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français et anglais. Elles déclarèrent en même temps qu'on ne saisirait sur les bâtiments neutres que la contrebande de guerre et qu'on ne délivrerait pas de lettres de marque pour autoriser les armements en course. Enfin, après la conclusion de la paix, les grands principes du droit des gens furent solennellement reconnus par les puissances contractantes du traité du 30 mars 1856, savoir, la France, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse, la Russie, la Sardaigne et la Turquie. Leurs plénipotentiaires signèrent le 16 avril 1856, la déclaration suivante :

<< Considérant que le droit maritime en temps de guerre a été pendant longtemps l'objet de contestations regrettables; que l'incertitude du droit et des devoirs, en pareille matière, donne lieu, entre les neutres et les belligérants, à des divergences d'opinion qui peuvent faire naître des difficultés sérieuses et même des conflits; qu'il y a avantage par conséquent à établir une doctrine uniforme sur un point aussi important; que les plénipotentiaires assemblés au congrès de Paris ne sauraient mieux répondre aux intentions dont leurs gouvernements sont animés, qu'en cherchant à introduire dans les rapports internationaux des principes fixes à cet égard;

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>> Dûment autorisés, les susdits plénipotentiaires sont convenus de se concerter sur les moyens d'atteindre ce but, et étant tombés d'accord, ont arrêté la déclaration solennelle ci-après :

» 1° La course est et demeure abolie;

» 2o Le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie, à l'exception de la contrebande de guerre ;

>> 3o La marchandise neutre, à l'exception de la contrebande de guerre, n'est pas saisissable sous pavillon ennemi;

» 4o Les blocus, pour être obligatoires, doivent être effectifs, c'est-à-dire maintenus par une force suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral ennemi.

>> Les gouvernements des plénipotentiaires soussignés s'engagent à porter cette déclaration à la connaissance des États qui n'ont pas été appelés à participer au congrès de Paris et à les inviter à y accéder.

>> Convaincus que les maximes qu'ils viennent de proclamer ne sauraient être accueillies qu'avec gratitude par le monde entier, les plénipotentiaires soussignés ne doutent pas que les efforts de

leurs gouvernements, pour en généraliser l'adoption, ne soient couronnés d'un plein succès.

>> La présente déclaration n'est et ne sera obligatoire qu'entre les puissances qui y ont ou qui y auront adhéré. »

Dans un rapport adressé le 12 juin 1858 à l'empereur Napoléon et inséré au BULLETIN des Lois, le ministre des affaires étrangères de France annonçait qu'il avait communiqué cette déclaration à tous les gouvernements qui n'avaient pas été représentés au congrès de Paris, et que la plupart l'avaient accueillie favorablement. « Adoptée et consacrée par les plénipotentiaires de l'Autriche, de la France, de la Grande-Bretagne, de la Prusse, de la Russie, de la Sardaigne, de la Turquie, la déclaration du 16 avril a obtenu l'entière adhésion des États dont les noms suivent : Bade, la Bavière, la Belgique, Brême, le Brésil, le duché de Brunswick, le Chili, la Confédération argentine, la Confédération germanique, le Danemark, les Deux-Siciles, la république de l'Équateur, les États Romains, la Grèce, Guatemala, Haïti, Hambourg, le Hanovre, les deux Hesses, Lubeck, Mecklembourg-Schwerin, Mecklembourg-Strélitz, Nassau, Oldenbourg, Parme, les Pays-Bas, le Pérou, le Portugal, la Saxe, SaxeAltenbourg, Saxe-Cobourg-Gotha, Saxe-Meiningen, Saxe-Weimar, la Suède, la Suisse, la Toscane, le Wurtemberg... Le gouvernement d'Uruguay a donné également son entière adhésion à ces quatre principes, sauf ratification du pouvoir législatif. L'Espagne, sans adhérer à la déclaration du 16 avril à cause du premier point qui concerne l'abolition de la course, a répondu qu'elle s'appropriait les trois autres. Le Mexique a fait la même réponse. Les États-Unis seraient prêts, de leur côté, à accorder leur adhésion, s'il était ajouté à l'énoncé de l'abolition de la course, que la propriété privée des sujets ou citoyens des nations belligérantes serait exempte de saisie sur mer, de la part des marines militaires respectives. >>

La dépêche du 28 juillet 1856 de M. de Marcy, ministre des États-Unis, à laquelle il est fait allusion à la fin de la citation précédente, soulevait une question très-importante qui avait été agitée déjà par quelques publicistes et que le droit des gens futur résoudra sans doute dans le sens où la déclaration du 16 avril a résolu les questions de la course, de la navigation neutre, du

blocus. L'usage s'étant introduit peu à peu dans les guerres terrestres de respecter les personnes et les propriétés privées, de ne pas rendre responsables les particuliers et leurs biens des luttes politiques des États, n'est-il pas juste et conforme à l'esprit de la morale chrétienne d'étendre ce même principe aux guerres maritimes, et de respecter aussi bien les bâtiments marchands des sujets ennemis et les envois de marchandises qu'ils font sur mer, que les voitures de roulage ou les wagons des chemins de fer qui transportent leurs produits par terre ? Le principe énoncé par le ministre des États-Unis a été accueilli avec beaucoup de faveur par les États commerçants qui ne possèdent pas de marine de guerre, notamment par les villes anséatiques. Une motion a même été présentée à la chambre des députés de Prusse dans la séance du 20 février 1861, pour inviter le gouvernement à faire tous ses efforts en faveur de l'adoption générale de ce principe. Mais les grandes puissances maritimes paraissent moins disposées à le reconnaître. On l'a combattu d'ailleurs par des raisons qui ne manquent pas de valeur. La continuation ininterrompue du commerce n'enlèverait-elle pas aux guerres leur caractère redoutable, et ne serait-ce pas un motif pour les rendre plus longues et plus fréquentes? V. HAUTEFEUILLE, Histoire du droit maritime international, p. 503 et suiv. [A. O.]

