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A ces mots, un membre de la chambre n'a pu contenir sa juste indignation; il a déclaré hautement si dans l'assemblée il se trouvait des menque bres capables de professer publiquement une pareille doctrine, ils ne méritaient pas d'être entendus. Cette sortie a excité quelques légers murmures. La proposition qui y a donné lieu, était assurément fort blåmable; mais méritait-elle d'être relevée ne devait-on pas penser qu'au moment où M. le duc l'a prononcée, il se croyait, par distraction, sujet du roi Jacques, ou ministre de Buonaparte?

et

M. le duc de la Force ne s'est pas montré défenseur moins ardent de la censure arbitraire que M. .le duc de Feltre pour lui liberté et licence sont deux mots parfaitement synonymes. Sans vouloir détaillèr, dit-il, les innombrables inconvéniens de cette licence appelée liberté, je tracerai, le plus rapidement possible, quelques-uns de ses plus graves inconvéniens. Le libelle, par exemple, cette arme des lâches, qui, semblable au poignard, frappe sans que l'on sache d'où part le coup mortel, n'est-il pas le fléau le plus dangereux que l'on puisse lancer dans la société? En vain m'objectera-t-on que les tribunaux s'occuperont d'en rechercher les auteurs: s'ils les découvrent, qu'en résultera-t-il? d'odieux débats quelquefois plus fâcheux pour la victime de la calomnie que la calomnie même (1).

(1) On voit que M. le dnc n'est pas très-familier avec notre législation. Il paraît ignorer que tout écrit qui ne

L'opinant termine ses courtes observations, en conjurant les membres de la chambre de vouloir bien se pénétrer des augustes fonctions qu'elle a à remplir, et il vote l'adoption pure et simple du projet de loi.

M. le comte Cornet demande plusieurs amendemens considérables; et il déclare que si ces amendemens ne sont pas consentis, il votera pour le rejet du projet de loi. Il s'élève d'abord contre le préambule de la loi, qui tend à faire consacrer en principe qu'une censure préalable et arbitraire peut se concilier avec les dispositions de la charte. Il attaque ensuite les articles 6, 7 et 8 du projet de loi.

L'article 6, dit-il, crée un tribunal de trois pairs, de trois députés et de trois commissaires de Sa Majesté, pour prononcer en dernier ressort; sur quoi? sur des sursis: et quand? sur ceux ordonnés depuis l'ouverture d'une session jusqu'à l'ouverture d'une autre; c'est-à-dire, lorsqu'il n'y aura plus de grief à redresser; lorsque la prohibition ministérielle aura été consommée; lorsqu'enfin ce tribunal imposant, on peut le craindre, ne sera plus qu'un objet de dé

porte, ni nom d'auteur, ni nom d'imprimeur, est par cela seul punissable et doit être saisi; que d'ailleurs les écrits de ce genre ne peuvent être arrêtés par la censure, puisqu'on ne les y soumet pas. Quant aux débats auxquels la calomnie peut donner lieu, il est impossible qu'ils soient scandaleux, puisque les faits sont réputés faux s'ils ne sont pas prouvés par un acte authentique.

rision pour un directeur général de la librairie, armé de ses sursis (1).

Ce directeur peut être un très-bon instrument d'administration publique, mais il ne peut être notre justiciable; il a un supérieur dans la hiérarchie, et c'est dans la loi que doit se trouver la répression de ses téméraires entreprises.

Examinons quelle sera l'action du tribunal proposé. Les six membres des deux chambres auront un avis; les commissaires du Roi seront probablement d'un autre; la majorité de la commission ordonne la levée du sursis. Si le directeur ne le lève pas; si les commissaires du Roi, qui n'en auront pas été d'avis, promettent au directeur leur appui, quelle sera la position de vos commissaires? elle sera trèspénible: iront-ils dans les cliambres se plaindre de cette résistance? Ils ne faut pas, Messieurs , exposer aucun de vos membres à de tels désagrémens.

Maintenant, je rappellerai à votre souvenir les articles 23 et 24 de la charte. L'un vous fait juges des attentats contre la sûreté générale, l'autre vous fait juges de vos pairs en matière criminelle.

dit-on,

(1) La loi destinée à établir la censure doit, ne durer que deux ans; la commission destinée à lever les sursis prononcés par le directeur de la librairie, ne doit s'assembler qu'une fois chaque année pour prononcer sur les sursis ordonnés dans le cours de l'année précédente. Combien de fois cette commission s'assemblerat-elle, et quelle sera son utilité?

1

Si les écrits sur lesquels le directeur général de la librairie aura prononcé un sursis, et dont il rendra compte à votre commission, se rattachaient à quel. ques procédures qui devaient être introduites devant vous, vos commissaires pourraient-ils en prendre connaissance? Je ne le pense pas; car le moindre préjugé de leur part les forcerait à se récuser, dès la chambre serait formée en haute cour na

que

tionale.

Personne ne veut être calomnié impunément, personne ne veut que les provocations au crime soient un droit; mais voulez-vous les prévenir : alors baillonnez, éteignez les feux; le silence et les ténèbres amèneront une explosion dont les victimes inconnues accuseront votre fatale prévoyance.

Le projet de loi, je le dis avec plaisir, ne m'a point donné de telles alarmes ; mais d'autres ont pu les concevoir. Et pourquoi ne pas rassurer tous les esprits, quand cela est si aisé, et lorsque sur-tout des engagemens solennellement contractés en font un devoir. Et d'ailleurs, les dispositions du Code pénal sont-elles abrogées (1)? Non, elles sont au contraire maintenues en vigueur par l'article 48 de la charte.

Quel est l'auteur, quel est l'imprimeur doué d'un peu de sens, qui voulût s'exposer à leur rigueur? Si ette rigueur était en ce moment présente à vos es

(1) Voy. les art. 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189 et 190.

prits, vous reconnaîtriez que ce frein est plus fort que celui de la censure. La censure provoque la clandestinité; la clandestinité est le véhicule de la curiosité; leur action est plus vive que celle de la censure, et plus palpable.

Je ne sais si je m'abuse, mais j'ai cru remarquer qu'il n'y avait pas, parmi les honorables membres de cette chambre, autant de dissentiment qu'il le paraît.

Tous ceux qui ont parlé en faveur de la loi, lui ont reproché les mêmes imperfections que ceux qui ont parlé contre; les conclusions ont été différentes. Est-ce parce que dans une telle situation des esprits on ne peut pas s'entendre? est-ce qu'on ne peut pas se rapprocher? Il me semble que cela serait facile. Il n'y a point ici, et il ne peut pas y avoir d'esprit d'opposition: notre intérêt individuel, notre amour pour le prince et la patrie, nos sermens le repoussent avec trop de vivacité; il y a désir réciproque de bien faire, de faire pour le mieux. Une assemblée composée d'hommes aussi recommandables, d'hommes aussi éclairés par les malheurs des temps et leurs études, peut-elle avoir un moment la pensée de refuser au Gouvernement, à cette autorité légitime, qui a pour elle la vénération des siècles, et les services rendus à la patrie par d'illustres aïeux, les secou rs et l'appu dont elle croit avoir besoin? non, certainement.

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Mais ceux-mêmes de ses membres qui, entraînés par un sentiment inné approfondissent le moins les motifs d'un dissentiment apparent, reconnaî

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