tous les efforts pour la faire auffi obferver à fes religieufes. C'étoit en 1608. fix mois après la conclufion des congrégations de Auxiliis. Elle commença par un renouvellement de fes vœux, & fit une feconde profession, n'étant pas fatisfaite de la premiere. Elle réforma tout ce qu'il y avoit de mondain & de fenfuel dans fes habits, ne porta plus qu'une chemise de serge, ne coucha plus que fur une fimple pail laffe, s'abstint de manger de la viande, & fit fermer de bonnes murailles fon abbaye, qui ne l'étoit auparavant que d'une méchante clôture de terre éboulée prefque par-tout,

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Elle eut grand foin de ne point alarmer fes religieufes par trop d'empreflement à leur vouloir faire embraffer la régle. Elle fe contentoit de donner l'exemple, leur parlant peu, priant beaucoup pour elles, & accompagnant de torrens de larmes le peu d'exhortations qu'elle leur faifoit quelquefois. Dieu bénit fi bien cette conduite, qu'elle les gagna toutes les unes après les autres, & qu'en moins de cinq ans la communauté de biens, le jeûne, l'abstinence de viande, le filence, la veille de la nuit, & enfin toutes les austérités de la régle de faint Benoît furent établies à Port-Royal, de la même maniere qu'elles l'ont été depuis pendant cent ans qu'a fubfifté cette fainte maison.

Cette réforme eft la premiere qui ait été introduite, dans l'ordre de Cîteaux. Auffi y fit-elle un très-grand bruit;& elle eut la destinée que les chofes les plus faintes ont toujours eue, c'eft-à-dire qu'elle fut occafion de fcandale aux uns & d'édification aux autres. Elle fut extrêmement défapprouvée par un fort grand nombre de moines & d'abbés même, qui regardoient la bonne-chere, l'oifiveté, la molleffe, en un mot le libertinage, comme d'anciennes coutumes de l'ordre, où il n'étoit pas permis de toucher. Toutes ces forres de gens déclamerent avec beaucoup d'emportement contre les religieufes de Port-Royal, les traitant de folles, d'embéguinées, de novatrices, de schifmatiques même; & ils parloient de les faire excommunier. Ils avoient pour eux l'affistant du général, grand chaffeur, & d'une fi profonde ignorance, qu'il n'entendoit pas même le latin de fon Pater. Mais heureusement le général, nommé Dom Boucherat, qui étoit un homme très-fage & très-équitable, ne fe laiffa point entraîner à leurs fentimens. Plufieurs maisons, non-feulement admirerent cette réforme, mais réfolurent même de l'embraffer. On crut par-tout qu'on ne pouvoit réuffir dans une fi fainte entreprise fans le fecours de l'abbeffe de Port-Royal. Elle eut ordre du général de fe tranfporter dans la plupart de ces maisons, & d'envoyer de fes religieufes dans tous les couvens où elle ne pourroit aller elle-même. Elle alla à Maubuisson, au Lys, à Saint-Aubin,

pendant

pendant que la mere Agnès Arnauld fa fœur, & d'autres de les religieufes, alloient à Saint-Cyr, à Gomerfontaine, au Tard, aux Iles d'Auxerre & ailleurs. Toutes ces maisons regardoient l'abbeffe & les religieufes de Port-Royal comme des anges envoyés du ciel pour le rétablissement de la difcipline. Plufieurs abbeffes vinrent paffer des années entieres à Port-Royal, pour s'y inftruire à loifir des faintes maximes qui s'y pratiquoient. Il y eut auffi un grand nombre d'abbayes d'hommes, qui fe réformerent fur ce modele. Ainfi l'on peut dire avec vérité que la maison de Port Royal fut une fource de bénédictions pour tout l'ordre de Cîteaux où l'on commença de voir revivre l'efprit de S. Benoît & de S. Bernard, qui y étoit prefqu'entiérement éteint.

I I.

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De tous les monaftères que nous venons de nommer, il n'y en eut point où la mere Angélique trouvât plus à travailler que dans celui de Maubuiffon, dont l'abbeffe, foeur de la fameufe Gabrielle d'Eftrées, après plufieurs années d'une vie toute scandaleuse, avoit été interdite & renfermée à Paris chez les Filles Pénitentes. A peine la mere Angélique commençoit à faire connoître Dieu dans cette maifon, que la dame d'Eftrées s'étant échappée des Filles Pénitentes, revint à Maubuiffon avec une escorte de plufieurs gentilshommes, accoutumés à y venir paffer leur temps; & une des portes lui en fut ouverte par une des anciennes religieuses. Aufsi-tôt le confeffeur de l'abbaye, qui étoit un moine grand ennemi de la réforme, voulut perfuader à la mere Angélique de fe retirer. Il y eut même un de ces gentilshommes qui lui mit le pistolet fur la gorge pour la faire, fortir. Mais tout cela ne l'étonnant point, l'abbeffe, le confesseur & ces jeunes gens la prirent par force & la mirent hors du couvent avec les religieufes qu'elle y avoit amenées & avec toutes les novices à qui elle avoit donné l'habit. Cette troupe de religieufes deftituée de tout secours, & ne Lachant où fe retirer, s'achemina en filence vers Pontoise,' Tome X.

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