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été reconnu lorsqu'il fuyait à pied, on l'avait pour-suivi jusqu'à l'hôtel de Luynes, où il s'était caché. Le peuple l'y cherchait, et il n'évita d'en être assommé qu'à l'aide des Gardes-Françaises qui le tirèrent d'un très-grand danger.

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» Cependant le parlement se mit en marche, huissiers en tête. Partout on ouvrait les passages, sachant qu'on allait redemander les prisonniers. Ar

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Palais-Royal, le premier président fit sentirà la reine combien étaient pernicieux les conseils violens qu'on lui avait donnés. Mais la reine irritée ne voulut rien accorder; elle se retira même dans son petit cabinet, et laissait le parlement sans lui donner aucune satisfaction. Mais la compagnie qui voyait le danger où était le royaume, après avoir descendu l'escalier, remonta pour faire un nouvel effort, et intéresser les princes dans une affaire dont les suites pouvaient êtresi tristes. Enfin, la reine fit dire qu'elle accorderait la liberté aux prisonniers, si le parlement voulait cesser ses assemblées jusqu'à la Saint-Martin. On était au 27 août. Le premier président dit qu'il en fallait délibérer; et quelques-uns proposaient de le faire au Palais-Royal : mais le grand nombre voulait que ce fût dans la grand'chambre, in loco majorum. On se remit donc en marche pour aller au Palais. Le penple demandait si on avait obtenu la liberté des prisonniers, et ces Messieurs répondaient qu'ils avaient de très-bonnes paroles, sur quoi on les laissait ser; mais à la Croix du Trahoir on voulut des

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les positives. On eut même la hardiesse de prendre par le bras M. le premier président, et on l'obligea, Ini et sa compagnie, à retourner au Palais-Royal. Dans ce tumulte, cinq présidens à mortier et une vingtaine de conseillers prirent l'épouvante et s'échappèrent comme ils purent. Tous les autres retournèrent au Palais-Royal, et le premier président dit à la reine que le mal allait devenir sans remède si on tardait à rendre les prisonniers; qu'il n'était plus temps de se roidir; que le parlement et le Roi luimême n'étaient point assez forts, pour résister à cent mille hommes qui avaient les armes à la main. Le cardinal Mazarin voulut dire que le mal n'était pas aussi grand qu'on le faisait; mais on lui répondit qu'il prît la peine d'aller seulement jusqu'au PontNeuf, et qu'il verrait comment il s'en tirerait. Les princes et princesses tenaient le même langage que le parlement. La reine d'Angleterre qui était présente dit que, quand les troubles commencèrent en Angleterre, les esprits y étaient moins échauffés. Alors la reine jeta un grand soupir, et dit que le. parlement vît donc ce qu'il avait à faire (1). »

Supposons que, dans ces momens de trouble, il eût existé une loi qui eût autorisé le cardinal Mazarin à empêcher toutes communications entre le parlement et la régente, qu'en serait-il résulté? unc guerre civile, et peut-être la cour n'aurait appris les

(1) Histoire abrégée du parlement durant les troubles du commencement du règne de Louis XIV, § 3.

désordres qui régnaient dans la ville que par l'incendie du palais. Ces faits n'arriveront plus. Qu'en sait-on? Ne parle-t-on pas déjà d'un ministre qui ne tend qu'à séquestrer le Roi, et à rompre toutes les communications qui peuvent mener à lui? L'article dont il s'agit n'est-il pas lui-même une preuve que les ministres craignent que la vérité n'arrive jusqu'au Roi?

-Séance du 5 août. Je passe quelques séances pour arriver à celle de ce jour, qui n'est pas la moins remarquable, quoiqu'il n'y ait eu ni rapport ni dis

cussion.

