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contre-poids, bilanx s. trutina gentium) n'est point fondé dans le droit des gens (b), à moins qu'il ne soit établi par des conventions publiques (§ 6). Essentiellement différent de ce qu'on pourrait nommer équilibre de droit, du suum cuique, ce prétendu système d'équilibre politique n'est fondé que sur l'idée de la puissance et de la prépondérance. Considéré au point de vue politique et juridique, il n'offre jamais qu'un calcul vague et mal assuré, puisqu'il ne s'agit de rien moins que de déterminer non-seulement les forces militaires et la population des États, mais aussi les ressources qu'ils peuvent tirer du caractère national de leurs habitants, de la culture, de la richesse, de la situation et de l'étendue de leur territoire, du nombre et de la puissance de leurs alliés, de leur constitution, des qualités personnelles de leurs souverains, en général de tous les moyens physiques et moraux qui sont à leur disposition (c). Une distribution égale des pays, à proportion de leur importance politique (lex agraria gentium), ne s'est faite et ne se fera jamais. Néanmoins, la jalousie, la méfiance, la simple convenance, ont suggéré quelquefois à des souverains la prétention de conserver ou d'établir un certain équilibre, tantôt en Europe en général, tantôt particu

Gerechtigkeit. Frankf., 1802, t. I, II, gr. 8. Essai sur le nouvel équilibre de l'Europe, par Alphonse GARY, à Paris, 1806, 8. Fr. v. GENZ Fragmente aus der neuesten Geschichte des polit. Gleichgewichts. Petersb., 1806, 8. Ideen über das politische Gleichgewicht von Europa. Leipzig, 1814, 8. Betrachtungen über die Wiederherstellung des polit. Gleichgewichts in Europa. Hannov., 1814, 8. (Joh. MULLER'S) Darstellung des Fürstenbundes, 21-89, S. 88 ff. A.-G.-L. HEEREN's Handb. der Geschichte des europ. Staaten Systems (2 Aufl., 1811). p. 13. (WHEATON, hist. des Progrès du droit des gens, 2o éd., t. I, p. 110.)

(b) L'opinion contraire est soutenue dans le Précis du droit des gens de l'Europe moderne, de MARTENS, 121, et SCHMALZ, europ. Völkerrecht, p. 206 fr.

(c) Il serait à désirer que ce mot équivoque d'équilibre politique fût banni du langage tant de la politique que du droit des gens.

lièrement au nord, à l'est ou à l'ouest, en Allemagne, en Italie, sur le continent ou sur mer, dans la navigation, ou dans le commerce; il y a même eu des théoriciens qui ont regardé un changement survenu dans ce prétendu équilibre comme une juste raison de guerre (d). D'ailleurs il est incontestable, que chaque puissance est fondée en droit à s'opposer à toute tendance injuste d'une autre puissance, ayant pour but de s'arroger de la domination, de s'agrandir, d'acquérir de la prépondérance, ou la monarchie universelle (e).

8 43. Conduite à tenir en vue de la conservation de l'État et de ses droits.

Chaque État a le droit non-seulement de prévenir toute lésion immédiate ou médiate des droits qui lui assurent sa conservation et sa durée, l'acquisition de certains objets, sa réputation, etc., mais aussi de se faire raison soi-même. de tout préjudice porté à l'exercice de ces mêmes droits.

(d) Jo. Jac. LEHMANN, tr. trutina, vulgo bilanx Europæ (Jen., 1716, 8), p. 187, sq. L.-M. KAHLII, diss. de trutina Europæ, præcipua belli et pacis norma. Gott., 1744, et dans ses Opusc. minor., t. I. (Francof., 1751, 4), n. 3. Pour l'opinion contraire, voy. VATTEL, III, 3, 47. GLAFEY'S Völkerrecht, p. 66. J.-G. NEUREUTER, diss. de justis æquilibri finibus (Mogunt., 1746), 8 8, sqq. Comparez ce que le prince Talleyrand, plénipotentiaire français, a déclaré au congrès de Vienne (dans une lettre du 19 déc. 1814), relativement à la signification et à l'étendue de l'équilibre politique; dans mes Acten des wiener Congresses, t. VII, p. 50 f. Il y invoque « les principes de l'équilibre politique, ou, ce qui est la même chose, les principes conservateurs des droits de chacun et du repos de tous. »

(e) A. v. FEUERBACH, die Weltherrschaft, das Grab der Menschheit. München, 1814, 8. Benj. CONSTANT de REBECQUE, de l'esprit de conquête et de l'usurpation. (S. 1), 1814, 8, v. KAMPTZ, neue Lit. des VR., p. 102. Sans doute c'est dans ce sens que l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse, la Russie et le roi de Naples ont manifesté, dans leurs traités d'alliance faits à Toeplitz le 9 sept. 1813, le désir d'assurer à l'Europe << son repos futur par le rétablissement d'un juste équilibre des puissances. » De MARTENS, recueil, Supplém. V, 596, 600, 607, 660, 661. Comparez mes Acten des wiener Congr., t. II, p. 95.

En vertu de ce principe, on a souvent vu des gouvernements, tantôt de leur chef, tantôt sur la demande qui leur en avait été faite, désapprouver publiquement des bruits répandus, des pamphlets, des déclarations écrites ou imprimées, des faits injurieux préjudiciables à un autre État ou à la personne de son souverain; en poursuivre les auteurs et complices (a), comme si l'injure leur avait été faite à eux-mêmes (b), enfin faire à l'État offensé des excuses et des déclarations destinées à manifester leur improbation.

