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par amener sa chute, nous attendions que les lois allaient reprendre leur empire, et que sous leur règue paisible la France se consolerait de ses longs malheurs. Les sages modifications apportées à nos lois constitutionnelles, la faculté accordée à tous les citoyens de faire entendre leurs plaintes à des hommes probes et courageux, chargés de les représenter et de les défendre; la responsabilité des agens du gouvernement, les sermens solennels d'un prince dont on vante la sagesse et la fermeté, et sur-tout l'horreur profonde que le règne de Napoléon nous a inspirée pour le pouvoir arbitraire, semblaient nous garantir que notre attente ne serait point trompée. Cependant on vient de publier, au nom de M. le directeur de la police, deux ordonnances qui blessent les droits de tous les citoyens, et qui seraient un attentat à l'autorité souveraine, si elles n'étaient pas le fruit de

l'erreur.

⚫ Dans le temps où il n'existait en France qu'un seul culte protégé par les lois, diverses ordonnances avaient été rendues pour obliger tous les citoyens à observer les jours de repos que ce culte avait consacrés. Mais, par sa déclaration du 16 août 1789, l'assemblée constituante ayant reconnu en principe que nul ne pouvait être inquiété pour ses opinions religieuses, ni gêné dans ses actions en tout ce qui ne nuisait pas à autrui, chacun eut, dès ce moment, le droit de vaquer à ses travaux ordinaires tous les jours de l'année, sans autre règle que celle que lui prescrivait sa conscience. Ce droit acquit une nouvelle

force par la promulgation du Code, du 3 brumaire an 4, qui abrogea implicitement toutes les peines portées par les anciennes ordonnances, en déclarant que les faits, même antérieurs, que la loi nouvelle ne punissait pas, ne pourrait donner lieu à aucune poursuite.

Cependant, lorsque les cultes eurent été organisés en France par la loi du concordat, plusieurs administrateurs crurent qu'ils pouvaient contraindre les citoyens à observer les jours de repos consacrés au culte catholique. Les maires de la Rochelle et de Nieul, notamment, prirent des arrêtés par lesquels ils infligèrent des peines de police aux individus qui vaqueraient publiquement à leurs travaux les jours de dimanches et de fêtes.

Quelques particuliers ayant été condamnés en vertu de ces deux arrêtés, que le préfet de la Charente-Inférieure avait approuvés, le ministère public se pourvut, dans l'intérêt de la loi, contre les jugemens de condamnation, et la cour de cassation les annulla le 3 août 1810:

« Attendu, porte son arrêt, que les tribunaux » criminels, applicateurs de la loi seulement, ne » peuvent puiser des condamnations que dans la >> loi; que si les tribunaux ne peuvent pas connaître >> des actes administratifs, ni mettre des entraves à » leur exécution, ils ne peuvent aider cette exécu» tion que par des moyens qui rentrent dans le » cercle de leur autorité ;

» Qu'en matière de police municipale, et en cas

» d'infraction aux réglemens faits par les adminis>>trateurs chargés de cette partie, les tribunaux ne » peuvent punir les infractions qu'autant que ces ré

glemens se rattachent à l'exécution d'une loi exis» tante et portant une peine contre les contreve>> nans ou qu'ils rentrent dans les objets confiés à » la vigilance et à l'autorité des administrations municipales, par l'article 5 du titre 11 de la loi du 28 » août 1790, qui, dans l'article 5 du même titre, » ordonne que les contraventions à ces réglemens » soient punies d'une peine de simple police;

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>>Que, dans l'espèce, les réglemens de police rendus » par les maires de la Rochelle et de Nieul, et par le » préfet de la Charente-Inférieure, pour prohiber » tous actes de travail et de commerce les jours de » dimanches et fêtes, ne se rattachent à l'exécution » d'aucune loi précédente en vigueur, et portant sur » un objet non compris dans la disposition générale » du susdit art. 3 du titre 11 de la loi du 24 août 1790; Que l'infraction à ces réglemens ne pouvait donc >> entrer dans l'application d'aucune loi pénale; que » néanmoins le tribunal de police du canton de la » Rochelle s'est permis de prononcer contre cette in» fraction des peines de police; que, dans cette con>> damnation, ce tribunal a commis un excès de pou» voir; qu'il a même violé l'arrêté du Gouverne»ment, du 7 thermidor an 8, et la loi du 18 ger» minal an 10, qui laissent aux citoyens la faculté » de se livrer, les jours de dimanches et fêtes, à » leurs occupations ordinaires. >>

les

Sous l'empire de la loi du 18 germinal an 10, citoyens ne pouvaient donc pas être contraints de s'abstenir de leurs occupations les dimanches et fêtes; cependant le législateur, craignant l'intolérance des prêtres, et voulant prévenir les violences qu'ils pourraient commettre ou faire commetttre à cet égard, déclara, par l'article 260 du Code pénal 1810, que tout particulier qui, par voies de fait ou des menaces, aurait CONTRAINT une ou plusieurs personnes d'exercer l'un des cultes autorisés.. célébrer certaines fêtes, d'observer certains jours de et en conséquence de fermer leurs ateliers, boutiques ou magasins, et de quitter certains travaux, serait puni, pour ce seul fait, d'une amende de 16 francs à 200 francs, et d'un emprisonnement de six jours d deux mois.

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Ces dispositions du Code pénal semblaient être une conséquence nécessaire de la liberté des cultes, et de la protection que la loi accordait à tous ceux qui se trouvaient alors établis. Il paraissait évident en effet que si les catholiques, par exemple, avaient pu contraindre les juifs à fermer leurs magasins les dimanches, les juifs auraient pu, par la même raison, contraindre les catholiques à fermer les leurs les samedis; ce qui les aurait également gênés les uns et les autres, sans aucune utilité pour aucun d'eux. Afin que la liberté fût plus entière, et que l'exercice des cultes ne pût donner lieu à aucune espèce de trouble, la loi du 18 germinal an 10 avait déclaré qu'aucune cérémonie n'aurait lieu hors des

édifices consacrés au culte catholique, dans les villes où il y aurait des temples destinés à des cultes différens.

Telles étaient les lois qui, jusqu'à ce jour, avaient régi la France, et qui doivent la régir encore, puisqu'elles n'ont point été abrogées par l'autorité légis lative, et que l'article 68 de la charte constitutionnelle maintient toutes les lois qui ne sont pas contraires à ses dispositions, et qui se trouvaient en vigueur au moment où elle a été promulguée. Cependant, par ses deux ordonnances du 3 de ce mois, M. le directeur-général de la police en a détruit les dispositions; il a même interdit à tous les citoyens, sous peine de très-fortes amendes, de faire usage des droits dont ces lois leur garantissaient l'exercice.

Par la première de ces ordonnances, M. le directeur-général, voulant faciliter l'infraction de l'ar- ticle 46 de la loi du 18 germinal an 10, qui porte qu'aucune cérémonie n'aura lieu hors des édifices consacrés au culte catholique, dans les villes où il y a des temples consacrés à différens cultes, interdit la -circulation et le stationnement des voitures depuis huit heures du matin jusqu'à trois de l'après-midi, -et il ordonne à tous les particuliers, quel que soit leur culte, de tendre ou faire tendre devant leurs maisons, dans toutes les rues où doivent passer les processions du Saint-Sacrement.

Par la seconde ordonnance, M. le directeur-général de la police, sans égard pour les lois qui éta

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