CHAPITRE III.

DROIT DE LA PAIX.

317.- Moyens de terminer les différends. Preuve. Voie de fait et de violence.

Il y a plusieurs moyens et manières (a) de terminer les différends survenus entre des États (b). Si ce sont des faits incertains qui ont donné lieu à la contestation, les deux parties, avant d'en venir à des actes d'inimitié, doivent essayer d'établir la preuve en leur faveur (c). Ce n'est qu'alors, quand chacun croit être fondé en raison, ou qu'il s'agit d'une question de droit douteuse, qu'ils peuvent choisir librement les moyens qu'ils croient les plus avantageux, pour faire prévaloir leur opinion. Quand ils choisissent la violence, ils peuvent recourir à différentes manières de se faire droit à soi-même, que nous avons énoncées ci-dessus au § 234.

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En raison de leur indépendance politique, les États-parties ne sont point obligés de reconnaître un juge commun,

(a) B. C. STRUV jurisprud. heroica, t. I, c 1. p. 6-95. A. G. S. HALDIMAND Diss. de modo componendi controversias inter aequales, et potissimum arbitris compromissariis Lugd. Bat. 1738. 4. J. G. DARIES De modis in statu naturali componendi controversias, in specie de bello judiciali; in Ejus obss. jur. nat., soc. et gent., Vol. II. (Jen. 1754. 4.) obs. 68, p. 344 sqq. MOSER'S Versuch, VIII, 391 ff. 449 ff. v. OMPTEDA's Literatur, II, 604.

(b) Voy. des écrits sur les prétentions dans la note b du 2 25, et dans la Littérature de M. d'OMPTEDA, II, 605 ff.

(c) DARIES 1. c. 26. sqq.

pas plus que l'un d'eux ne pourrait, sans le consentement et l'acquiescement de l'autre, décider dans sa propre cause. Un jugement n'est donc admissible que de l'accord des deux parties, lorsqu'elles compromettent sur leurs prétentions réciproques, en choisissant pour arbitre (a) ou l'une d'entre elles, ce qui cependant n'arrivera que rarement, ou bien un ou plusieurs tiers. Non-seulement les membres de l'un ou de l'autre État en contestation, mais aussi des tiers États ou leurs sujets, peuvent être appelés à l'arbitrage. Si celui qui a été élu accepte, il est en droit, après une discussion et l'examen suffisant des raisons pour et contre, de prononcer le jugement arbitral (laudum) qu'il croit conforme aux principes du droit des gens. La question de savoir si les parties

(a) HALDIMAND Diss. cit. De BIELFELD Institutions politiques, II. 152, BYNKERSHOEK de foro legat. c. XXIII. KLUIT, hist. fed. Belg., II, 500 et s. Exemples de 1674 et de 1678, dans Du MONT, corps diplom. t. VII, p. I, p. 253, 365; de 1263, 1491 et 1697, dans FLASSAN, Hist. de la diplom. fr. I, 124, 257. V. 159. Ce moyen a été presque entièrement négligé depuis plusieurs siècles. A en juger par les manifestes et les proclamations, jamais souverain n'a fait la guerre que malgré lui, et après avoir tout fait et essayé pour l'éviter. Pourquoi donc n'en revient-on jamais aux arbitres? Tout au plus, on accepte la médiation d'une tierce puissance, mais qui reste presque toujours sans effet. Il n'y a donc plus, pour ainsi dire, que la guerre qui puisse assurer l'inviolabilité des droits. Il y a des exemples de puissances qui ont remis la décision de leurs contestations au jugement arbitral d'une cour de justice ou d'une commission de jurisconsultes. Du Mont, corps dipl., t. Vl, P. 3. p. 41 (1665), Westphal, teutsches Staatsrecht, p. 444. Paix de Ryswich de 1697 entre l'Autriche et la France, art. 8 et art. sép.; le laudum de 1701 et la décision surarbitrale du pape de 1702, Du Monт, t. VIII, P. 1, p. 6 et 98 (V. plus haut 2 50 6). Acte final du congrès de Vienne, art. 69, et mes actes du congrès de Vienne, VI, 470. Acte fédéral allemand de 1815, art. 11. V. aussi FLASSAN 1. c. t. I, 256, 161, III, 200. Lorsque des grandes puissances constituent un tribunal arbitral, ce n'est ordinairement que pour les objets d'intérêt secondaire. (Voir sur les règles de l'arbitrage HEFFTER, Droit international 109. Sur le tribunal austrégal de la Confédération germanique, voir MEYER et ZÖPFL Corpus juris Confeder. germ., 2° éd., 1859. 8. et ZACHARIÆ, deutsches Staatsrecht, t. II).

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