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De leur cohabitation naquit un fils.

Adrien Cosyn mourut en l'an VIII: son fils lui survécut et décéda postérieurement.

Le mariage d'Adrien Cosyn avec Catherine Demiddeleer ne se trouvait pas inscrit au registre de l'état civil. La naissance de l'enfant n'y était pas insérée ; mais la mort des deux individus était constatée, savoir, celle du premier, sous le nom d'époux de Catherine Demiddeleer, et celle du second, sous le titre de Josse, fils d'Adrien Cosyn.

Au décès d'Adrien Cosyn, il y eut assemblée de famille relativement à l'intérêt de l'enfant. NicolasAlexandre, époux de Marie-Anne Cosyn, sœur et héritière présomptive d'Adrien, y fut appelé et y figura en qualité d'oncle paternel du mineur. La famille lui conféra la charge de subrogé tuteur: il l'accepta et prêta le serment requis.

Nicolas-Alexandre fit plus, il prit à bail, des mains de Catherine Demiddeleer, les biens d'Adrien Cosyn, ce qui supposait l'opinion du mariage, sans lequel elle n'aurait aucun droit de jouir de ces biens; mais la répétition du fermage fut le signal de la contestation mue sur l'hérédité d'Adrien Cosyn.

Alexandre et Marie-Anne Cosyn, son épouse, se pourvurent pour faire déclarer que cette dernière était seule et unique héritière légitime d'Adrien Cosyn, son frère.

Catherine Demiddeleer était alors remariée à Joseph Bogaert.

Il paraît que leur défense devant le premier jugo portait principalement sur la possession d'état ;

Sur ce qu'Alexandre avait lui même reconnu l'existence du mariage, et la légitimité de l'enfant;

Sur ce que des collatéraux étaient non recevables à 'contester la valadité du mariage.

Ces exceptions eurent une réussite complète au tribunal de l'arrondissement de Nivelles, qui, par jugement du 6 pluviôse an XIII, déclara les demandeurs non recevables et mal fondés.

Appel, interjeté par Alexandre et sa femme.

Les intimés s'apperçurent bien que les motifs du premier juge ne leur promettaient pas une garantie suffisante de la confirmation du jugement: ils offrirent de prouver qu'il y avait eu mariage légal dans les premiers jours de pluviôse an V;

Que, si l'acte ne se trouvait pas dans des registres publics, c'était parce qu'alors il n'en était pas tenu, en conformité de la loi, et que d'ailleurs ceux qui avaient pu être tenus, avaient été pillés et détruits dans le brigandage de l'an VII.

et

Sur cette position de faits, un premier arrêt, du 2 messidor an XIII, charge les intimés de prouver, tant par titres que par témoins, qu'en l'an V, notamment dans les premiers jours du mois de pluviòse, il n'avait point été tenu de registre public concernant l'état civil, dans la commune d'Hérinnes, ou que, s'il en avait été tenu, ils étaient perdus.

Cette preuve, ordonnée sans préjudice du droit respectif des parties, était calquée sur l'article 46 du code civil.

Des témoins furent entendus. Leurs dépositions étaient démenties par les actes qui furent produits. On y remarquait d'ailleurs un langage étudié dans l'intérêt présent des intimés; en un mot, elles ne méritaient aucune croyance.

Pour réfuter le fait dont les appelans recherchaient la preuve, Alexandre et sa femme firent ap- ́ porter les registres de l'état civil d'Hérinnes, tenus en l'an V. La production de ces pièces confondait les appelans; mais ils en déclinaient l'authenticité.

Ces registres, disaient-ils, n'existaient pas en l'an V: ils ont été composés et arrangés en l'an X, sur des instructions de la préfecture, dont le but était de remédier au désordre qui avait régné dans la tenue des registres de l'état civil.

Cette mesure a été prise pour tout le département, les grandes communes exceptées.

Ce qui prouve qu'en l'an V il n'y avait pas de registre régulièrement tenu, c'est que l'un des doubles que l'on représente ne contient que des copies, et que chaque feuille ne contient qu'un seul acte. Ces observations étaient-elles bien relevantes?

Les deux doubles étaient écrits par ordre de date, et cotés par le président du canton.

Des ageus de la commune d'Hérinnes, entendus

comme témoins, reconnaissent les actes qu'ils avaient rédigés dans le cours de leurs fonctions; et tout ce qu'on pouvait reprocher à l'un des doubles, est que, dans les trois premiers mois de l'an V, l'un des doubles n'était que la copie de l'autre ; mais cette irrégularité est l'effet de l'impéritie de l'officier de l'état civil, qui ne pouvait pas comprendre que les deux registres devaient être des originaux, se servant mutuellement de contrôle, elle n'allait pas plus loin que le mois de nivôse. Elle était donc insignifiante pour le cas du mariage de Catherine Demiddeleer avec Cosyn, reporté au mois de pluviôse.

Cependant les intimés tiraient de cette circonstance et de ce que les commencemens des registres semblaient s'être composés d'actes détachés, un moyen de faire admettre la preuve testimoniale du mariage.

Cest la même chose, disaient-ils, qu'il n'y ait pas de registres, ou qu'il n'y ait que des registres mal et irrégulièrement tenus.

Dès que l'inspection des registres démontre qu'on a pu y faire entrer des actes isolés, qu'on ne lit qu'un acte sur la même feuille, il a été très-facile d'en égarer ou d'en soustraire.

Celui qui prouvait le mariage de Catherine-Françoise Demiddeleer avec Adrien Cosyn est du nombre. Pourquoi les parties seraient-elles victimes de la négligence ou de l'impéritie des officiers de l'état civil? Pourquoi leur refuserait-on la seule voie par laquelle elles peuvent suppléer à l'inobservation des formes à leur égard, savoir, la preuve testimoniale.

Outre le principe général, deux circonstances rejetaient la preuve par témoins.

D'abord, c'eût été ébranler la foi due aux regis. tres, et ainsi compromettre l'intérêt et le repos d'un grand nombre de familles, que de recourir à la preuve testimoniale, sur le fondement de quelques irrégularités peu considérables dans la tenue de ces registres.

En second lieu, Catherine Demiddeleer avait moralement reconnu, en première instance, qu'il n'y avait point eu de mariage devant l'officier de l'état civil. C'était donc l'inviter à produire de faux témoins.

Il ne fut plus question du pillage et de la destruction des archives par les brigands. L'exhibition des registres annonçait la témérité de cette assertion, qu'une malheureuse fatalité pouvait seule rendre excusable dans la bouche d'une femme trompée.

En effet, la cause de Catherine-Françoise Demiddeleer intéressait naturellement en sa faveur; mais l'ancienne et la nouvelle législation sont d'accord sur le danger d'abandonner l'état des personnes à la discrétion de quelques témoins dont la complaisance, ou la vénalité feraient souvent des héritiers injustes. C'est dans des actes publics que doivent reposer les titres et l'intérêt des familles. Cette règle générale n'admet que des exceptions rares et difficiles, et seulement dans les cas où il est impossible de lui donner son application.

Les autres moyens de défense de Catherine Demiddeleer étaient plus spécieux.

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