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indépendante; sa renommée de sagacité lui fit une place toute naturelle : on estimait beaucoup M. de Caulaincourt, on ménagea M. de Talleyrand. La France, tout occupée qu'elle était par 350,000 alliés, retrouva sa prépondérance; l'Autriche, l'Angleterre, lui tendirent la main; Alexandre n'osa point résister, on traita d'égal à égal, et dès ce moment la question territoriale sortit des limites qu'on lui avait faites. Il faut relire les protocoles des conferences qui précédèrent le traité de 1814, pour se pénétrer de l'idée que les alliés voulurent alors laisser la France grande et forte; les limites du Rhin n'étant point admises, on lui accorda une excellente ligne de frontières dans ces préliminaires, qu'il est bien important de séparer des déplorables conventions de 1815, suite fatale des Cent Jours.

Par le traité du 30 mai 1814, on agrandit les limites de la monarchie, telles qu'elles existaient au 1er janvier 1792 (1). A l'extrémité nord, la France gardait

ne voulant plus exiger de la France, aujourd'hui que, s'étant replacée sous le gouvernement paternel de ses rois, elle offre ainsi à l'Europe un gage de sécurité et de stabilité, des conditions et des garanties qu'ils lui avaient à regret demandées sous son ancien gouvenement, etc. >>

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« L'art. 1er rétablissait la paix entre la France et les souverains alliés ; et les hautes parties contractantes devaient apporter tous leurs soins à maintenir non-seulement entre elles, mais, autant qu'il dépendait d'elles, entre tous les États de l'Europe, la bonne harmonie et l'intelligence nécessaires à son repos.

«Par l'art. 2, le royaume de France conservait l'intégrité de ses

une lisière même dans la Belgique et le canton de Chimay dans ses limites avec une partie des départements de Jemmapes et de Sambre-et-Meuse. En descendant vers la Moselle sa ligne embrassait le cours de la Sarre; Sarrebruck restait comme une de ses annexes; la forteresse de Landau demeurait à la France, et alentour devaient se grouper les cantons détachés de l'ancien département du Mont-Tonnerre. Puis on reprenait sur ce point la frontière du Rhin en revenant sur la Suisse par les crêtes du Jura; on enlevait à Genève les cantons de Frangy et de Saint-Julien, qui restaient français. Dans la Savoie, Chambéry et une partie du Mont-Blanc demeuraient en nos mains; nous acquérions le comté de Montbelliard, et la principauté de Monaco restait sous notre patronage et suzeraineté. Cette frontière encore si belle comprenait 1,500,000 sujets de plus que l'ultimatum inflexible imposé à Napoléon; la France ne payait aucune contribution de guerre; c'était une restauration euro

limites, telles qu'elles existaient à l'époque du 1er janvier 1792, et devait en outre recevoir une augmentation de territoire.

« L'art. 3 déterminait les augmentations, qui consistaient principalement dans la conservation des sous-préfectures de Chambéry et d'Anneci, dans la possession d'Avignon, du comtat Venaissin, du comté de Montbelliard et des enclaves qui ressortaient autrefois de l'Allemagne.

<< Par l'art. 5, la navigation sur le Rhin, du point où il devient navigable jusqu'à la mer, et réciproquement, devait être libre, de telle sorte qu'elle ne pût être interdite à personne; et l'on devait s'occuper, au futur congrès, des principes d'après lesquels on pourrait régler les droits à lever par les États riverains de

péenne dans le sens le plus large; chacune des grandes puissances acquérait assez pour donner quelque chose à la France, naguère si puissante dans sa vaste étendue de Hambourg aux rives du Cattaro.

Le point le plus difficile et le plus délicat devait être résolu par le traité de Paris; dans cette attitude nouvelle que la France allait prendre, quelle influence exercerait-elle sur le partage diplomatique amené par la conquête ? La Russie, l'Autriche, la Prusse, l'Angleterre, resteraient-elles maîtresses de décider avec liberté les destinées du continent sans nous y appeler? Le traité que les plénipotentiaires à Châtillon avaient imposé à Napoléon lui interdisait d'une manière formelle toute intervention directe ou indirecte

la manière la plus égale et la plus favorable au commerce de toutes les nations.

