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drapeau tricolore ombragerait leurs fronts; aucun lien n'était assez puissant pour les retenir sous les fleurs de lis; le panache de Henri IV était vieux, le drapeau de Fontenoy était usé : ils s'en moquaient ces jeunes hommes; mais eux aussi, leurs idées, leur aigle vieilliraient à leur tour, et, génération ingrate envers leurs pères, ils trouveraient des fils ingrats envers euxmêmes; leur temps de décadence viendrait !

CHAPITRE X.

ESPRIT ET MESURES DU GOUVERNEMENT DES BOURBONS JUSQU'AU DÉPART DE LOUIS XVIII.

Fausse sécurité sur Bonaparte.

opposé à l'esprit impérialiste.

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L'esprit patriotique Résolution arrêtée chez

La société

M. Lainé. — Rapports avec M. de Lafayette.

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de madame de Staël. Premières séances des chambres. Actes des députés. Conseil de Fouché. L'abbé de Montesquiou. La préfecture de police et M. de Bourrienne. - Accroissement de l'inquiétude. Conseil pour

Séance royale. Serment à la charte.

organiser une lieutenance générale en faveur de M. le Les idées de 1789. — Article de M. de

duc d'Orléans.

Constant contre Bonaparte.

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Divers projets soumis au

roi. Louis XVIII ne veut pas quitter Paris. - Projet de se retirer à Lille ou à Dunkerque. - Le maréchal Mortier. Le roi à Lille. - Le comte d'Artois. - La maison du roi.

de Lille.

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Le duc de Berry. - Ordonnances datées Louis XVIII quitte la France.

12 au 23 mars 1815.

Paris, ville toute d'illusions, soumise à l'action de la police et des partis, était comme suspendue dans des alternatives de crainte et d'espérance depuis la

dépêche télégraphique du golfe de Juan; on connaissait dès le 12 mars l'arrivée de Bonaparte à Grenoble, la défection du colonel Labédoyère, événement bien grave et dont toute la portée n'était pas comprise. Depuis on avait répandu le bruit : « que Bonaparte, complétement défait entre Bourgoing et Lyon, par le duc d'Orléans et le maréchal Macdonald, s'était réfugié dans les montagnes du Piémont. » Un officier de la maison du roi, en grande tenue, avait paru au balcon des Tuileries pour annoncer cette bonne nouvelle. Il y eut alors d'éclatantes joies parmi les royalistes ; cette victoire improvisée devait encourager les partisans exaltés des Bourbons; tout n'était donc point fini pour eux, et la Bourse vit ses cours s'élever dans des proportions considérables. Bientôt la nouvelle fut démentie par l'arrivée triste et subite du comte d'Artois, du duc d'Orléans et du maréchal Macdonald. Dans leur audience obtenue de Louis XVIII, ils ne dissimulèrent pas la défection absolue de l'armée, le mauvais esprit des populations de la Bourgogne; Bonaparte était entré dans Lyon; la seconde ville de la France était au pouvoir de celui que les écrivains de partis dénonçaient au monde comme un usurpateur en fuite.

Comment arrêter cette marche triomphale des aigles et ce mouvement irrésistible qui entrainait les soldats et les chefs? une résistance toute royaliste était-elle possible? L'avis de M. Lainé prévalut alors dans les conseils on voulut opposer dans toute sa vigueur l'opinion patriotique à l'insurrection du soldat, les

idées de 1789 aux émotions impérialistes; il fallait se placer au centre des intérêts nouveaux, en invoquer les éléments, pour les jeter comme un obstacle aux bonapartistes. Il y eut une conférence secrète chez M. Lainé (1), où assistèrent MM. de Broglie, Flaugergues, Durbach, Benjamin Constant, et M. de Lafayette lui-même; tous agissaient alors sous l'influence des idées de madame de Staël, avec ses haines contre l'empire; ils voulaient organiser un mouvement de résistance et préserver le pays, envahi par l'impérialisme; les hommes d'intelligence se révoltaient contre les partisans du sabre. M. Benjamin Constant se chargea d'exposer ces doctrines dans une succession d'articles insérés au Journal des Débats, et M. Comte, qui avait dirigé le Censeur Européen dans le sens des idées de 1789, prit aussi l'engagement de développer les doctrines de la révolution, en les opposant au despotisme de Bonaparte. On voulait s'appuyer de la pensée constitutionnelle pour repousser le joug menaçant du glorieux soldat; on espérait aussi par ce moyen détacher les amis de Moreau dans l'armée et les séparer des partisans de Bonaparte; au milieu de cette division, jetée dans les camps, les partisans de la cause royaliste pourraient triompher.

On ne peut dire le décousu, le désordre qui se manifestait dans les idées et les actes des ministres et

(1) M. de Broglie m'a dit qu'il ne s'agit dans cette conférence que d'un plan qui aurait eu pour objet le changement du ministère Blacas.

des partisans de Louis XVIII; c'était à chaque moment de nouveaux projets, des plans de campagne, des utopies étranges. On changeait de résolution vingt fois par jour; du découragement on passait à l'exaltation; comme tous les gouvernements qui tombent, la restauration avait ses vertiges; M. de Blacas demeurait plein de sécurité; M. Dandré, esprit fin, investigateur, n'avait pas des habitudes de police assez rouées; et tout ce qu'il envoyait d'ailleurs d'indications et de vérités à M. de Blacas (1) tombait sous le boisseau. Il y avait deux ou trois conseils de ministres par jour; M. de Montesquiou faisait le libéral et le constituant, le général Clarke répondait de l'armée; M. Beugnot multipliait les jeux d'esprit. Le seul homme d'une capacité active, M. de Vitrolles, n'avait pas une autorité assez grande dans le conseil pour dominer; il avait voulu s'emparer auprès de Louis XVIII du rôle de secrétaire d'État de la restauration, il échoua devant l'influence toute puissante de M. de Blacas.

A ce moment les chambres arrivaient sur la convocation du roi (2); M. Lainé, qui présidait les députés,

(1) Le témoin le plus curieux à entendre sur les derniers temps du gouvernement royal est évidemment M. de Vitrolles, homme d'esprit et de tact par excellence.

(2) Comme toujours, les adresses ne manquaient pas, en voici quelques-unes.

Adresse de la chambre des pairs au roi, présentée par M. Dambray2 à la tête d'une grande députation (9 mars 1815).

<< Sire, les pairs de France apportent au pied de votre trône le nouvel hommage de leur respect et de leur amour.

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L'entreprise désespérée que vient de tenter cet homme qui fut

CAPEFIGUE.-T. 1.

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