XXIX. Bonnes quali

jets, le fit auditeur de la légation du cardinal Barberin fon neveu, en France. Ayant été fort fatisfait de fa conduite, il l'envoya nonce en Espagne, où il fut continué onze ans en cette commiffion, qui n'eft ordinairement que de trois ans. Après la mort d'Innocent X. le collége des cardinaux le nomma gouverneur de Rome. Alexandre VII. le créa cardinal dans fa premiere promotion, & lui donna enfuite la charge de fecrétaire d'état, qui lui fervit de degré pour monter fur le faint fiége. Il avoit un grand fonds de probité, beaucoup de littérature, de goût pour la poésie, & un caractere propre à fe faire aimer de tout le monde.

Les commencemens de fon pontificat firent connoître tés de ce pape. Ce qu'on pouvoit attendre de lui. Il déchargea d'abord les peuples de l'Etat eccléfiaftique des tailles & des autres fubfides. Voyant enfuite avec douleur les Infideles acharnés à la ruine des Chrétiens & au fiége de Candie, il résolut de donner du fecours aux Vénitiens. Mais les Chigis avoient épuisé les finances de la chambre apoftolique. Il fut donc obligé de fupprimer quelques ordres réguliers les plus inutiles à l'Eglife, & auxquels, même le titre de religieux ne fervoit que de prétexte & de moyen pour mener une vie fainéante, & quelquefois même libertine. Cependant le pape, dont la conscience étoit délicate, témoigna plufieurs fois des fcrupules fur l'extinction de ces maifons religieufes, fe fondant fur cette maxime, qu'il faut réformer & non détruire, ce qui a été faintement inftitué. Au refte, ce moyen fit trouver au pape des fommes confidérables, qu'il avoit promifes pour le fecours de Candie. Il ne voulut point enrichir fa famille; & il s'en falloit beaucoup que le bien qu'il fit à fes neveux, les mît en état de foutenir la qualité de prince, que néanmoins il fouffrit qu'on leur donnât. Elle feroit infailliblement retombée dans fon ancienne médiocrité, fi le pape n'eût confenti au mariage d'un de fes neveux avec une riche héritiere du vieux cardinal Pallavicin, Génois, Onne ceffoit de lui repréfenter la convenance & les avantages de cet aggrandiffement, autorifé par l'exemple de fes prédéceffeurs; mais il résistoit à tous les confeils de

flatteurs,

Batteurs, & fe tenoit toujours en garde contre leurs discours artificieux & étudiés. Cette modeftie de Clément IX. étoit

relevée par un amour fincere de la paix. Il la favorifa pendant fon pontificat, qui fut trop court pour l'avantage de l'Eglife.

Louis XIV. avoit déclaré la guerre à l'Efpagne, pour les droits qu'il avoit fur la Flandre, du chef de Marie-Thérefe d'Autriche fon épouse. Cette cruelle divifion des deux plus puiflantes monarchies chrétiennes affligeoit fenfiblement le pape,qui fongea d'abord à pacifier leurs différends. On étoit li fortement convaincu de fon impartialité & de fon amour pour la paix, que les deux couronnes le choifirent pour médiateur. Auffi-tôt après son élection, il avoit écrit à l'abbé Rofpigliofi fon neveu, qui réfidoit à Bruxelles en qualité d'internonce, de paffer en France, avant que de venir à Rome; afin de gagner par cette déférence la confiance du roi très-chrétien, & de le conjurer par l'ancienne piété de fa maison, & par la générofité d'une ame vraiment royale comme la fienne, de fe vaincre lui-même, & d'arrêter la rapidité de fes conquêtes, & la profpérité étonnante de fes armes, en donnant la paix pour le bien commun de toute l'Europe. Cette démarche flatteufe plut beaucoup au roi, & il crut n'en pouvoir mieux témoigner fa reconnoiffance, qu'en faifant démolir la pyramide dreffée fous le pontificat d'Alexandre VII. & en acceptant la médiation du pape, dont le plénipotentiaire négocia le traité d'Aix-la-Chapelle. L'heureux fuccès de cette négociation lui attira de grandes louanges dans toute l'Europe.

