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faite liberté, et sont, suivant eux, un exemple dangereux pour le monde. Mais ces hommes sont prudens; en avouant leurs principes abominables, ils les déguisent, et s'efforcent d'afficher des sentimens plus délicats; ils excitent les craintes patriotiques du peuple qu'ils portent à cette guerre, en lui présentant l'idée que, si l'Amérique n'est pas bouleversée, ou au moins abaissée, en peu d'années elle sera capable, conjointement avec la France, de nous battre sur l'Océan.

Ici le journaliste rapporte un article inséré dans le Thimes, dans lequel on remarque qu'après avoir fait la récapitulation des forces maritimes de l'Amérique, et avoir traité MM. Madisson et Jefferson d'infâmes conspirateurs, l'auteur ne voit d'autre remède au mal qu'il paraît craindre, que l'entier anéantissement de la marine américaine. Puis il ajoute:

Si l'on se souvient des plaisanteries de cet homme sur la marine américaine, il y a environ deux ans, on doit rire des réflexions sérieuses que lui fait faire la simple vue de la liste des vaisseaux américains. Mais pourquoi cela? Pense-t-il que huit millions d'hommes, habitant un pays qui renferme plusieurs rivières, dont les plus petites branches sont plus larges que la Tamise au pont de Londres; qui produit le maïs des melons, une récolte de froment et une autre de sarrasin dans le même

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champ et dans la même année; où les récoltes sont portées dans la grange au milieu de septembre, où les pêches croissent en grande abondance

et avec dix fois moins de travail que ne nous en coûte la culture des pommes dans le Sommersetshire; où le bois de construction se trouve au bord des rivières, sur lesquelles les vaissaux de première force peuvent naviguer, ce qui invite à la construction pour 1'Océan; où les champs sont entourés et séparés par des barrières de cèdre et de châtaignier; pense-t-il, dis-je, qu'il soit possible d'empêcher un tel peuple de devenir une grande puissance maritime, et d'acquérir la plus grande prépondérance parmi les Nations? S'il est assez sot pour se bercer de telles espérances, il doit être plus borné que tous ses confrères les journalistes. Cependant, c'est pour exécuter cette pieuse entreprise qu'il faut arrêter les progrès de la nature, élever une barrière contre la force naturelle des choses, arrêter les effets de la chaleur du soleil, dépenser plusieurs centaines de millions sterling, et faire couler des torrens de sang.

Ce n'est pas, il faut l'avouer, une réflexion agréable, que celle de penser que l'Angleterre doit un jour être éclipsée sur les mers. Mais, peut-on justifier ou essayer de justifier une guerre qui dévastera un pays, sur le simple soupçon que tôt ou tard ce pays nous surpassera en puissance? Les chances en notre faveur sont que les Etats-Unis d'Amérique seront un jour divisés. Dans ce cas, ils se feront souvent la guerre, et peut-être qu'aucun de ces partis n'égalera l'Angleterre en puissance.

Si quelque chose pouvait prolonger leur union audelà de ce qu'elle doit durer naturellement, c'est une

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guerre entreprise contre eux d'après les principes présentés par le perfide et lâche écrivain, dont les déclamations seront plus favorables à M. Madisson que tout ce que lui ou ses amis pourrait effectuer; car enfin, le but de cette guerre est d'écraser l'Amérique dans un moment où elle n'a plus d'alliés, afin que plus tard elle ne puisse avoir aucun moyen de défense contre l'Angleterre. Ce n'est pas une question de droit que ce sage agite pour le moment; mais c'est pour l'avenir. « L'Amérique peut devenir une rivale dangereuse sur les mers; donc nous devons la détruire, nous devons anéantir sa marine. »

