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Le traité de Paris restituait à la France des colonies considérables, mais il ne lui rendait pas son système colonial, ce qui est bien différent. Sous Louis XVI, époque de splendeur pour les colonies, la France possédait non-seulement des établissements commerciaux d'une nature étendue dans l'Inde et les Antilles, mais encore des positions militaires dans la presque totalité des mers; les grandes Indes, lors des campagnes brillantes de Suffren, étaient une des dépendances les plus belles de la couronne de France; la compagnie avait des ports, des comptoirs, qui pouvaient lutter avec les grands dépôts de l'Angleterre, et les populations de l'Indoustan tendaient les bras

des territoires auxquels la France renonçait par l'article 3 du traité patent, et les rapports d'où résulterait un système d'équilibre durable devaient être réglés au congrès sur les bases arrêtées par les puissances alliées entre elles.

« Article 2. Le roi de Sardaigne recevait un accroissement par l'État de Gênes, et le port de cette ville restait libre.

« La France reconnaissait et garantissait, conjointement avec les puissances alliées, et comme elles, l'organisation politique que la Suisse se donnerait sous les auspices des puissances alliées, et d'après les bases arrêtées entre elles.

« Article 3. Les pays conquis entre la mer et les frontières non-velles de la France et la Meuse devaient être réunis à toute perpétuité à la Hollande, et la liberté de la navigation de l'Escaut devait être rétablie sur le même principe qui réglait dans le traité patent, la navigation du Rhin.

« Article 4. Les pays allemands sur la rive gauche du Rhin, qui avaient été réunis à la France depuis 1791, devaient servir à l'agrandissement de la Hollande, et à des compensations pour la Prusse et les autres États. >>

au roi de France, comme à leur protecteur. Dans l'Amérique, on avait encore la Louisiane, les îles du Vent, et la balance commerciale de l'année 1788 constate quelles vastes négociations avaient embrassées l'industrie et le commerce en France.

La révolution avait tout bouleversé avec ses théories d'émancipation du genre humain ; pendant l'empire, presque toutes les colonies s'étaient rendues à l'Angleterre ; Napoléon s'en inquiétait peu, il avait trop à faire en Europe. La restauration, qui voulait la paix, fit de grands efforts pour recouvrer ses colonies; presque toutes furent restituées, même la Guadeloupe, que l'Angleterre avait cédée à la Suède. Mais tout cela n'établissait pas un système colonial; l'Angleterre, en se réservant le point intermédiaire de l'île de France, avait interdit, par le traité de 1814, toute construction militaire dans l'Inde; par l'ile SainteHélène, le cap de Bonne-Espérance et l'île de France, ses navires s'avançaient vers Calcutta et Madras d'une manière commode et sûre. Quant à la France, elle n'acquérait aucun établissement militaire; en cas de guerre maritime, où seraient ses stations? Qui pourrait lutter dans la Méditerranée contre une puissance qui avait Gibraltar, Malte et les îles Ioniennes? Il en était ainsi des mers de l'Inde, dont l'Angleterre se réservait pour ainsi dire la navigation absolue, le dominium maris posé par Cromwell.

En tenant compte de l'occupation de la France par l'ennemi, le traité de Paris fut une œuvre favorable obtenue par le seul ascendant de la restauration;

après de longues secousses militaires, il préparait la paix générale; aux conditions humiliantes et vraiment intolérables que le congrès de Châtillon imposait à l'empereur, M. de Talleyrand, par le retour de la maison de Bourbon, substituait des frontières meilleures et des conditions moins abaissées. Avec de l'habileté diplomatique, l'on pourrait dans le prochain congrès profiter des divisions nées entre les puissances pour ramener le poids de la France dans la balance politique ; l'intérêt du cabinet de Paris était, autant que possible, de séparer les puissances unies par le traité de Chaumont ; nécessairement, il y aurait des disputes pour le partage des dépouilles, et le rôle de la France serait d'en profiter; elle attendrait les offres que pourraient lui faire les cabinets intéressés. L'Autriche et l'Angleterre devaient nécessairement se trouver en opposition avec les idées et les intérêts de la Russie; et à Vienne, où le congrès fut fixé, la France pourrait reprendre sa place, et la légation française trouver une position digne du rôle qu'elle avait toujours joué dans l'histoire.

CAPEFIGUE.

T. I.

4

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craintes. Entrevue avec Pauline. Embarquement Arrivée à l'île d'Elbe. -Solennités de PortoDescription de son nouvel empire. Sa

a Fréjus.

Ferrajo. garde.

Avril et mai 1814.

Tandis que la diplomatie européenne se partageait les débris de l'empire français en reconstituant un nouveau système politique et militaire, Napoléon quittait Fontainebleau, le palais de son abdication; les adieux qu'il avait adresses à sa garde dans cette cour historique, au pied de ce perron que l'on voit encore, avaient produit une vive impression même sur les commissaires étrangers, le comte de Schou

ITINÉRAIRE DE NAPOLÉON VERs l'ile d'elbe. 39 waloff, le colonel Campbell, le général Koller et le général prussien Waldebourg (1); il suffisait d'avoir un cœur haut, une âme fière, pour être touché de ces adieux d'un vieux chef de guerre adressés à ses compagnons d'armes ; César abandonné par la fortune donnait le dernier baiser à ses légions. Les instructions des gouvernements étrangers étaient précises: « Napoléon, traité avec tout le respect dû à un souverain, devait rester maître de suivre la route dont il tracerait lui-même la direction; les commissaires n'étaient point commis à sa garde, l'empereur n'était pas captif; on le suivait seulement pour le préserver de toute réaction populaire et de toute vengeance de partis. >>>

Il s'était passé des événements qui rendaient indispensable la surveillance attentive autour de l'empereur; les conseils les plus sinistres avaient été arrêtés à Paris, au sein des partis exaltés; les haines contre Napoléon étaient vives, et on avait sérieusement discuté si l'on se déferait de lui par l'assassinat. Un double complot fut alors formé : l'un, émané des royalistes fanatiques, complot actif de subalternes, et qui n'eut que l'assentiment tacite des hommes plus haut placés (2); l'autre, tout républicain, fut évidem

(1) Chacun de ces officiers-généraux, commissaires des puissances alliées, a écrit l'histoire précise et détaillée de cet itinéraire à l'île d'Elbe les plus intéressants de ces récits sont ceux du colonel Campbell et du général Koller. Je les ai souvent suivis ils sont témoins oculaires.

(2) Voici malheureusement des pièces intimes et confidentielles

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