pas

La part qu'il eut à la paix de l'églife de France troublée par les difputes qui regardoient le formulaire, ne lui fit moins d'honneur. C'eft cet important événement qui a le plus fignalé le pontificat de Clément IX. Les conditions de cette précieufe paix étoient fi notoires en ce temps-là, qu'elles furent mifes dans les nouvelles publiques. Voici comment en parle la gazette d'Amfterdam qui, comme perfonne ne l'ignore, fe répand dans toute l'Europe. « On fait à préfent de quelle forte s'eft fait l'accommodement Tome X.

E

XXXI.

Sa mort.

» des quatre évêques, & en voici la vérité. Leurs mande» mens fur la fignature du formulaire ayant été l'occafion » des troubles paffés (nous verrons ailleurs qu'elle en avoit »été la vraie cause) qui avoient attiré fur eux le bref du "pape (Alexandre VII.) portant commiffion à neuf prélats » de leur faire leur procès; vingt de leurs confreres entr'au» tres s'intérefferent fur cela pour eux, & en écrivirent au pape une lettre, dont le fuccès fut, que fa fainteté étant > mieux inftruite de cette affaire qu'elle ne l'avoit été jufqu'a»lors, témoigna au roi qu'elle defiroit beaucoup qu'elle » s'accommodât. On en traita donc fort fecrétement; & >> enfuite de cette négociation, les quatre évêques, pour le »>bien de la paix, firent figner dans leur fynode un même procès-verbal, tout conforme à leurs mandemens, imitant »en cela les procès-verbaux femblables qui avoient été ci» devant faits par les autres évêques. Le pape a été entiére»ment fatisfait de cette forte de fignature: ce qui a été >>accompagné de l'agrément du roi, & de la joie publique » des grands & de tous les honnêtes gens du royaume, qui » voient par-là de longues & fâcheufes conteftations finies». Ainfi parle la gazette d'Amfterdam de cet événement si glo rieux pour le pontificat de Clément IX.

כן

Ce pape appaifa auffi les troubles qui étoient en Portugal, & donna des évêques à ce royaume, qui en demandoit depuis long-temps. Il envoya du fecours à Candie, & en procura de la part de la France. Tous les foins de Clément IX. n'ayant pû empêcher la prife de cette place, qui fut, dit-on, livrée aux Turcs par les intrigues des Juifs; ce pape fut fi affligé de voir triompher les ennemis du nom Chrétien, qu'il en mourut de chagrin le 9 Décembre 1669. dans la troisieme année de fon pontificat. On l'accuse d'avoir été trop indulgent à l'égard de fes miniftres, & d'avoir laiffé trop de liberté aux cardinaux & aux barons Romains, qui en abufoient pour commettre diverses injustices. Ces défauts n'empêchent pas que Clément IX. n'ait été un des plus dignes papes que l'Eglife ait eus depuis long-temps. Il aimoit à donner audience à tout le monde, vilitoit les hôpitaux,

& faifoit d'abondantes aumônes. Il cherchoit fans ceffe l'occafion d'obliger la France, & alloit au-devant de tout ce qui pouvoit être avantageux à ce royaume.

XIV.

XXXII.
Election de

événemens ar

mort.

