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ne pouvant réfifter à la vérité, il leur rendit juftice, & figna avec M. de Contes la carte de vifite, dont nous avons cru devoir rapporter l'article fuivant tout entier. « Ayant trouvé par la vifite cette maison en un état régulier bien ordonné, une exacte obfervance des régles & des consti>>tutions, une grande union & charité entre les foœurs, & la »fréquentation des facremens digne d'approbation, avec » une foumiffion dûe à notre faint pere le pape, & à tous fes >> decrets par une foi orthodoxe & une obéiflance légitime; »n'ayant rien trouvé, ni reconnu en l'un & en l'autre monaftere, qui foit contraire à ladite foi orthodoxe, & à la doctrine de l'Eglife catholique, apoftolique & romaine, >>ni aux bonnes mœurs, mais plutôt une grande fimplicité, » fans curiofité dans les queftions controverfées, dont elles » ne s'entretiennent point, les fupérieurs ayant eu foin de >>les en empêcher; nous les exhortons toutes par les entrailles de Jefus-Chrift d'y perfévérer conftamment, & la mere abbeffe d'y tenir la main».

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XLII.

les dehors des

Voila en peu de mots l'apologie des religieufes de PortRoyal. Les voila reconnues pour très-pures dans leur foi & On vifite tous dans leurs mœurs, très-foumises à l'Eglife, & très-ignorantes deux maifons des matieres conteftées; & voila par conféquent les Jéfuites de Port-Royal. déclarés de très-grands calomniateurs, par l'homme même que les Jéfuites avoient fait nommer pour examiner ces filles. Vraisemblablement on fe garda bien de montrer au roi cette carte de vifite, qui auroit été capable de lui donner contre les perfécuteurs de ces religieufes, toute l'indignation qu'ils lui avoient infpirée contre elles. Ces lâches perfécuteurs lui firent entendre que ces religieuses étoient toujours gouvernées fecrétement par leurs anciens directeurs, & que c'étoit-là ce qui les rendoit fi unanimes dans leurs fentimens. En conféquence la cour ordonna une exacte vifite de tous les dehors du monaftere. On entra dans toutes les maisons voisines, où l'on avoit fait entendre au roi que les anciens confeffeurs étoient cachés. Le lieutenant-civil

(d'Aubrai, pere de la fameuse Brinvilliers, par laquelle il fut dans la fuite empoisonné, ) accompagné du procureur Tome X.

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1.

Progrès des Jéfuites fur la grace depuis

erreurs des

les congréga tions de Auxi

liis. Janfenius entreprend

d'attaquer ces

erreurs.

du roi, vint à Port-Royal de Paris ( le 25 Juillet 1661.) à fix heures du matin pour exécuter fa commiffion. Il n'y trouva rien de ce qu'il y cherchoit. Le même jour & à la même heure deux commiffaires du châtelet arriverent à Port-Royal des Champs, & vifiterent très - exactement la ferme des Granges & les bâtimens voifins du monaftere. On n'y trouva pas plus qu'à Paris ce que l'on cherchoit. M. d'Andilli qui reçut ces commiffaires, leur montra tout. Ils reconnurent dans leur procès-verbal, qu'il n'y avoit à Port-Royal qu'un prêtre fervant de chapelain tant pour dire la meffe, que pour confeffer les domeftiques de la maison; un facriftain pour avoir foin de l'églife; un très-petit nombre de domes tiques, & M. d'Andilli avec un de fes fils & un gentilhomme de ses amis nommé M. de Pontis. Cette vifite qui montroit quel étoit le crédit des ennemis de Port-Royal, ne précéda que de douze jours la mort de la mere Angélique.

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Difputes fur la grace & la prédeftination. Attaques livrées à l'Auguftin de Janfénius. Bulle d'Urbain VIII. contre cet ouvrage. Vie de Janfénius, & celle de M. l'abbé de Saint Cyran.

I.