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L'obligation de se conserver soi-même, l'emportant sur toutes les autres, la lésion de quelque droit que ce soit doit être excusée, si dans un cas de nécessité évidente et absolue, un État placé entre quelque obligation envers un autre État et celle que lui impose sa propre conservation (status gentis extraordinarius, casus extrema necessitatis), donne la préférence à la dernière, et se dispense en faveur de la nécessité (favor necessitatis, ratio status scil. extraordinarii, raison d'État), appelée même par quelques-uns droit de nécessité (jus necessitatis), de la stricte observation de la justice (a). Ce n'est point du tout ici ce qu'on a appelé assez improprement droit de convenance (b), un prétendu droit fondé sur de simples avantages ou agréments à re

(a) MOSER'S Versuch des europ. Völkerr., I, 292 ff. VIII, 38 ff. ADELUNG'S pragmat. Staatsgeschichte Europens, von dem Ableben K. Carls VI an t. III. I, 236.

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(b) Voilà tout ce qu'on peut demander. MOSER's Versuch, VI, 80. I, 292, et ses Beyträge zu dem europ. Völkerrecht, I, 292 f.

(a) Comparez W.-G. TAFINGER'S Lehrsätze des Naturrechts, 37-63. FICHTE'S Grundlage des Naturrechts, t. II, p. 85 ff. KANT'S metaphys. Anfangsgründe der Rechtslehre,Einleitung, p. 48. Mon Oeffentliches Recht des teutschen Bundes, etc., 8 456.

(b) MOSER'S Beyträge zum europ. Völkerrecht in Friedenszeiten, t. I,

cueillir. L'État qui se prévaut de la faveur de la nécessité doit non-seulement y mettre tous les ménagements possibles, mais aussi dédommager, autant que cela peut se faire, celui qui en souffre (c).

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En qualité de personne morale et libre (§ 37), chaque État n'a d'autre but que soi-même, et ne doit jamais servir de moyen aux vues des autres États. Il a par conséquent un droit d'indépendance de toute volonté étrangère, le droit de personnalité politique, ou le droit de subsister par et pour soi-même. Il peut exiger, et même par force, que nul ne s'oppose à ses volontés et actions non injustes. Cette indépendance absolue ne peut lui être refusée, que faute d'une existence politique légitime (a). Toutefois il faut se garder de confondre le refus de reconnaitre l'indépendance d'un État avec celui de reconnaître un individu en qualité de souverain légitime d'un État dont l'indépendance n'est pas contestée, ce qui peut avoir lieu pour des raisons particulières.

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En vertu de son indépendance, chaque État a droit de faire toutes les actions conformes à un principe dont la va

(c) Voyez BYNCKERSHOEK, quæstiones jur. publ., lib. II, c. xv. Mon Oeffentliches Recht, etc. 2 457.

(a) Sur la conduite de plusieurs États en pareils cas, voyez GÜNTHER, I, 79-78.

lidité générale est compatible avec l'indépendance de tous les autres États (a). Il peut en conséquence fonder, conserver et étendre ses propres droits, ainsi que ceux d'autres États, et particulièrement rendre sa condition meilleure, en augmentant la culture intellectuelle, morale et économique de ses sujets, en agrandissant d'une manière légitime son territoire (b), en augmentant sa population.

8 47.

II. Au droit de jouir des choses, de les conserver et de se les approprier.

Du droit d'indépendance découle, pour chaque État, le droit non-seulement de faire usage des choses n'appartenant à personne, tant pour son besoin et sa commodité que pour cause d'agrément, mais encore de les conserver et de se les approprier exclusivement, en tant qu'elles sont susceptibles d'une possession exclusive (a). Lorsque cette possession n'est pas possible, ou n'a pas été acquise, les États de l'Europe reconnaissent encore aujourd'hui généralement ce droit primitif du premier occupant, que quelques jurisconsultes ont voulu, sans nécessité (b), dériver d'une communauté primitive des choses (communio primæra), re

(a) VATTEL, droit des gens, 1. I, ch. iv, 8 54, 55. L.-C. SCHRÖDER, elem. juris nat., socialis et gentium, ? 1061, sq., 1066. GÜNTHER'S europ. Völkerrecht, 1, 280 ff, 293 f,

(b) Comparez ci-dessus § 42. GÜNTHER, I, 321. V. MARTENS, Précis, etc. @ 120.

(a) Pour ce qui est de l'usage commun de l'océan, voyez ci-dessous 8 132.

(b) Sont du même avis: KULPIs, in collegio Grotiano, p. 26. STRAUCH, diss. de imperio maris, c. 1. 5 et 8. Cph. Frid. SCHOTT, diss. de origine dominiorum, 9, sq. Dans ses Dissertat. jur. nat, t. I, p. 384, sqq. AсHENWALL, jur. nat., 2 116. SCHRÖDER, 1. c. § 238. GÜNTHER, II, 3 f. Comparez aussi Jo.-Chr. MUHRBECK, diss. theses communionem primævam et primordia dominii imprimis spectantes. Gryph. 1782, 4.

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