« Il devait être examiné et décidé de même, dans le futur congrès, de quelle manière, pour faciliter les communications entre les peuples, et les rendre toujours moins étrangers les uns aux autres, la disposition présente pourrait être également étendue à tous les autres fleuves qui, dans leur cours navigable, séparaient ou traversaient différents États.

« Art. 6. La Hollande, placée sous la souveraineté de la maison d'Orange, devait recevoir un accroissement de territoire.

« Les Etats d'Allemagne devaient être indépendants et unis par un lien fédératif, et la Suisse indépendante continuer à se gouverner par elle-même.

« L'Italie, hors des limites des pays qui appartiendraient à l'Autriche, devait être composée d'États souverains.

<< Art. 7. L'île de Malte, avec ses dépendances, était laissée en toute propriété et souveraineté à S. M. Britannique.

« Art. 8. L'Angleterre restituait à la France toutes ses colonics,

dans les conventions pour le partage des terres conquises; les cabinets voulaient rester maîtres absolus de se les donner, sans contrôle, ce qui était la perte et l'anéantissement de toute influence française à l'extérieur. L'abaissement du cabinet de Paris eût été extrême; tout se serait fait en dehors de lui, on aurait remanié les souverainetés du continent, dépouillé le roi de Saxe, partagé l'Italie, constitué la Pologne, organisé l'Allemagne, sans que la France eût eu à s'en mêler diplomatiquement. C'était là un isolement inouï dans les fastes de l'histoire : on aurait organisé le monde sans tenir compte de la grande nation.

En signant le traité de Paris, les puissances avaient, par des articles secrets, renouvelé les stipulations de partage; la Russie, l'Autriche, la Prusse, l'Angleterre s'étaient réservé la disposition la plus libre, la plus

pêcheries et comptoirs, à l'exception des îles de Tabago, de Sainte-Lucie, de l'île de France et de ses dépendances, La partie espagnole de Saint-Domingue était rétrocédée à son ancien maître. «Par les articles 9 et 10, la Guadeloupe et la Guyane étaient restituées à la France.

« Les autres articles, jusqu'au 31, étaient d'un ordre inférieur ; mais ce dernier prescrivait que, dans le délai de deux mois, toutes les puissances engagées dans la présente guerre enverraient des plénipotentiaires à Vienne pour régler, dans un congrès général, les divers arrangements qui devaient compléter les dispositions du présent qui était signé, pour la France, par le prince de Talleyrand; pour l'Autriche, par le prince de Metternich et le comte de Stadion; pour la Grande-Bretagne, par les lords Castlereagh, Aberdeen, Cathcart et Stewart; pour la Prusse, par le baron de Hardenberg et le baron de Humboldt; pour la Russie, par les comtes de Rasumowski et de Nesselrode. »

absolue de leurs conquêtes; elles devaient former un comité à part; une fois le traité concédé à la France, celle-ci devait se renfermer dans ses limites et ne plus paraître. En face d'une telle situation, l'habileté de M. de Talleyrand consista surtout à prendre position dans les questions européennes, à se dégager des liens étroits et importuns que le traité de Paris imposait; une fois la France rendue à son existence politique, dès qu'elle eut pris rang parmi les cabinets, M. de Talleyrand dut employer ses forces pour lui assurer une prépondérance en rapport avec la place que la France occupa toujours dans le monde: il fut le partisan le plus absolu de l'idée d'un congrès qui, se réunissant dans un point central, organiserait l'Europe sur les bases du droit public comme à Munster, Utrecht ou Ryswick : en se ralliant à l'idée d'un congrès, M. de Talleyrand savait bien qu'au milieu des dissensions qui pourraient naître, la France saurait exercer son influence, soit en se portant vers l'alliance russe, soit en embrassant l'idée anglaise; il était impossible de laisser en dehors un pays à grandes ressources pour la marine, l'armée et les finances. Cette transition est utile à noter: c'est le passage de la France, placée naguère en dehors de toutes transactions, et maintenant constituée, par l'habileté de M. de Talleyrand, dans une bonne position au congrès de Vienne, et dans les idées d'indépendance diplomatique (1).

(1)

Articles secrets du traité du 30 mai 1814.

Par l'article 1er, « les puissances alliées avaient la libre disposition

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