Nous avons vu ce qui empêcha le pape Paul V. de
publier la bulle qui condamnoit la doctrine des Jéfuites fur
la grace & la prédestination, & qui étoit le fruit des céle-
bres congrégations de Auxiliis. Ce pape croyoit que ces
peres, ou renonceroient à leurs dangereufes nouveautés, ou
du moins garderoient le filence fur ces matieres. Mais on
vit arriver ce qu'avoient prédit Lémos & Lanuza. Ces théo-
logiens, dont nous avons rapporté ailleurs les témoignages,
avoient compris que, puifqu'on ne réprimoit pas
réprimoit pas les Jefui-
tes, bientôt toute la théologie changeroit de face. «Que
» votre majesté, disoit Lanuza dans fa requête au roi d'Ef-

pagne Philippe II. ne pense pas qu'ils marchent avec lenteur: quoiqu'ils faffent femblant de garder le filence, ils répandent par-tout leurs erreurs, & emploient toute forte »de moyens pour les faire autorifer». Pendant les trente premieres années du dix-feptieme fiecle, la nouvelle doctrine fit de fi grands progrès, & fe rendit fi redoutable, qu'à peine ofoit-on l'attaquer ouvertement. Le filence impofe par Paul V. que les Jéfuites exigeoient des autres, & ne gardoient point eux-mêmes, arrêtoit la jufte réclamation des évêques & des théologiens, inftruits de l'ancienne & perpétuelle doctrine de l'Eglife, mais trop foumis aux ordres venus de Rome. Les opinions ultramontaines fort accréditées en Espagne & dans les Pays-Bas, les empêchoicnt de s'élever contre des decrets injuftes des papes. Enfin Janfénius touché de la grandeur du mal que le molinifme caufoit dans l'Eglife, réfolut d'opposer aux nouveaux théologiens qui fe répandoient par-tout, le grand faint Augustin, qui avoit terraffé les anciens ennemis de la grace, & de qui P'Eglife a tant de fois déclaré qu'on devoit apprendre ce qu'on doit croire touchant ce myftere. Avant que de parler des ouvrages de Janfénius fur la grace, il eft à propos de faire connoître en peu de mots fa perfonne.

Cornélius-Janfénius naquit en 1585. en Hollande au village d'Acquoi, près de Léerdam & de Roterdam. Son pere s'appelloit Jean Otto: fa famille avoit perfévéré dans la religion catholique. Il fit fes études à Louvain ; & ce fut à cette occafion qu'il prit le nom de Janfénius, c'est-à-dire, fils de Jean. Les Hollandois qui alloient étudier à Louvain, étoient alors obligés de changer de nom, parceque les Proteftans qui dominoient en Hollande, ne vouloient point permettre que les jeunes Catholiques allaffent s'inftruire dans cette célebre univerfité. Jansénius y puisa les fentimens de faint Auguftin fur la grace, qui s'étoient confervés dans toute leur pureté dans la faculté de théologie, & qu'elle avoit défendus avec tant de zèle contre les nouveautés des Jéfuites. 11 cut d'abord pour maître en théologie, Jacques Janfonius. (m), (m)[Il cft nommé Janfénius dans le dictionnaire de Moréri. ]

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III.

Il eft reçu

Ce fut-là qu'il commença à connoître l'abbé de Saint Cyran, (n) qui y étoit venu étudier la théologie par le confeil de fon évêque Bertrand d'Eschaux, évêque de Bayonne. Ils profiterent ensemble des leçons de Jufte-Lipfe fur les belles-lettres, & s'appliquerent à la théologie fous la discipline du célebre Fromond, qui leur inspira de l'aversion pour la doctrine de Molina. Les études continuelles de Janfénius l'ayant épuifé, les médecins lui confeillerent de quitter la ville de Louvain, dont l'air lui étoit contraire. Il prit la réfolution de venir en France, & se rendit à Paris pour se perfectionner dans les fciences. Il s'y chargea de l'éducation de quelques enfans de qualité, & s'y fit connoître très - avantageufement. Mais après avoir demeuré quelque temps dans cette grande ville, il se retira à Bayonne, auprès de fon ami l'abbé de Saint Cyran. L'évêque le fit principal du collége qu'il venoit de fonder à Bayonne. Janfénius y paffa cinq ou fix années dans une application continuelle à l'étude de faint Auguftin & des autres peres. L'évêque de Bayonne ayant été transféré à l'archevêché de Tours en 1617. (0) Janfénius retourna à Louvain, où il fut nommé principal du collège de Sainte Pulchérie nouvellement établi. Il refufa une chaire de philofophie qui lui fut offerte, pour ne pas interrompre l'étude de l'écriture & des peres, qui faifoit fes délices.

