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D'ailleurs, en les associant à trois commissaires. du roi, pour former ce tribunal nouveau, et un peu singulier dans l'ordre judiciaire, on ferait peu de chose pour l'impartialité et l'indépendance; car il suffirait que deux d'entre eux se joignissent aux trois commissaires du roi, pour former la majorité. Et en dernier lieu ce serait toujours mettre la liberté de la entre les mains du Gouvernement. Il faut donc supprimer l'article en entier, et aviser aux moyens de former un autre tribunal de révision; ce n'est pas l'affaire de la chambre, c'est celle du ministre. Cela doit être l'objet d'une loi, mais non pas d'un simple amendement.

presse

Sí je voulais parcourir la loi article par article, elle serait susceptible de bien d'autres amendemens; mais je termine ici une opinion déjà trop longue, et je la termine par les mêmes sentimens que j'ai exprimés en commençant : nous avons tous le désir de seconder le Gouvernement, dans les vues qu'il se propose, pour l'intérêt de l'Etat et le maintien de la tranquillité; mais c'est au nom de ce même intérêt, que je regarde, dans ma pensée, le projet de loi qu'on vous propose comme aussi dangereux que peu nécessaire. La charte constitutionnelle est devant nous, on l'a violée dans la disposition des articles 8 et 46; tous les amendemens que l'ou ferait à la loi ne peuvent plus réparer ce vice. Je demande le rejet du projet de loi.

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CONFIDENCES MINISTÉRIELLES

FAITES A LA CHAMBRE DES PAIRS

SUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE.

ON se rappelle que le ministre de l'intérieur avait d'abord présenté à la chambre des députés son projet de loi sur la liberté de la presse, comme le complé ment indispensable de l'article de la charte qui établit cette liberté. On sait qu'au moment où la chambre allait voter sur l'adoption de ce projet, Son Excellence consentit, au nom du Roi, à le considérer comme seulemen: suspensif de la liberté de la presse, et à déclarer qu'il cesserait, dans deux ans, d'avoir son effet. Quoique cette seconde déclaration fût évidemment contraire à la première; comme la première avait paru dérisoire, on s'était cru fondé à penser que la dernière était exacte. Ons'était trompé; M. le ministre vient de faire une troisième déclaration qui prouve que les deux premières étaient également fausses. Il vient de convenir à la chambre des pairs, dans la séance du 30 août, que la loi proposée, au lieu d'être favorable à la liberté de la pressse, lui était contraire, et qu'au lieu d'être suspensive, elle devait être éternelle.

On se demande comment M. le ministre a pu être amené à un pareil aveu. Je l'ignore ; j'imagine pourtant que S. Exc. aura été entraînée par la force de la discussion. Le talent, l'à-plomb, la bonne foi des orateurs qu'il avait à combattre, lui auront sans doute fait sentir la nécessité d'abandonner la marche qu'il avait suivie jusqu'alors; et il paraît qu'au lieu de chercher à exciter la confiance de la chambre, en lui déguisant prudemment la vérité, il s'est attaché à la mériter en lui montrant une grande franchise, en lui révélant toute sa pensée, et en l'associant aux plus hautes conceptions du ministère. Il s'est peu arrêté à combattre les objections faites contre l'inconstitutionnalité de la loi. Il a fait l'aveu que le conseil d'Etat avait décidé, en principe que, par les mots de l'article 8 de la charte, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus da cette liberté, il fallait entendre, non la répression des délits commis par la voie de la presse, mais la prévention de ces délits, non la liberté de la presse, mais la censure (1). Il est convenu que la loi avait

(1) Il ne faut point s'étonner que le conseil d'Etat se permette d'interpréter la constitution. On sait que M. le chancelier, dans le discours qu'il a prononcé lors de son installation, l'a investi de ce pouvoir, et qu'il a même décidé que ses avis auraient force de loi, pourvu qu'ils fussent approuvés par le Roi. Il ne faut pas s'étonner non plus qu'il viole la constitution en l'interprétant. On sait que ses membres ne s'engagent point par leur

été rédigée d'après cette interprétation; et c'est en montrant qu'elle ne s'écartait pas de cet esprit, qu'il a cherché à la défendre. Il s'est attaché à justifier les principes du ministère à cet égard. Il n'a pas craint de déclarer que l'imprimerie était un art funeste; qu'elle avait été la principale cause de nos maux en morale et en politique, et que rien n'était plus urgentque de l'enchaîner; telle a été sa principale thèse.

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Après s'être si bien expliqué sur le sens de la loi,› il a cherché à éclairer la chambre sur les sentimens. qui devaient l'animer, et à l'élever à la hauteur d'indépendance à laquelle MM. les ministres se sontplacés de la charte. Il a fait sentir à MM. les pairs qu'ils avaient une mission bien autrement élevée. que MM. les députés; qu'ils n'étaient point réduits à s'occuper des intérêts du peuple ; qu'ils étaient des hommmes d'état, faits pour être initiés à tous les secrets de la politique ministérielle, et pour entrer dans toutes ses vues.

Ce n'a pas été là le seul moyen dont s'est servi le ministre pour décider la chambre en faveur du projet de loi ; il s'est attendri sur lui-même, il a parlé des embarras du ministère qui ne pouvait marcher faute de lois, et il a invité la chambre à le seconder.

Enfin, pour achever de vaincre MM. les pairs

serment à respecter les lois de l'état, qu'ils promettent seulement de garder les édits et ordonnances du Roi. Mais oublient-ils donc que la constitution est aussi une ordonnance? ne se souviennent-ils pas que M. le chancelier l'a baptisé une ordonnance de réformation?

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il a voulu tranquilliser leurs consciences, et il a dai gné leur donner quelques explications relatives aux objections faites, 1°. sur les vices de formes du projet, et sur les amendemens qu'il avait reçus à la chambre des députés; 2o. sur le préambule ; 3°. sur la commission chargée de reviser les jugemens de la censure; 4. sur la censure proposée qui n'est point une cen5°. enfin sur l'impossibilité d'amender le projet

sure;

de loi.

Je ne sais quelles réflexions auront suggéré à MM. les pairs les épanchemens de M. le ministre; mais j'ai beaucoup de peine à croire qu'ils aient produit sur leur esprit l'effet qu'il s'en promettait, et je suis persuadé qu'il aura moins à se louer de sa franchise envers MM. les pairs que de sa réserve avec MM. les députés. Déjà quelques membres de la chambre des pairs ont voulu voir dans ses confidences, l'aveu d'une sorte de conspiration de la part du ministère contre les lois de l'Etat, et l'invitation faite à la chambre, de prendre part à ce complot (1). On

(1) Voici la proposition que M. le duc de Brancas a faite à la chambre : « Il ne s'agit pas moins, dans la circonstance » présente, que de rester sujets fidèles d'un Roi qui nous » rend libres, ou de devenir sujets d'un ministre qui > nous rendrait esclaves. Cette considération est d'une si » haute importance, qu'elle porte subitement mon esprit » sur l'article 19 de la charte (il rapporte l'article. ) Je >> vois dans la conduite du ministre de l'intérieur l'indis

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