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blissent la liberté des cultes, et contre la disposition textuelle de l'article 260 du Code pénal, ordonne. que tous les travaux seront interrompus les dimanches et les jours de fêtes; il interdit en conséquence aux marchands d'ouvrir leurs boutiques et de faire le commerce; aux artisans et ouvriers, de travailler à aucun ouvrage de leur profession; aux maîtres de café, de jeux de billard, de paume, etc., d'ouvrir leurs établissemens. M. le directeur-général de la police ne s'en tient pas là; il prononce, contre les contrevenans à son ordonnance, des amendes qu'il élève graduellement de 100 francs à 500 francs; il va même jusqu'à prononcer la confiscation des objets mis en vente les jours de dimanches et de fêtes.

Suivant l'article 15 de la constitution, la puissance législative s'exerce collectivement par le Roi, la chambre des pairs et la chambre des députés ; lors donc qu'une loi a été promulguée, aucune au¬ torité, autre que celle qui l'a portée, ne peut ni la modifier, ni en suspendre l'exécution; le Roi luimême, à qui la constitution défère le pouvoir exécutif, ne saurait y porter atteinte. Quels sont donc les pouvoirs de M. le directeur-général de la police? Ses pouvoirs consistent à faire exécuter les lois en matière de police, à prévenir les crimes et les délits, et en livrer les auteurs aux tribunaux.

Cependant une loi de police ordonne qu'aucune cérémonie religieuse n'aura lieu hors des édifices consacrés au culte catholique, dans les villes où il

y a des temples destinés à différens cultes; et dans une ville où il y a des temples destinés à différens cultes, M. le directeur-général, chargé de faire exécuter les lois de police, autorise des cérémonies religieuses hors des édifices consacrés au culte catholique. Une loi de police condamne à une amende de 16 francs à 200 francs, et à un emprisonnement de six jours à deux mois, tout particulier qui aura contraint une ou plusieurs personnes d'exercer l'un des. cultes autorisés de célébrer certaines fêtes, d'observer certains jours de repos, et en conséquence de fermer leurs ateliers, boutiques ou magasins, et de quitter certains travaux ; et M. le directeur-général, chargé de faire exécuter les lois de police, contraint, sous peine d'amende, non pas quelques individus, mais la nation toute entière, de célébrer les fêtes et d'observer les jours de repos consacrés par un culte autorisé ; il contraint tous les Français indistinctement, et, sous peine d'amende, de fermer tous ateliers, boutiques ou magasins, et de quitter certains

travaux.

Si M. le directeur général de la police n'était qu'un simple particulier, et qu'il eût fait envers un seul individu les menaces qu'il a faites à tous les Français, il n'est pas douteux qu'il aurait été arrêté par les agens de la police, et que le tribunal correctionnel l'aurait condamné à une amende et à un emprisonnement, en vertu de l'article 260 du Code pénal. Mais ce n'est pas d'un simple délit qu'il s'est rendu coupable, c'est d'une action bien

plus répréhensible; car voici comment la loi la qualifie :

<<< Seront coupables du crime de forfaiture et punis de la dégradation civique, dit l'article 127 du Code pénal, les juges, les procureurs généraux ou impériaux, ou leurs substituts, les officiers de police, qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir législatif, soit en arrêtant ou suspendant l'exécution d'une loi, soit en délibérant sur le point de savoir si les lois seront publiées ou exé

cutées. >>

Dans votre séance du 10 de ce mois, nous avons entendu l'un de vous demander avec force l'exclusion d'un étranger qui se trouvait dans votre sein. Les Athéniens, disait-il, punissaient de mort tout étranger qui, pour participer à l'exercice de l'autorité souveraine, s'introduisait dans les assemblées publiques; et cependant l'influence que cet étranger pouvait avoir dans les délibérations, était presque nulle, en comparaison de celle qu'il exercerait parmi vous, qui représentez viugt-cinq millions de Français.

Vous avez applaudi, et le public a applaudi avec vous au zèle de votre orateur, et sa motion a été accueillie à l'unanimité. Aujourd'hui nous vous dirons Il ne s'agit point d'un particulier qui s'est introduit parmi les représentans du peuple pour concourir à la formation d'une loi, et usurper ainsi une partie de l'autorité souveraine; il s'agit

:

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d'un homme qui a fait une loi et qui a usurpé la souveraineté toute entière. Si vous ne réprimez pas

un attentat de cette nature, il n'existe plus ni lois ni constitution. Aujourd'hui, les ministres retiennent les citoyens dans l'inaction, et disposent de leur fortune, en les condamnant à des amendes arbitraires; demain, peut-être, ils disposeront de leur liberté, et après-demain de leur vie.

Supposons cependant que, dans quelque temps, le successeur de M. le directeur-général de la police vous soit dénoncé pour avoir arbitrairement frappé des contributions sur tous les Français, ou pour avoir attenté à la liberté d'un grand nombre de citoyens, quelle conduite tiendrez-vous ? Le poursuivrez-vous devant la chambre des pairs? Il vous dira que vous avez reconnu tacitement que son successeur avait le droit d'imposer des amendes et de créer des délits, et que celui qui peut créer des délits et imposer des amendes, peut, à plus forte raison, imposer des contributions; répondrez-vous que les lois dont vous avez toléré la violation étaient vicieuses, et que l'ordonnance qui les a remplacées était commandée par l'intérêt des mœurs et de la religion? Non, vous ne répondrez point cela; car jamais vous ne donnerez aux ministres la faculté de juger si les lois sont bonnes ou mauvaises, et s'ils doivent ou non les faire exécuter; jamais sur-tout vous ne les autoriserez à usurper de la souveraineté, dans l'espoir qu'ils en feront un

bon usage.

Si donc vous ne vengez pas aujourd'hui l'atteinte qui vient d'être portée à l'autorité législative, vous ne la vengerez jamais; le pouvoir arbitraire deviendra de jour en jour plus abusif; les citoyens qui ne se verront jamais protégés par leurs représentans, apprendront à ne plus compter sur eux, et les princes que vous aurez abandonnés aux conseils pernicieux de leurs courtisans cesseront d'être inviolables , parce que leurs ministres le seront devenus. La France passera donc éternellement du despotisme à l'anarchie, et de l'anarchie au despotisme, sans qu'il lui soit possible de se fixer à aucun état.

Jamais un Gouvernement ne fut plus intéressé à respecter et à faire respecter les lois, que celui qui vient de s'établir en France. On ne peut se dissimuler que les Français sont partagés en deux classes essentiellement opposées. Ceux qui composent la première, tendent continuellement à renverser tout ce qui s'est fait depuis vingt-cinq ans ; ceux qui composent la seconde, s'opposent à ce renversement, parce qu'ils craignent de voir consommer leur ruine ou rétablir les anciens abus.

Si, par des actes arbitraires, les ministres augmentent l'audace des premiers et les craintes des seconds, ils nous entraîneront infailliblement dans les horreurs d'une guerre civile dont tout le monde peut prévoir les résultats. (1).

(1) Il semble que les ennemis du Gouvernement ne négligent rien pour alarmer les Français sur les inten

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