Il fut reçu docteur en théologie en 1619. & fut peu de docteur de temps après aggrégé aux profeffeurs ordinaires de Louvain. Louvain, & L'univerfité l'envoya deux fois en Espagne, pour défendre célebre par les fes intérêts; la premiere fois en 1624. & la feconde en 1626. ouvrages & les Il y obtint la révocation de la permiffion que les Jéfuites rend à l'Eglife. avoient obtenue de l'archiduc, d'enfeigner la philofophie

devient fort

fervices qu'il

& les humanités à Louvain. C'est un péché que la fociété ne lui a jamais pardonné. Le roi d'Efpagne ayant connu fa capacité, le fit en 1630. profeffeur de l'écriture-fainte en l'univerfité de Louvain. Ce fut dans cet emploi, qu'il com

(n) [C'eft à-dire, Jean du Verger de Hauranne, depuis abbé de S. Cyran.]

(o)[Selon M. Du Pin, l'évêque de

Bayonne fut transféré à Tours en 1616. & Janfénius retourna à Louvain en 1617.)

pofa & dicta fes commentaires fur le Pentateuque, fur les Proverbes, l'Eccléfiaste, la Sageffe; fur le prophéte Sophonie & fur les quatre évangéliftes, qui ont été imprimés depuis, & qui, de l'aveu de tous les favans, font des ouvra ges excellens. En particulier le commentaire fur les quatre évangiles, eft d'une clarté, d'une précision, d'une folidité, qui le font préférer à tous les autres qui ont paru fur la même matiere; & cet ouvrage auroit fuffi feul pour immortaliser

fon auteur.

II avoit déja long-temps, dit M. Du Pin, que Janfénius s'étoit appliqué à la lecture de S. Augustin, & qu'il avoit Ibid. p. 6. entrepris de compofer un ouvrage pour expliquer (p) la doctrine de cet illuftre docteur, afin de l'opposer aux fentimens que les Jéfuites avoient foutenus dans les congrégations de Auxiliis, & de défendre la doctrine des cenfures des facultés de Louvain & de Douai contre les écrits des profeffeurs Jéfuites. L'application qu'il donna à cet ouvrage, ne l'empêcha pas de rendre encore à l'Eglife d'autres fervices. Les Hollandois ayant pris la ville de Bos-le-duc en 1629. & ayant été obligés par un traité particulier avec la France, d'y conserver l'exercice libre de la religion catholique, ne laifferent pas d'adjuger les revenus des paroiffes aux miniftres proteftans, & de défendre le fervice public de la religion catholique. Ils firent venir à Bos-le-duc quatre de leurs plus habiles miniftres, pour y établir la prétendue réforme. Ces quatre miniftres publierent un manifeste, par lequel ils défierent tous les eccléfiaftiques d'entrer en difpute avec eux. Janfénius fut chargé par le nonce de Bruxelles, de répondre à ce défi. Pour s'acquitter de cette importante commiffion, il compofa un écrit propre à préserver les Catholiques de la féduction des miniftres proteftans. Quelque temps après, il écrivit contre l'alliance que les François avoient faite avec les puiffances proteftantes. Il les blâmoit d'avoir joint leurs forces avec des princes ennemis de la

(p) [C'eft l'expreffion de M. Du Pin: te deffein de Janfenius fut moins d'expliquer que d'expofer la doctrine de faint

Augustin, par la combinaifon des divers
ouvrages que ce faint docteur a compolės
fur cette matiere ]

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