Les cardinaux entrerent au conclave le 20 Décembre. Ils étoient divifés en cinq ou fix factions, qui pendant quatre Clément X. mois ne purent s'accorder fur l'élection d'un pape. Enfin les Principaux factions de Chigi, de Barberin & de Rofpigliofi s'uniflant rivés fous fon enfemble, firent donner cinquante voix à Emile Altiéri, pontificat. Sa qui avoit quatre-vingts ans. Il fut ainfi élu pape le 29 d'Avril 1670. & prit le nom de Clément X. M. Amelot de la Houffaie fit imprimer à Paris avec privilege en 1676. l'histoire de ce conclave. On y voit mille intrigues, qui apprennent beaucoup plus de chofes que l'on n'en voudroit favoir. La famille Altiéri eft une des plus anciennes de Rome. Paul Jove dit qu'elle alloit autrefois de pair avec celle des Colonnes. Emile Altiéri fut envoyé nonce à Naples par Urbain VIII. Il fut dépouillé de cet emploi par Innocent X. qui enfuite lui ôta tous fes biens. Le feul frere qui lui restoit fut enveloppé dans fa difgrace, & peu de temps après mourut de chagrin, laiffant trois filles fans aucune reffource. Alexandre VII. auffi-tôt après fon élection, conféra à Emile Altieri la nonciature de Pologne, & rétablit ainsi ses affaires & fa réputation. Clément IX. le fit maître de chambre, & enfuite, dans les derniers jours de fa vie, le créa cardinal. Comme il n'avoit point de proches parens de fon nom, & que la maison Paluzzi devoit le porter, en vertu du mariage du marquis Gafparo Paluzzi avec une de fes niéces, il adopta folemnellement, lorfqu'il fut pape, le cardinal Paluzzi, créature d'Alexandre VII. Il déclara fes neveux tous ceux de cette famille, & les fit fes héritiers. Il les revêtit des principales charges de l'état, donna au cardinal Antoine le titre de premier miniftre ou de cardinal patron; à dom Angelo fon frere, le généralat des galeres, & à dom Gafparo, le généralat de l'Eglife, avec plufieurs autres préro

gatives. Il érigea en principauté leur château de Ruffina; auquel il en joignit deux autres qu'il acheta pour eux. Le cardinal Paluzzi-Altiéri profita du pouvoir que lui donnoit fa charge de premier miniftre, pour amaffer des richeffes immenfes ; & il s'attira fouvent par fes entreprises, de vifs reproches de la part de la cour de France. On rend au pape la justice d'avoir été fort pacifique, au milieu de la guerre qui étoit alors allumée dans toute l'Europe, favorifant les François fans néanmoins choquer les Autrichiens.

Le cardinal patron attaqua le premier les franchises dont les ambaffadeurs jouifloient à Rome. Sous prétexte des fraudes qui fe commettoient à la faveur de ces franchises, par l'introduction furtive de plufieurs choses qui auroient dû payer les droits d'entrée dans Rome, il rendit une ordonnance contre l'immunité des ambaffadeurs. Ils s'en plaignirent hautement, & s'affemblerent plufieurs fois pour trouver les moyens de fe relever de ce préjudice, faifant de grandes menaces au nom de leurs fouverains. Mais aucune des couronnes intéreffées dans cette affaire ne voulut commencer à témoigner fon reffentiment, celles de France & d'Efpagne ne voulant point alors fe brouiller avec le pape, à cause de la guerre qu'elles fe faifoient l'une à l'autre. On reçut enfin fous ce pontificat le comte de Prado, en qualité d'ambaffadeur de Portugal; ce que cette nation n'avoit pû obtenir, depuis qu'elle s'étoit fouftraite à la domination d'Efpagne. Clément X. reçut un ambassadeur de Mofcovie, qui venoit propofer une ligue entre les princes chrétiens, pour secourir la Pologne contre les Turcs, avec de grandes offres en faveur de ce royaume. Il s'en retourna fort mécontent de ce que l'on avoit refufé à fon maître le titre d'Empereur qu'il vouloit avoir. Le pape mourut accablé de vieilleffe le 22 Juillet 1676. Il s'étoit fait eftimer par fa bonté & par fa douceur : mais fon grand âge ne lui permettant pas de s'appliquer aux affaires, le cardinal patron étoit maître abfolu. On laiffoit le bon pape paffer prefque tout fon temps avec un moine de faint Sylvestre, qui étoit fon confeffeur, & qu'il voulut faire évêque : mais