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moi qu'on adresse de pareils discours? Sont-ce là les conseils qu'on ose me donner? Et par où ai je pu mériter une si sensible injure? Grands dieux ! je me flattais de l'espoir de commander à des hommes, et l'on veut que je ne sois que le maître d'un vil troupeau d'esclaves! Malheureux! ne savez-vous pas que la propriété est le droit d'user et d'abuser? Mais je vous entends: vous vous réservez une place à mes côtés et hors de mon autorité. Il y a plus, en m'offrant vos secours, vous aspirez à mettre mon sceptre sous votre dépendance, et la tyrannie ne vous plairait pas tant, si vous n'aviez l'espoir d'en être les agens et les dépositaires. Et quoi ! lorsque j'aunonce à mon peuple que je veux régner par l'amour, par la justice, par l'autorité tutélaire de la loi, lorsque je veux être le père du peuple, on veut que j'en devienne le tyran!..... Apprenez, hommes faibles, que celui qui s'assure sur la force périra par la force, et qu'il n'y a de stable sur la terre que ce qui est fondé sur la sagesse et sur la vertu. Considérez le formidable despote de l'Asie, ce Roi des Rois, dont le nom portait la terreur jusqu'aux extrémités de la terre. N'a-t-on pas

vu ses forces immenses aller se briser comme des vagues écumeuses, contre de faibles cités, qui avaient juré de mourir pour la liberté ? Aujourd'hui attaqué à son tour par un héros qui se glorifie de commander à des hommes libres, il tremble sur son trône chancelant; i périra, il tombera dans les mains d'Alexandre comme une faible proie sous la griffe d'un léopard bondissant. Il périra, malgré ses ma

gnifique satrapes, parce que ses peuples n'ont rien à défendre contre un conquérant qui ne veut qu'améliorer leur sort. Et si, ce que je suis bien loin de prévoir, si le libérateur de l'Asie, séduit par un charme dangereux à son âge, allait corrompre son autorité en empruntant les mœurs des vaincus, son ame perdrait son beau caractère; on le verrait forcé de se baigner dans le sang de ses plus fidèles serviteurs. La vérité n'approcherait plus de son oreille. Le grand Alexandre ne serait plus qu'un tyran furieux et redouté; il périrait peut-être à la fleur de son âge par le fer ou par le poison; il léguerait du moins à ses successeurs le despotisme avec tous les vices et toutes les calamités. Son bel empire serait déchiré; car le despotisme, en corrompant le maître et l'esclave, ôte à l'Etat tout le nerf de sa puissance qui est la vertu et l'honneur ; il ôte au monarque le plus ferme appui de son trône', en mettant la crainte à la place de l'amour.....

» O vous! qu'une si longue et si cruelle expérience du despotisme n'a pas pu ramener à des principes de modération, puissent les dieux immortels dissiper vos préjugés funestes par les lumières de cette philosophie que vous blasphémez sans la connaître ! Du reste, souvenez-vous que, sous mon règne, le sceptre sera respecté de tous, parce que je veux que les lois gouvernent et non pas des hommes. »

Ainsi parla le pasteur des peuples; et son discours étant devenu public, ses sujets rendirent grâces aux dieux, et offrirent de nombreux sacrifices pour la

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De ce qui s'est passé à la chambre des députés, depuis le 27 juin jusqu'au 1o. juillet.

DEPUIS le 27 juin, jour auquel la chambre des députés a définitivement adopté le réglement relatif à son organisation intérieure, ses séances ont acquis un degré d'intérêt qu'elles n'avaient pas eu jusqu'à présent. Dès le 27, quatre membres ont proposé d'adresser des pétitions à Sa Majesté pour la supplier de présenter quatre projets de loi différens. On a remarqué que c'était aller bien vîte en besogne. Quelques personnes, un peu trop promptes à s'alarmer, ont exprimé la crainte que la chambre ne se défendît pas assez de la manie qu'on a en France, depuis vingtcinq ans, de faire des lois. On manifestait le désir qu'elle réservât une partie de son zèle pour défendre celles que nous avons déjà. On aurait vu avec plaisir, par exemple, qu'avant de demander une nouvelle loi sur la liberté de la presse, on fit exécn ter l'article de la constitution qui l'établit; et qu'on

dénonçât à la chambre l'ordonnance du 10 juin, signée par le ministre de l'intérieur, qui rétablit la censure. Quelque urgent qu'il puisse être de compiéter les dispositions de nos lois pénales destinées à réprimer les abus de la presse, il était plus pressant encore de faire révoquer un acte qui détruit cette liberté, et qui a violé une des dispositions les plus essentielles de notre charte, dès le sixième jour de sa publication.

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Dans la séance du 28, on a proposé de demander' au Roi encore deux projets de loi.

M. Leveneur a manifesté le vœu que Sa Majesté fût suppliée de présenter à la chambre une ordonnance royale qui consacrât le jour anniversaire de Louis XVI · comme un jour de deuil et d'expiation. Il voudrait qu'on célébrât, ce jour-là, des services funèbres dans toutes les églises et dans tous les temples du royaume; que tous les fonctionnaires civils et militaires fussent tenus d'y assister en habit de deuil; que tous les spectacles et autres lieux publics fussent fermés, etc.

M. Leveneur a demandé une ordonnance royale.... Il se serait exprimé, ce semble, d'une manière plus exacte et plus convenable, s'il avait demandé un projet de loi. Il sait très-bien que les lois ne sont encore qu'un projet quand elles arrivent à une chambre; qu'elles ne sont lois que lorsqu'elles ont obtenu l'assentiment des trois membres de la puissance lé gislative. Voudrait-il restreindre les pouvoirs des chambres à un stérile droit d'enregistrement, et

les assimiler ainsi aux anciens parlemens? il faut avoir une grande envie de revenir à ce qu'on faisait autrefois, pour chercher à rapprocher des institutions si essentiellement différentes.

Qu'attend d'utile, M. Leveneur, de la loi dont il demande la proposition? Pourquoi veut-il éterniser le souvenir de catastrophes qu'il serait si nécessaire de nous faire oublier? Ne craint-il pas que cela ne soit plus propre à diviser les citoyens qu'à les unir? Les actes expiatoires qu'il propose ne ressemblent-ils pas trop à des actes de vengeance? Ne paraissent-ils pas destinés à flétrir dans l'opinion certaine classe d'hommes, et à les poursuivre en quelque sorte jusque dans leurs descendans? De pareils actes ne sont-ils pas contraires à l'esprit de l'article 11 de la charte constitutionnelle, qui interdit la recherche des votes et opinions émis jusqu'à sa promulgation, et en commande l'oubli aux tribunaux et et aux citoyens?

Dans la séance du même jour, le ministre de l'intérieur vient, au nom du Roi, proposer à la chambre un projet de loi, ayant pour objet de fixer ses rapports avec Sa Majesté et la chambre des pairs. Il annonce qu'il est chargé de lui communiquer un réglement destiné à compléter celui par lequel elle a fixé on organisation intérieure. Son Excellence ne paraît pas croire que ce réglement puisse être l'objet d'une discussion; un seul article lui semble pouvoir donner lieu à quelques observations; il porte toute l'attention de la chambre sur cet article qui intéresse sa dignité, et semble vouloir la détourner de l'idée

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