Il appelle le président américain et les membres du congrès, des conspirateurs. Mais qu'appellerat-on désormais conspirateurs? Quel arrêt veut-il prononcer contre MM. Madisson et Jefferson? Il ne l'a pas communiqué, et il peut bien se taire làdessus, jusqu'à ce qu'ils soient l'un et l'autre tombés dans ses mains. Il est vraiment étrange d'entendre appeler conspirateur le premier magistrat d'une nation indépendante, uniquement parce que cette nation est en guerre avec nous: personne n'avait pensé jusqu'à présent à traiter de conspirateur le roi de Prusse, l'empereur de Russie, l'empereur d'Autriche, le roi d'Espagne, qui ont tous été en guerre avec nous dans les dix dernières années. Cependant ce titre leur était applicable aussi bien qu'à M. Madisson, premier magistrat d'une nation aussi indépendante de nous que la Prusse ou la Russie.

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Depuis la chute de Napoléon, ces vils esclaves ont

toujours parlé de l'Amérique de manière à nous faire croire qu'ils la considéraient comme une colonie révoltée, et qu'ils ont définitivement adopté le projet de la ramener à l'obéissance. Si ces esclaves pouvaient seulement habiter l'Amérique pendant vingt-quatre heures, ils penseraient bientôt autrement. Mais, en attendant, ils trouvent des hommes à tromper, des esprits faibles qu'ils induisent en érreur, et qui ne s'apercevront de leur crédulité qu'après une funeste expérience.

Un journal (le Censeur Ecossais) publiait, il y a quelques jours, une conversation qui, disait-on, avait eu lieu entre M. Jeffrays et M. Madisson. L'on rapportait que ce dernier, étant à table avec M. Jeffrays, lui demanda ce que le peuple d'Angleterre pensait de la guerre avec l'Amérique; à quoi M. Jeffrays répondit qu'il en avait entendu parler seulėment une fois par quelqu'un à Liverpool. Ainsi les en croire, une guerre avec l'Amérique est de ši peu d'importance, pour la grande nation anglaise, que le peuple n'y fait pas même attention. Il

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fera attention par les avis des receveurs des taxes, si ce n'est par une autre voie. Ces Messieurs leur diront ce que c'est que d'être en guerre avec l'Amėrique. Cependant la fausseté de ce mépris est rendue manifeste par l'article même que je critique'; car il y est dit que la liste de la marine américaine doit causer de très-sérieuses réflexions : ce n'est plus un sujet d'ironie. L'écrivain s'écrie : Hélas! cela peat être appelé une marine, et il dit que notre sûreté natió

nale dépend de cette guerre. Si ce paragraphe est lu par M. Madisson, il ne manquera pas de rire, au rapport de notre Censeur Ecossais qui, je pense, s'en retournera chez lui bien fâché contre un peuple dans la basse classe duquel il ne trouverait pas un véritable Américain qui lui ôtât son chapeau. C'est dans le Morning-Chronicle que j'ai lu ce paragraphe; et, venant de cette source, je crois assez que M. Jeffrays en est l'auteur. Qu'il ait dîné avec M. Madisson, cela est possible, suivant l'ha• bitude du pays; mais il n'est pas probable que M. Madisson lui ait fait une question semblable. En tout cas, ce n'est pas reconnaître l'hospitalité et la condescendance du Président, que de publier une telle anecdote.

Les rois et les princes ont raison de se distinguer par de superbes voitures, de grosses perruques et de grandes robes, etc. Ce brillant en impose au vulgaire; mais le peuple d'Amérique n'a pas jusqu'ici fourni à son premier magistrat les moyens de faire tant d'étalage. Toute sa liste civile ne pourrait y suffire. Pour compenser cela, M. Jeffrays aurait pu voir un samedi matin, sur les sept heures, dans les villes de Philadelphie et de New-Yorck, cinq cents ouvriers revenant du marché avec une grosse volaille pour le dîner du lendemain; il n'en aurait pas rencontré un qui lui eût cédé le haut du pavé, ou qui eût ôté son chapeau devant lui; et cela méritait bien l'attention d'un philosophe et d'un auteur qui écrit sur l'économie politique. Avoir rapporté

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