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magistrat prenne connaissance des motifs de la demande. Mais de cette seule raison, que le magistrat devait examiner, suit la conséquence qu'il avait le pouvoir d'annuller ou de rejeter la proposition, et qu'ainsi il est faux de dire que l'existence d'une descendance légitime fut chez les Romains un obs tacle absolu à l'adoption

Le code civil a textuellement ôté à celui qui a des enfans légitimes la faculté d'adopter; mais jusquelà nulle loi n'avait formellement porté cette défense.

L'adoption d'Anne-Françoise Debrouwer n'est pas soumise aux dispositions du code civil, quant à la validité de l'acté.

La loi transitoire du 25 germinal an XI est la règle spéciale de la matière.

L'article est si formel, qu'il ne permet aucun commentaire.

- Le conseiller d'état, qui a développé les motifs de cette loi, disait que nulle condition n'avait été imposée jusqu'à la publication du code civil; qu'ainsi, et sauf le cas où l'adoption aurait été l'ouvrage de la violence ou d'un esprit aliéné, elle devait obtenir son plein et entier effet, sans examiner d'ailleurs si l'adoptant était capable de conférer le bénéfice de l'adoption, ou l'adopté capable de le rece

voir.

Veut-on une preuve plus irrécusable, que le père, ayant des enfans légitimes, a pu valablement adop ter, avant le code civil, que le texte de l'art. 3

de la loi transitoire, où il est dit faits sans lésion de légitime d'enfans: donc, en cas d'enfans, l'adoption a été regardée comme valable, seulement elle est restreinte dans ses effets.

On citait un arrêt de la cour de cassation, du 16 fructidor an XII, qui avait sanctionné l'adoption d'un enfant adultérin.

Or, continuait-on pour la mineure Anne-Françoise Debrouwer, les effets de l'adoption du 19 pluviôse an X, sont, de conférer à l'adoptée tous les droits d'un enfant légitime. Tel est le vœu de l'article 4 de la loi du 25 germinal an XI, lorsque l'adoptant n'a pas manifesté d'intention contraire.

Le code civil, auquel l'adopté est renvoyé, dans le cas de l'article 4 de la loi transitoire, assure à l'adopté, sur la succession de l'adoptant, les mêmes droits que ceux qu'y aurait l'enfant né en mariage. Art. 350.

Le tuteur d'Anne - Françoise de Brouwer insistait dans la demande d'une portion virile il n'argumentait pas des dispositions de l'article 3 de la loi transitoire, , par la raison qu'en soutenant que la déli vrance du quart de la succession ne léserait pas la légitime des trois petits-enfans, il nuisait à l'intérêt de la mère, en faveur de laquelle Rappe avait épuisé la portion disponible, en lui léguant le quart de sa fortune.

L'article 4 de la loi transitoire lui paraissait plus favorable, dans la persuasion que la condition d'être sans enfans légitimes, n'était pas exigée avant le code

civil. L'adoption conférait à la mineure le même droit que si elle avait été adoptée depuis le code civil, par une personne sans descendans légitimes.

Le défenseur de François Bovie et d'Anne Schamps n'accordait aucun effet à l'adoption...

Il établissait la nullité de l'adoption sur le droit

romain.

Les mêmes lois qui avaient été citées au nom de la mineure Anne-Françoise Debrouwer, il les employait pour démontrer que chez les Romains l'adoption n'était régulièrement reçue que lorsque l'adoptant n'avait point d'enfans légitimes.

Les exceptions à la règle étaient déterminées par de puissans motifs dont le mérite était soumis au jugement du magistrat, ou à l'autorité du prince, s'il s'agissait d'adrogation.

Le droit romain était le droit législatif du Brabant. L'adoption y a été pratiquée dans tous les temps, et c'était par le droit romain qu'elle y était régie.

La loi du 18 janvier 1792 n'a pas été promulguée en Brabant : elle y était inutile, puisqu'il existait sur la matière une législation qui n'a été abrogée que par le code civil.

Ainsi, l'adoption faite le 19 pluviôse an X, par Jacques-Joseph Rappe, n'a pu être valable qu'autant qu'elle eût été conforme au droit romain, la loi transitoire n'ayant opéré que pour les parties de l'empire français qui était sans législation sur l'adoption à l'époque du décret du 18 janvier 1792.

Le même défenseur prétendait que l'on donnait à l'article de la loi transitoire beaucoup trop d'exten

sion.

I

L'article 3 était sans application, puisque les droits de l'adoptée n'avaient pas été réglés, et aux termes de l'article 4, elle n'avait rien à prétendre, le code civil n'accordant aucun effet aux adoptions faites par ceux qui avaient des enfans ou descendans légitimes, lors de l'acte d'adoption.

Malgré ces observations, le tribunal de première instance de Bruxelles décida que Jacques - Joseph Rappe avait adopté dans l'esprit des lois portées en France sur l'adoption, et que, d'après celle du 25 germinal an XI, Anne-Françoisé Debrouwer devait recueillir une portion virile d'enfant dans la succes. sion de Jacques-Joseph Rappe, c'est-à-dire, une part égale à celle de chacun des trois petits-enfans..

Sur l'appel interjeté par François Bovie et Aune Schamps, en leur qualité, les parties reproduisirent les moyens employés en première instance.

Mr Mercx, substitut-procureur général, portà la parole et parla dans l'intérêt des mœurs avec le sentiment d'une juste indignation.

Tout conspire, a-t-il dit, à me persuader qu'AnneFrançoise Debrouwer est le fruit de l'inceste, et, quoique la preuve n'en soit pas légalement adminis trée, sa naissance est flétrie par des faits qui déposent visiblement du commerce honteux des auteurs de ses jours; l'acte même, dont elle réclame les

effets, achèverait de me convaincre s'il me fût resté quelque sujet de douter.

Quel avantage retirera-t-elle de la démarche que l'on fait aujourd'hui en son nom?

Les lois romaines étaient, en Brabant, le droit supplétif des coutumes, usages et constitutions des souverains.

Au rapport de Stockmans, dont le témoignage n'est pas solitaire, les mœurs du Brabant n'avaient pas repoussé l'adoption dont le mode et les effets étaient régis par le droit romain. Il en rapporta un exemple du dix-septième siècle.

A quelle époque cette législation a-t-elle éprouvé un changement? A l'époque de la publication du code civil.

Le décret du 18 janvier 1792 n'a jamais été promulgué dans la Belgique. L'application de cette loi y était inutile, du moins pour le Brabant, ой l'adoption était non-seulement connue, mais soumise à une législation complète sur la matière.

Ainsi, au 19 pluviôse an X, l'acte par lequel Jacques-Joseph Rappe adopta Anne-Françoise Debrouwer n'a été valable qu'autant qu'il a été conforme au droit existant.

Or, si nous consultons les lois 17, § 3 ff. et 3 C., le titre des institutes de adoptionibus, nous y remarquons que l'esprit du droit romain résistait à l'adoption proposée par celui qui avait des enfans.

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