A onze heures toutes les tribunes étaient déjà remplies, à l'exception de deux, celle de MM. les pairs et celle du président : la première n'a pas tardé à être envahie par les dames qui se pressaient à l'entrée et qui ont ainsi laissé MM. les pairs à la porte; la seconde a été également bientôt occupée, mais elle ne l'a été sans doute que par les personnes auxquelles M. le président l'avait réservée.

Cependant il arrivait toujours du monde, et MM. les députés faisaient de vains efforts pour placer leurs amis ou des personnes de leur famille. Enfin l'un d'entre eux s'est rappelé que, dans la séance du 22 juillet, un très-grand nombre de personnes s'étaient placées dans l'enceinte même où se tiennent les séances, et il a cru que la discussion qui allait avoir lieu intéresserait le public d'assez près pour lui accorder la même faveur. Bientôt toutes les places inutiles à MM. les députés ont été occupées.

En attendant l'arrivée de M. le président, on a fait circuler quelques brochures avec ou sans nom d'auteur, contre la liberté de la presse; une première a pour titre un premier mot ; une seconde porte en titre quelques développemens. L'extrême insignifiance de ces deux brochures anonymes, dirigées contre le rapport fait par M. Raynouard, me dispense d'en rendre compte. Il en est deux autres qui, sans être beaucoup plus fortes en raisonnemens, méritent plus d'attention, parce qu'elles portent les noms des auteurs.

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La première a pour titre Opinions de M. le marquis de Beaumez, membre de la chambre des députés, sur le projet de loi relatif à la liberté de la presse. On présume bien que M. le marquis n'est pas le défenseur de la liberté de la presse, et que le danger de voir paraître un second Molière doit lui inspirer un singulier effroi. Aussi ne néglige-t-il rien pour nous communiquer ses terreurs.

La seconde, intitulée abus de la liberté de la presse, appartient à M. de Sédillez, membre de la chambre des députés. M. de Sédillez, à l'exemple de tant d'autres, appelle la liberté une belle théorie ; et l'on sait ce que cela signifie depuis le règne du grand empereur, qui n'aimait pas les théories.

M. de Sédillez, qui tient beaucoup à la censure, dit dans la page 2 de sa brochure : « La plupart des hommes que je connais, que j'estime et que j'aime le plus, ont embrassé l'opinion contraire à la nienne. » A la page 7, il ajoute : « Sans la police, presse aurait bientôt ses brigands; elle les a déjà,

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leurs ateliers sont prêts, ils n'attendent plus que la patente qu'ils sollicitent. »

M. de Sédillez, comme on voit, traite ses amis d'une manière fort polie: il ressemble un peu en cela à l'un des rédacteurs de la Gazette de France, qui insinue si doucement à ses lecteurs, que tous ceux qui veulent maintenir la liberté de la presse sont des infâmes sicaires, prêts à attenter aux jours du Roi. Il est vrai que le gazetier fait une exception en faveur de M. Benjamin de Constant, et qu'il ne se dit pas l'ami des sicaires qu'il signale.

Tandis qu'on s'occupait à lire ces diverses brochu res, on a fait annoncer, par un huissier, que si le public n'évacuait pas la salle, il n'y aurait pas de séance; comme on n'était entré qu'avec l'autorisation de MM. les députés, on a cru ne pas devoir déférer à cette invitation. Enfin le président est arrivé; et son premier soin a été de faire lire, par un secrétaire, l'article du réglement intérieur de la chambre, qui interdit aux étrangers de pénétrer dans l'intérieur de la salle pendant les séances. Après cette lecture il a annoncé que si le public ne se retirait pas, il allait lever la séance. Un député a demandé la parole; elle ne lui a point été accordée. Bref, le président a annoncé, d'une voix mal assurée, que la séance était levée. Quelques personnes qui se sont trouvées sur son passage, ont cru s'apercevoir qu'il était pâle et tremblant quand il est sorti. S'il craignait autre chose que l'improbation du public et de ses collégues, ses craintes étaient assurément très-mal fondées.

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