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jugé que là se porteraient les premiers coups de la guerre.

Dans cette coalition générale, l'attitude du Danemarck et de la Suède pourrait être incertaine, mais l'hésitation ne serait pas longue; le Danemarck avait trop perdu par sa fidélité à l'alliance de Napoléon, pour ne pas être dégoûté d'une politique si aventureuse; se séparer de la coalition eût été pour le roi une chute complète, il ne l'eût point osé pas plus que la Saxe; en supposant le triomphe momentané de Napoléon, sa ruine ne pouvait être qu'une question de temps; son entreprise n'inspirait aucune confiance, on ne le croyait pas capable de la mener à bout contre toute l'Europe soulevée; si une coalition de tous contre un peut être une injustice et souvent une lâcheté, elle doit au moins rester victorieuse. Bernadotte, mécontent de la conduite des alliés envers lui en 1814, aurait en vain voulu garder la neutralité dans cette nouvelle crise; il savait bien qu'il ne pouvait pas se maintenir seul dans une situation précaire, il devait s'appuyer ou sur l'Angleterre ou sur la Russie; en 1814, il n'avait point été satisfait d'Alexandre, les promesses d'Abo n'avaient point été tenues, Napoléon allait lui tendre la main. Mais le trône de Suède tenait au cœur de Bernadotte; on lui disputerait cet héritage s'il osait garder la neutralité ou se prononcer pour Napoléon. Laissez marcher les événements! Qui sait? L'on verrait reparaitre Bernadotte sur un champ de bataille si les alliés lui en imposaient l'obligation; il avait pris goût pour la société des rois, il voulait s'y

maintenir; plus habile que Murat, il n'exposerait pas sa couronne par un coup de tête. Jusqu'à ce moment Bernadotte était entièrement absorbé par les récentes conquêtes de la Norwége; il rattachait à la Suède cette dépouille du Danemarck.

Dans le grand conflit qui se préparait contre Napoléon, en Europe, il n'y avait pas une seule neutralité à espérer; la Suisse elle-même entrerait dans l'alliance; on lui présentait la crise européenne comme un fait exceptionnel qui ne blessait en rien sa neutralité; Napoléon déclaré perturbateur du repos public, on devait courir sus, comme au représentant d'un pouvoir hors du droit des gens; et, dans cette guerre universelle, la Suisse ne pouvait garder un rôle neutre et pacifique; il fallait qu'elle se prononcât pour la cause générale. Le congrès venait de régler d'une manière très-large les affaires helvétiques; on avait fait de grandes concessions territoriales aux cantons; on promettait à Bâle la démolition d'Huningue (1), et, par ce moyen surtout, l'Autriche avait lié le conseil de Berne au système allemand. Il en était de même du Piémont, constitué en royaume de Sardaigne, avec ses frontières des Alpes, ses forteresses de Coni et d'Alexandrie, et son port de Gênes, admirablement fortifié. La Sardaigne, monarchie toute neuve, formée des débris de l'empire, était, par la nature des choses, hostile à Napoléon; le congrès avait invité

(1) La Suisse réclamait aussi le canton de Ferney et quelques districts sur le Jura.

Victor-Amédée à organiser une forte armée; la maison de Carignan, essentiellement militaire, digne gardienne de l'héritage d'Eugène de Savoie, était capable d'entrer en lutte avec un développement de forces considérable. Menacés par les Français, les États du roi de Sardaigne devaient nécessairement se jeter dans la ligue européenne; l'Autriche profiterait de ce changement dans la politique de la maison de Savoie, l'alliée naturelle de la France.

Au Midi, Bonaparte n'aurait pas plus d'auxiliaires qu'au Nord; l'Espagne, toujours ardente et fougueuse contre lui, ne lui pardonnerait rien; le rétablissement de Ferdinand VII avait jeté parmi ce peuple une énergie nouvelle; il avait demandé le roi absolu; les cortès venaient d'être brisées et la pierre de la constitution broyée par les serviles. Une armée espagnole paraîtrait sur les frontières des Pyrénées au premier signal du congrès de Vienne (1). L'effervescence populaire permettait à l'Espagne de disposer de 80,000 soldats, troupes sobres et disciplinées; l'Angleterre fournirait des subsides à l'Espagne comme à d'autres époques; et pendant que le duc de Wellington paraîtrait en Flandre à la tête d'une armée hollando-belge et anglaise, au Midi l'on reverrait les généraux Castanos et Béresford s'élancer des Pyrénées sur les provinces méridionales de la France.

La ligue serait donc commune, universelle. Il faut

(1) Le manifeste de Ferdinand VII, œuvre de M. de Cevallos, n'était qu'une longue diatribe contre Napoléon.

bien le remarquer, depuis la révolution française, il n'est pas de guerre contre la France qui ne se change et ne s'élève bientôt à une coalition; les cabinets se prononcent et s'unissent contre elle au premier éclat des batailles. Cela tient à plusieurs causes d'abord au principe dévorant que la révolution française a jeté au monde, et qui ne peut vivre avec aucun système ancien, avec les royautés surtout; ensuite, à la jalousie qu'inspire la France par sa supériorité morale et matérielle, par les ressources immenses qu'elle déploie, et qui lui permettent de lutter glorieusement seule contre tous. Cette situation est grave, parce que chaque guerre peut devenir une catastrophe, chaque événement n'a pas de portée fixe qu'on puisse d'avance établir; et l'apparition de Bonaparte sur le continent fut le signal d'une de ces prises d'armes formidables qui en finissent souvent avec l'histoire des peuples.

CHAPITRE IX.

MARCHE DE BONAPARTE DE GRENOBLE A FONTAINEBLEAU.

Esprit bonapartiste de Grenoble à Lyon. Les émissaires

Les troupes.

Esprit de Lyon.

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M. le comte d'Artois.

d'Orléans. Le maréchal Macdonald.

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Défection des

régiments. Bonaparte à Lyon. Décrets et organi

sation révolutionnaires.

- Dissolution des chambres.

Première idée du champ de mai.

pour Roanne.

préfet.

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Départ des princes Le comte d'Artois et M. Baude, sous

Bonaparte en Bourgogne.

Conversations avec les autorités. Envois d'émissaires de Paris.

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Actes du maréchal à Lons-le-Saulnier. Les

généraux Lecourbe et de Bourmont.

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la Bourgogne jusqu'à Fontainebleau. Conversation politique de Bonaparte.

8 au 19 mars 1815.

La marche extraordinaire de Bonaparte, qui excitait une si vive, une si profonde inquiétude en Europe, se développait avec un ordre, une précision, une promptitude admirables. On aurait dit que chaque

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