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cela dans le Morning - Chronicle, aurait fait plus d'honneur à M. Jeffrays qu'une petite et méchante anecdote.

Quoi qu'il en soit, les Américains nous ont guéris, n'importe à quel prix, du mépris que nous avions pour eux; et je pense que leur conduite sera telle, que nous serons forcés de les respecter tous les jours de plus en plus. Si l'on me demandait, l'Angleterre doit-elle céder quelques-uns de ses droits? je répondrais qu'une guerre perpétuelle, et des taxes pour la soutenir, seraient préférables à l'avilissement; mais il n'y a aucun obstacle qui nous empêche à faire la paix; et quant à soutenir une guerre qui a pour but d'empêcher l'Amérique d'être formidable à l'avenir, c'est une idée qui ne peut être sérieusement nourrie par un homme qui n'est pås dépourvu du sens commun et de tout principe.

ADIEUX

A LA LIBERTÉ DE LA PRESSE (1)..

« Variæ illudunt pestes. ››

L'ÉPOQUE actuelle, en décidant du sort de la presse, doit être une des plus importantes de notre

(1) Article communiqué.

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histoire; elle doit déterminer le sort de la génération présente, et sans doute aussi celui des générations qui viendront après nous. En effet, la liberté de la presse est l'unique moyen de former un esprit public dans une monarchie, et l'esprit public, étant la seule puissance capable de maintenir les lois et les droits des citoyens, doit être considéré comme un bien suprême qu'il s'agit pour nous d'acquérir ou de perdre presque

sans retour.

(Paragraphe supprimé par la censure.)

Il est vraiment

remarquable que pas un homme de talent, excepté le ministre, ne se soit déclaré pour le projet de loi; et que pas un de ses défenseurs, sans excepter le mimistre, n'ait su trouver seulement une phrase raison

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nable, ou du moins spécieuse, en faveur de ce projet déplorable.

Mais, puisqu'il en est temps encore, profitons de ces derniers momens d'une liberté sans laquelle toutes nos autres libertés seront précaires et nulles par cela même; profitons-en, sinon dans l'espoir de la conserver, du moins pour lui rendre le dernier hommage, pour acquitter notre conscience et l'honneur national, en la poursuivant de nos vœux et de nos suffrages publics jusqu'à ce qu'on nous l'ait ravie. Rendons graces aux nobles défenseurs de la constitution, qui, par une opposition patiente et ferme à la fois ont si souvent réduit à l'absurde les adversaires de la liberté de la presse. Recommandons à la reconnaissance et à l'admiration des Français les honorables noms de MM. Benjamin de Constant, Raynouard, Lanjuinais, Dedelay-d'Agier, de Brancas, LenoirLaroche, Cholet, Boissy-d'Anglas, Dumolard..... : disons que les assemblées représentatives les plus formées, les plus mûries par un long usage de la liberté, offrent peu d'exemples d'une aussi belle discussion que celle qui a eu lieu à la chambre des pairs du côté de l'opposition au projet de loi.

T

Mais, après tout, comment se peut-il faire que tant d'inconstitutionnalités soient sur le point d'être sanctionnées?..... C'est que nous n'avons point d'esprit public; c'est que, malgré l'évidence des principes, nous n'avons sur nos plus grands intérêts que des opinions molles et flottantes que nous sommes prêts à abandonner avec la dernière indifférence,

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tant nous avons de peine à revenir des habitudes stupides de l'esclavage! Supposons qu'en Angleterre' un ministre malicieux s'avisât de vouloir attenter à la liberté de la presse, et instituer des censeurs, pour le plus grand bien de la belle littérature ; qu'arriverait-il, bon Dieu! à ce singulier ministre ? (Lignes supprimées par la censure.)

Chaque bourgeois de Londres, tout en criant vive le Roi! produirait légitimement sa demande pour l'expulsion la plus prompte de cet ennemi des lois. Mais nous, hélas! avec une constitution plus positive encore en faveur de la presse que celle des Anglais, nous sonimes loin d'avoir cet esprit public que la liberté de la presse pourrait seule nous donner à la longue. Résiguons-nous, il faut la perdre. Faisons-lui notre dernier adieu, en souhaitant, avec M. le duc de Brancas, que le ministre soit responsable de ce funeste évènement..

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G. F.

SUR LE CONSEIL D'EN-HAUT.

Lorsque les Français lurent dans l'ordonnance du 29 juin dernier, que le Roi reconnaissait l'avantage de simplifier l'organisation de son Conseil, et qu'on ne pouvait se dispenser de la mettre en harmonie avec les changemens survenus dans la forme du gouverne ment (1), et dans les habitudes de ses peuples, chacun

(1) Trois ministres assurent que ces changemens ne sont que provisoires.

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se demanda ce que signifiait la qualification de con2 seil d'en haut donnée (art. 5) au conseil des ministres actuellement existans?

Les journaux, en nous apprenant que le Roi a présidé (23 septembre) le conseil d'en haut, provoquent de nouvelles recherches sur cette très-singulière dénomination.

Ce que l'on trouve de plus clair à cet égard est la dissertation sur le conseil d'état, insérée dans les Mémoires historiques et critiques de Mezerai (1), publiés en 1753 (Amsterdam, Jean-Frédéric Bernard), pages 140 et suiv. du tome II, in-12. On y lit ces propres expressions.

« C'est une entreprise manifeste et intolérable » quand il (le conscil) entreprend de casser ou in» firmer. des arrêts du parlement. Qu'on ne dise. » point que le Roi étant présent à la délibération, » et cela se faisant dans le conseil d'en haut, il n'y » a point d'autorité au-dessus de la sienne. Car ce » conseil d'en haut est un mot nouveau forgé par les » ministres pour appuyer leur tyrannie. C'est une » invention de la Régence, sous Louis XIII: on ne savait auparavant ce que c'était que le conseil d'en » haut. Les étrangers (2) ont corrompu la façon de » parler de nos pères, aussi bien que leurs mœurs » et leur discipline.

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» Mais, soit que le Roi soit présent en son conseil, » soit qu'il n'y soit pas présent, du moins est-il certain qu'il n'y assiste pas pour y détruire les lois de >> son royaume; au contraire, la souveraineté con» siste particulièrement à les maintenir. C'est son >> serment, c'est le contrat qu'il a fait avec ses pen» ples. Tout ce qui se traite dans son conseil ne

(1) Le manuscrit est à la bibliothèque du Roi.

(2) Les Concini, les Galigaï qui abreuvèrent d'amertume les dernières années d'Henri IV, et auxquels la postérité reproche l'assassinat du meilleur des Rois.

TOME AN

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