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voir exécutif, on ne peut certainement pas en conclure que le pouvoir exécutif n'aura pas le droit d'y apposer son mandement et de les intituler en son nom. Ces notions sont aujourd'hui si simples et si communes en France, qu'il faut être arrivé on ne sait d'où pour ne pas les connaître. 4.

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L'article 2, du titre 3 du réglement, invoqué par un de MM. les secrétaires, est tout aussi étranger à la question que l'article invoqué par M. le chancelier : « La loi proposée, dit-il, est rédigée en » forme de loi, siguée par le Roi, contre-signée par » un ministre, et adressée à la chambre à qui le Roi » l'envoie », Oui, la loi proposée est rédigée en forme de lois et c'est précisément pour cela qu'elle doit être rédigée de manière qu'elle ne paraisse pas l'ouvrage exclusif du pouvoir exécutif, du de l'une des trois branches de l'autorité législative.

Un membre a fait une objection si singulière, qu'elle mérite d'être rapportée « Suivant la charte, » a-t-il dit, le Roi est le chef suprême de l'Etat : c'est » en son nom que la justice se rend et que la loi » parle ». Jusqu'ici nous avions cru que nos Rois. devaient parler au nom de la loi pour être obéis; mais désormais ce sera au nom du Roi que la loi parlera. Le pouvoir exécutif nous paraissait destiné à faire exécuter les lois; mais à l'avenir ce seront au contraire Jes lois qui feront exécuter les volontés du pouvoir exécutif, et qui parleront en son nom. Cela s'accordera merveilleusement avec l'an dix-neuvième de potre règne, avec la loi qui rétablit la censure pour

ous faire jouir de la liberté de la presse, etc., etc. On ajoute que la justice se rend au nom du Roi; et de-là on conclut que quand la loi dit, nous nous réservons, c'est le Roi qui se réserve; mais il faut donc soutenir que lorsqu'un tribunal dit : un tel sera tenu de comparaître devant nous, l'individu désigné devra comparaître devant le Roi ; et si quelqu'un s'avise de soutenir que cette interprétation est absurde ou ridicule, on lui répondra, avec le M. le chancelier, qu'on ne peut pas soutenir le contraire sans contester au Roi le droit d'intituler en son nom les jugemens des

tribunaux.

Qu'on ne s'imagine pas au reste, qu'il ne s'agit ici que d'une dispute de mots; car il est bien évident pour tout homme qui suit la marche du ministère, qu'en faisant parler les lois au nom du Roi, on veut nous habituer à reconnaître que la volonté royale doit être l'unique loi de l'Etat, et que les deux chambres sont uniquement destinées à les enregistrer. La loi, dit-on, doit parler au nom du Roi; et 1: Roi, au nom de qui parlera-t-il? En vertu de quel acte pourra-t-il prétendre que nous lui devons obéissance?

Il importait donc beaucoup que la chambre des pairs corrigeât la rédaction vicieuse du projet de loi; mais le parti ministériel a si bien trouvé l'art d'embrouiller la question, qu'on a fini par la perdre de vue. La chambre des députés pourrait en demander la correction; mais comme les juges et procureurs royaux qui s'y trouvent n'ont pas encore obtenu de

M. le chancelier leur brevet de nomination, on sent bien qu'ils auront grand soin de ne pas se mettre en opposition avec son Excellence.

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DES CONFÉRENCES DE M. FRAYSSINOUS,

ET DE L'ESPRIT DU CLERGÉ DE FRANCE.

Le public n'a jamais bien connu le véritable motif pour lequel le dernier Gouvernement avait cru devoir imposer silence à M., Frayssinous, et lui défendre de continuer des conférences qui, loin de nuire à son autorité, semblaient, au contraire, devoir lui être utiles, puisqu'elles avaient pour objet de détruire des doctrines peu favorables aux mauvais Gouvernemens, et particulièrement cette moderne idéologie qui lui faisait tant de peur. Beaucoup de personnes ont dit que l'orateur avait provoqué cette mesure par l'honorable persévérance avec laquelle il avait refusé de payer au tyran l'humiliant tribut d'éloges qu'il exigeait, comme on sait, de tous les hommes de talent. D'autres ont cru qu'un tort plus grave de M. Frayssinous avait été de ne pas vouloir prostituer son ministère à la défense d'une loi de sang, à l'apologie de la conscription, et se servir de l'ascendant que lui donnait son éloquence pour

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inspirer l'ardeur de la guerre aux nombreux jeunes gens que l'amour paisible des lettres ou de la religion attirait à ses conférences. Enfin des hommes qui connaissaient bien l'esprit de Bonaparte, et qui sa vaient combien cet homme redoutait la vertu, ont pensé, et avec plus de raison peut-être, que le véritable tort de M. Frayssinous devait avoir été d'inspirer à ses jeunes' auditeurs des sen. timens de religion qui ne s'accommodaient point avec les principes du despotisme impérial, et qui tendaient même, jusqu'à un certain point, à l'affaiblir. wo- mist tee !. eo. Le Gouvernement est loin d'avoir aujourd'liui les mêmes raisons pour redouter l'influence des discours de M. Frayssinous. Tout porte à croire, au contraire, qu'on verrait avec plaisir cet orateur donner par son talent une grande autorité à ses principes, et inculquer profondément les doctrines morales et religieuses qu'il enseigne dans l'esprit des jeunes gens devant lesquels il doit faire ses conférences. Le caractère et les sentimens connus de M. Frayssinons semblent devoir répondre du bon esprit qui le dirigera dans ses dissertations polémiques, et nous dispenser de les soumettre à la juridiction de notre censure. Cependant, au moment où la France vient de recevoir de nouvelles institutions, il importe d'examiner si l'on n'enseigue rien qui leur soit contraire, sur-tout devant des jeunes gens, et des jeunes gens destinés à l'instruction publique. C'est ce qui nous détermine à parler ici des conférences

de M. Frayssinous. Plus son talent peut donner de force à sa doctrine, plus sa doctrine touche de près à nos lois politiques, plus il est nécessaire de s'assurer qu'elle ne renferme rien qui ne soit propre à les

affermir.

M. Frayssinous s'est proposé de démontrer dans son premier discours, que sans religion il ne pouvait point exister dé véritable morale, ni de bonne police parmi les hommes. « Il est temps, a-t-il dit, » d'abjurer les principes d'un philosophisme absurde, » dont nous avons payé si cher les funestes égare» mens; il est temps de revenir à une religion si in

justement méconnue. » Parcourant ensuite les divers principes qui ont le plus d'influence sur la conduite des hommes, il s'est attaché à prouver que ni la gloire, ni l'honneur, ni l'opinion des contemporains, ni le jugement de la postérité, ni beaucoup de connaissances et de lumières, ne pouvaient tenir lien de religion. Il a montré ensuite que tous les grands législateurs avaient donné à leurs lois la religion pour appui; qu'un peuple privé de religion était nécessairement esclave de la licence on de la tyrannie; enfin, que la religion était à-la-fois une garantie contre l'ignorance du peuple et contre les vices des grands. Nous allons entrer dans quelques explications sur les principaux points de son discours.

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Il est temps d'abjurer les principes d'un philosophisme absurde, etc. Lorsqu'une chose est absurde, on ne saurait sans doute trop se hâter de l'abandonner. Mais qu'entend M. Frayssinous par un philosophisme

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