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PRÉFACE

DE L'ÉDITION DE 1819, REPRODUITE SANS CHANGEMENT DANS L'ÉDITION ALLEMANDE.

En entreprenant le présent ouvrage, je pouvais espérer de montrer peut-être sous un nouveau jour quelques parties de la science du droit des gens moderne de l'Europe, d'en simplifier le système, de l'enrichir de quelques notices et remarques échappées à la sagacité de mes prédécesseurs, et d'y ajouter ce que l'expérience et les circonstances ont pu fournir après eux; mais j'avais un motif plus recommandable encore et plus urgent. J'ai pensé qu'en fait de diplomatie je pourrais ajouter aux titres acquis en cette nature par plusieurs de mes compatriotes, en tâchant d'encourager de nouveau à l'étude du droit des gens positif, ceux de mes contemporains surtout qui sont dans le cas de se vouer un jour aux affaires publiques. Du moins ne m'a-t-il pas paru superflu, dans le moment actuel, de faire sentir la nécessité de cette

branche de l'enseignement aux jurisconsultes aussi bien qu'aux politiques.

Embrasser autant que possible l'ensemble de la science, développer ses principes avec clarté et précision, l'éclaircir par des notices tant historiques que littéraires, utiles surtout à ceux qui désirent se livrer à une étude plus approfondie, tel est le plan de mon ouvrage.

Le droit des gens naturel y doit entrer pour beaucoup. Devant servir de base à un système du droit établi entre les nations par des conventions expresses ou tacites, il y vient en considération sous un double rapport. D'abord il remplit les lacunes qui ne se présentent que trop souvent dans un système du droit des gens positif, et sous ce rapport il est d'un usage essentiel; ensuite il sert de ciment à ce même système, en classant et liant les principes.

En se vouant à l'étude du droit des gens moderne de l'Europe, on ne doit point s'attendre à voir toujours reconnue, par chacune des nations qui habitent cette partie du globe, chaque thèse, soit de droit, soit de fait, que la théorie ne saurait se dispenser d'établir ou de conserver. L'auteur d'un ouvrage pareil à celui-ci est souvent obligé de s'en tenir uniquement aux abstractions que peut lui fournir une considération attentive et impartiale du droit des gens naturel et de quelques conventions et coutumes adoptées sinon par tous les États de l'Europe, du moins par la plupart d'entre eux. La théorie générale qui résulte d'une telle comparaison, ne peut donc être appliquée

dans un cas particulier qu'autant qu'elle se concilie avec les circonstances qui s'y rencontrent. Cette théorie n'étant jamais suffisamment autorisée pour déroger aux rapports spéciaux qui s'appuient sur des faits ou règlements particuliers, en chaque cas qui se présente, l'homme d'État doit avoir égard, avant tout, aux relations particulières qui subsistent entre les puissances respectives. Mais malgré cette vérité fondamentale, les principes généraux sont de la plus grande importance, et ils ne devraient être négligés par aucun de ceux qui suivent la carrière diplomatique.

Certainement il ne peut s'agir ici que de ce qui doit s'observer entre les nations, d'après les préceptes du droit. On ne saurait se dissimuler qu'il est des cas où la prépondérance d'un ou de plusieurs États, où des événements extraordinaires, ont impérieusement favorisé des mesures dont on chercherait en vain une raison suffisante dans les principes du droit des gens. Mais il n'en est pas moins important de connaître les droits des nations; car ce qui est vraiment juste, sera assurément reconnu un jour pour tel, et d'ailleurs aucune puissance ne peut entièrement déroger à la dignité du droit des gens par une marche arbitraire. Rendre hommage à l'injustice, vouloir, quel qu'en soit le motif, ériger en principes les maximes subversives d'une telle puissance, comme on n'en a vu que trop souvent des exemples, surtout dans les auteurs modernes, ce serait se rendre coupable envers l'humanité,

Les agitations qu'ont éprouvées les États de l'Europe pendant vingt-cinq ans ne manqueront pas d'apporter quelques changements ou modifications aux principes du droit des gens positif, qu'on a en vain espéré de voir déjà sanctionnées par le congrès de Vienne; mais il y a tout lieu de croire que ces changements ne seront ni assez nombreux ni assez prochains pour devoir retarder la publication de ce livre. Puisse-t-il contribuer à hâter l'époque de leur avénement, qui ne sera jamais aussi proche que l'intérêt de l'humanité et des États le commande. Je m'abuse peut-être, mais je voudrais pouvoir espérer que cet ouvrage pût servir d'introduction à cet effet. Aussi est-ce particulièrement sous ce point de vue que j'ai tâché de donner au droit maritime, surtout à celui des neutres, un développement et une attention proportionnée à son importance actuelle.

Si l'on me trouve irréprochable, comme je le désire, sous le rapport de la véracité, il en est peut-être qui me voudraient des couleurs plus fortes, un ton moins didactique. J'avoue que je désespère d'obtenir grâce devant ces derniers, à moins que la concision si nécessaire à un ouvrage élémentaire, la multitude des objets à traiter en aussi peu de mots et à développer en aussi peu d'espace que possible, ne me rendent excusable à leurs yeux.

La considération seule d'une utilité plus générale a pu m'engager à choisir une langue qui n'est ni la mienne ni celle de ma patrie, et qui ne doit jamais l'être. Je me sers de cette langue, moins parce qu'elle

est celle des Français, que parce qu'elle est familière non-seulement à mes compatriotes lettrés, mais aussi à la plupart des diplomates des autres nations de l'Europe également liées par le droit des gens. Cet aveu, cette intention m'excuseront et me donneront quelque droit à l'indulgence de ceux qui possèdent cette langue mieux que moi.

J'ai ajouté un grand nombre de notices littéraires, et indiqué beaucoup de controverses agitées entre les publicistes. Quelque peine que j'aie éprouvée à m'y déterminer, j'ai cru ne pouvoir m'en dispenser dans un ouvrage destiné aussi à servir de base à l'enseignement d'une science dans laquelle il importe essentiellement de connaître les différentes opinions et les livres où l'on trouve de quoi enrichir son savoir. Malgré cette intime conviction, j'avoue que je me serais passé du moins de la plus grande partie de ces notes et citations, si je n'avais eu en vue que des lecteurs français d'origine.

J'ai cru devoir ajouter en outre, comme supplément, une bibliothèque choisie du droit des gens, pour subvenir, de la manière la plus prompte et la plus commode possible, aux besoins bibliographiques tant des commerçants que des autres; la table alphabétique des auteurs, placée à la fin de ce livre, en facilitera l'usage.

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