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assez de lui-même, et nous dispense de toute observation; nous ne pourrions certainement en faire aucune qui ne fût au-dessous des sentimens qu'il inspire. Il ne doit point, au reste, nous causer une trop grande surprise. On sait que ce n'est pas la première fois que l'exemple de la violence et de l'immoralité nous est venu de Rome, et Sa Sainteté, depuis son retour dans ses états, a déjà donné au monde chrétien plusieurs petites leçons de ressentiment et d'animosité qui prouvent assez que ce n'est point du Saint-Siége que les fidèles doivent toujours attendre les exemples les plus

édifians.

- Si nos mœurs ne s'épurent pas, ce ne sera certainement pas la faute des hommes qui nous gouvernent. Ils portent leur sollicitude à cet égard jusqu'à s'occuper de la toilette des dames, et à veiller qu'elles ne se présentent pas en public, au moins en certains lieux, sans être ajustées d'une manière parfaitement décente. Il paraît qu'il a été donné des ordres pour qu'on refusât l'entrée du jardin des Tuileries à toute femme qui se présenterait à la grille les bras nuds; on a vu du moins des factionnaires ne pas vouloir laisser entrer des femmes d'ailleurs décemment vêtues, parce qu'elles n'avaient pas de gants. Il faut bien se garder de rire d'une pareille mesure et de la trouver minutieuse ; on sait que les petites précautions conservent les grandes vertus, et l'on ne peut pas disconvenir que celle-ci ne soit de nature à produire un grand et salutaire effet sur les mœurs.

-Un pape ayant fait fermer à Rome les lieux publics de prostitution, on vit sur la statue de Pasquin écrit en grosses lettres : Laudate pueri Dominum. On assure que la même inscription a reparu après la promulgation de la bulle qui rétablit les jésuites.

-Nos journaux gardent toujours le silence le plus édifiant sur les opérations ministérielles; il n'en est pas un seul qui ait eu le courage de rapporter les discours prononcés à la chambre des pairs contre le projet de loi qui doit rétablir.la censure. On voit qu'ils regar-. dent la liberté de la presse comme perdue, et qu'ils aspirent au droit exclusif de mentir avec privilége.

LE CENSEUR.

N°. 11.

CHAMBRE DES PAIRS.

I

SÉANCES des i"., 5, 6 et 8 septembre.

A

UNE heure après midi, messieurs les pairs se réu nissent en vertu de l'ajournement porté au procèsverbal de la séance du 30 août dernier.

L'ordre du jour appelle à la tribune les membres inscrits pour combattre le discours du ministre sur la liberté de la presse.

Trois membres sont entendus successivement; ils s'accordent tous à reconnaître que la loi est inconsti tutionnelle au fond; qu'elle l'est également sous la forme dans laquelle elle a été adoptée par la chambre des députés; et enfin que rien ne prouve la nécessité de suspendre l'exercice d'un droit consacré constitution.

par

la

On demande la clôture de la discussion. Le mi

TOME Ier.

33

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nistre de l'intérieur, désirant être entendu avant qu'elle soit fermée, M. le président lui accorde la parole.

On a supposé, dit le ministre, que la loien question, quoique présentée comme provisoire, était définitive dans l'intention du gouvernement. Savoir si elle est provisoire ou définitive, c'est un point de fait sur lequel, je crois, l'article 22 du projet ne peut laisser aucun doute. (Cet article déclare, il est vrai, que la censure cessera d'exister à la fin de 1816; mais le préambule du projet dit que, lorsque la censure n'existera plus, les droits accordés par la charte et par conséquent la liberté de la presse, resteront sans effet.)

On reproche à cette loi des imperfections; mais elle n'est imparfaite que pour ceux qui la considèrent sous un point de vue différent de celui qu'ont envisagé ses rédacteurs. (Elle est imparfaite pour ceux qui la considèrent comme citoyens ou comme magistrats; mais elle est parfaite pour les ministres qui exercent une censure arbitraire sur tous les écrits, et qui jouissent de la liberté illimitée de la presse.) Dès qu'on se place à ce dernier point de vue, les imperfections disparaissent, (cela est évident) et toutes les parties du projet sont parfaitement d'accord entre elles. (Il est clair en effet que le préambule du projet, qui déclare !que Français ne pourront, dans aucun temps, jouir de la liberté de la presse, qu'autant qu'ils soumettront leurs écrits à la censure préalable et arbitraire des agens d'un ministre, est parfaitement en harmonie avec l'article 22 du projet, suivant lequel les Fran

les

çais doivent jouir de la liberté de la presse à la fin de l'année 1816.)

Pourquoi s'obstiner à vouloir que le premier soit le véritable (le point de vue qui présente la censure comme inconstitutionnelle), quand un grand nombre de personnes instruites (il faudrait ajouter, et de bonne foi), quand le conseil du Roi, quand une partie de la chambre des députés en a jugé autrement? (Sous le gouvernement impérial, les décisions du conseil d'état, qu'on appelait des avis, n'étaient obligatoires que pour les tribunaux; il paraît que bientôt ces décisions seront obligatoires pour les deux chambres.)

il

par

Cependant, quoique persuadé de l'utilité de la censure, (quels bons effets a-t-elle produit?) le Gouvernement n'a point abonde dans son sens; (est-ce parce qu'il a cru qu'elle était utile ? ) a CONSENTI l'article 22 du projet à changer en loi provisoire, une loi qu'il avait cru présenter comme définitive.) Ce prétendu consentement n'est point une concession faite aux chambres, puisqu'elles auraient pu rejeter la loi toute entière. Remarquez d'ailleurs l'aveu fait par le ministre, que, dans l'intention du Gouvernement, la censure devait être éternelle, quoiqu'on eût fait espérer par l'article 22 du projet, non amendé, que la loi serait revue dans trois ans cette espérance auraitelle eu pour objet unique de rendre les deux chambres un peu moins difficiles sur l'adoption du projet de loi?)

On réclame contre l'adoption prétendue irrégulière des amendemens; mais il n'y a point eu de véritables amen

demens, il n'y a eu que des EXPLICATIONS. (Quoi ! le ministre dit qu'il a consenti à changer en loi provisoire, une loi qu'il avait présentée comme définitive, et immédiatement après, il ajoute qu'il n'a consenti à aucun amendement! Il réduit à vingt feuilles le nombre trente porté dans le premier projet ; et il appelle cela une explication! Certes, on a tort de déclamer contre les banqueroutiers; car enfin, que font-ils autre chose que donner des explications à leurs créanciers?)

On regarde la censure comme inutile, attendu les lois qui existent sur la calomnie. (On ne regarde pas la censure comme inutile seulement, on la regarde comme destructive de la liberté civile et politique); mais ces lois supposent une censure, sans laquelle il faudra que le code pénal embrasse les innombrables subtilités, les inextricables subterfuges de la calomnie. (Quoi! les lois qui punissent la calomnie, supposent nécessairement une censure préalable et arbitraire, destinée à empêcher qu'aucun délit de calomnie ne puisse être cominis? Mais il existe en Angleterre, en Suède, en Prusse, en Hollande, à Genève, aux Etats-Unis, des lois qui punissent la calomnie; et cependant la censure préalable et arbitraire y est inconnue. D'ailleurs, si les lois ne peuvent atteindre les innombrables subtilités, les inextricables subterfuges de la calomnie, comment les censeurs les atteindront-ils mieux? Les agens révocables des ministres auront-ils une sagacité à laquelle des jurés ou des magistrats ne sauraient arriver, ou leur suffira-t-il d'exercer au ha

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