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particulièrement destinées à l'éducation des jeunes orphelines dont les pères, membres de la Légion d'honneur, étaient morts sans leur avoir laissé de fortune.

La dépense que ces établissemens pouvaient occa sionner était assurément trop modique et avait une cause trop juste pour exciter le moindre murmure de la part de la Nation; les Français considéraient ce léger sacrifice, non comme don, mais comme le paiement d'une dette, et d'une dette sacrée.

Pourquoi nos ministres ont-ils donc supprimé ces établissemens? Pourquoi les enfans dont les pères étaient morts en défendant la Patrie, ont-ils été chassés de l'asile que le dernier gouvernement leur avait donné? Est-ce pour épargner à la France le léger sacrifice que l'entretien et l'éducation de ces enfans pouvaient exiger? Si tel était le motif de cette suppression, elle serait aussi outrageante pour l'honneur national, qu'elle est injuste et cruelle pour les enfans qui en sont les victimes.

Les ministres ne cessent de nous faire accuser d'égoïsme par leurs journaux et par les pamphlétaires qn'ils tiennent à leurs gages; certes, je doute si l'on trouverait en France, ailleurs que dans les ministères, un homme assez dur et assez égoïste pour concevoir l'idée de chasser de jeunes orphelins de l'asile que leurs pères avaient acquis au prix de leur

sang.

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Quelques jours après l'époque dite de la restauration, les journaux nous apnoncèrent que l'autorité

ayant été consultée sur ce qu'il fallait faire des cendres d'un neveu du prince Eugène, qui avait été déposées dans l'église de Notre-Dame, avait répondu qu'il fallait les jeter à Clamar. Cette réponse révolta tous ceux qui en eurent connaissance. Il me semble cependant que l'acte qui prive de jeunes enfans de leur asile, est encore plus insultant pour la mémoire de leurs pères, puisqu'il expose ces enfans à se perdre pour toujours.

Mais on leur donnera 250 fr. jusqu'à ce qu'elles aient atteint l'âge de dix-huit ans! Voilà certes un généreux dédommagement, le 'sang de leur pères bien payé !... Mais quoi! leurs pères n'étaient pas nobles, et ils ne pouvaient pas se vanter d'avoir porté les armes contre leur patrie!

Tandis qu'on détruit les maisons dans lesquelles étaient reçus les enfans des roturiers, on en élève de nouvelles dans lesquelles on admettra les enfans de notre illustre noblesse ; et comme cela est juste, ce sera l'ignoble roture qui en paiera les frais.

L'article 8 de la charte constitutionnelle reconnaissait que les Français avaient le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions. Pour régler l'exercice de ce droit et en prévenir les abus, le Gouvernement veut exiger que nous ne puissions en faire usage qu'après en avoir obtenu l'autorisation spéciále des sous-agens de sa police, et des douaniers de la pensée.

L'article 1er. de la même charte déclare que les Français sont égaux devant la loi, quels que soient

d'ailleurs leurs titres et leurs rangs; l'article 3 ajoute qu'ils sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires : et, pour régler l'exercice de ces droits, une ordonnance du mois de juillet décide que les anciennes maisons destinées à l'éducation militaire seront rétablies, et qu'on n'y admettra que les enfans des nobles.

Sous le Gouvernement impérial, de très-illibérale. mémoire, on appelait cela des sénatus-consultes organiques; sous le Gouvernement actuel, cela s'appellera des lois, ou des ordonnances, ou des édits ou des réglemens ; et cette différence dans les mots sera sans doute un très-grand motif de consolation pour le peuple à qui l'on disait qu'il était bon et grand, y a six mois, et qui désormais se contentera d'être niais, si toutefois il ne devient pas imbécille.

il

Je dois ajouter cependant que la nouvelle ordonnance fait une exception en faveur des enfans des officiers généraux; mais on sent bien que cette exception était commandée par les circonstances. Les membres de la chambre des députés tiennent, comme chacun sait, les cordons de la bourse nationale; et quoique leurs mains soient assez débiles, les ministres n'ont pas manqué de faire une exception en leur faveur, lorsqu'ils ont proposé de supprimer la liberté de la presse. Les officiers généraux font mouvoir des baïonnettes à volonté; et l'on conçoit que des hommes qui ont une pareille puissance, sont éminemment respectables aux yeux de l'autorité, et qu'ils méritent bien une exception,

pourvu toutefois qu'ils aient l'esprit de ne pas

mourir.

Quant à nous, obscurs et chétifs citoyens, nous qui ne sommes bons qu'à manier assez maladroitement une plume, à payer des contributions ou à mourir sur un champ de bataille, nous ne valons guère la peine qu'on s'occupe de nous; et nous devons nous regarder comme trop heureux quand il nous est permis de donner notre fortune, ou de verser notre sang pour le bon plaisir de nos augustes maîtres.

Au reste, quand je dis que les enfans des nobles sont seuls admis dans les nouvelles maisons d'éducation, j'entends parler des nobles anciens; car, suivant nos vieilles ordonnances, il fallait, je crois, cent ans de noblesse pour y être admis. On sait en effet que plus les nobles s'éloignent de leurs aïeux, plus leur noblesse devient pure; et que le plus illustre est toujours celui dont on ne connaît pas le père.

CHAMBRE DES PAIRS.

Observations sur les Séances des 26 et 30 juillet,

Séance du 26. Dans cette séance, l'adresse au Roi ayant été adoptée à une très-grande majorité, M. le président annonce qu'il prendra les ordres du

Roi pour la présentation de cette adresse, soit par une grande, soit par une simple députation.

L'ordre du jour appelle ensuite le rapport du co mité des pétitions. L'un des membres obtient la pa role, et fait à l'assemblée le rapport dont il s'agit. Il expose que par une pétition adressée à la chambre, le sieur Kohler, avocat, demande qu'il soit proposé au Roi de rendre une loi par laquelle la qualité de Français et les droits qui en dérivent soient conservés aux habitans des départemens séparés de la France par le traité du 30 mai dernier, qui transporteraient leur domicile dans le royaume, après avoir annoncé, par une simple déclaration, l'intention formelle de rester Français.

Le rapporteur observe qu'examen fait de cette demande, le comité a jugé qu'il était impossible d'y avoir égard, attendu que les habitans des départemens séparés de la France sont aujourd'hui dans la même position où ils se trouvaient avant la réunion; et qu'ils ne peuvent devenir Français qu'en remplissant les conditions prescrites par le Code civil; il propose en conséquence à la chambré de déclarer qu'il n'y a pas lieu à délibérer.

Un membre pense que la question examinée dans le rapport du comité, n'est pas la question qu'a présentée le pétitionnaire; c'est de fait et non droit qu'il s'agit. Le sieur Kohler ne s'est pas dissimulé que, d'après nos lois actuelles, la qualité de Français ne lui appartenait pas; c'est pour cela qu'il demande

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