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plus utile et le plus bienfaisant. La nécessité du | vue d'ensemble ne préside à la production ni à patronage est plus grande là où l'aisance est la consommation. Faute de données, de renseimoindre. Mais, avec l'organisation actuelle des gnements, les objets de consommation sont faateliers, le patronage est impossible en général. briqués souvent au hasard et sans une connaisIl ne sera réalisable que lorsque le maître et sance suffisamment approchée des besoins que l'ouvrier sentiront réciproquement de la ma- l'on en éprouve; de là des encombrements, par nière la plus vive le besoin d'être étroitement | suite des pertes, de la stagnation et un repos unis par des intérêts communs. Or, l'intérêt com- fatal aux ouvriers, fatal aux maîtres, qu'il pousse mun, tel qu'on l'entend aujourd'hui, a des liens trop souvent à des faillites inévitables! Lorsque si faibles que l'on peut, en général, passer sous les nations auront enfin compris leurs véritables silence son efficacité. Comment se règlent en intérêts, lorsqu'elles auront fondé entre elles effet les intérêts des ouvriers et de leurs chefs; des rapports basés sur leurs besoins réciproques, écoutons à cet égard J. B. Say : « Les salaires de lorsque la guerre ne sera plus qu'un fait excepl'ouvrier se règlent contradictoirement par une tionnel, lorsque les cabinets cesseront de s'obconvention faite entre l'ouvrier et le chef d'in-server réciproquement du point de vue presque dustrie le premier cherche à recevoir le plus, exclusivement militaire, lorsque l'organisation le second à donner le moins qu'il est possible; industrielle aura succédé à l'admirable organisamais, dans cette espèce de débat, il y a du côté❘tion guerrière de toutes les nations civilisées, ou du maître un avantage indépendant de ceux lui aura au moins emprunté ses modèles d'orqu'il tient déjà de la nature de ses fonctions. Ledre, sa puissance d'action, alors l'ouvrier prenmaître et l'ouvrier ont bien également besoin l'un de l'autre, puisque l'un ne peut faire aucun profit sans le secours de l'autre, mais le besoin du maître est moins immédiat, moins pressant. Il en est peu qui ne puissent vivre plusieurs mois, plusieurs années même, sans faire travailler un seul ouvrier, tandis qu'il est peu d'ouvriers qui puissent, sans être réduits aux dernières extrémités, passer plusieurs semaines sans ouvrage. Il est bien difficile que cette différence de position n'influe pas sur le règlement des salaires. » L'état précaire des classes pauvres et nombreuses vis-à-vis des classes aisées se trouve formulé ici de la manière la plus nette. La lutte incessante entre les maîtres et les ouvriers est clairement expliquée dans les lignes qu'on vient de lire. Elles ont été écrites par un honorable philanthrope, animé des meilleures intentions, mais que ses doctrines de liberté amènent à conclure qu'un tel état de choses, déplorable sans doute, n'est susceptible d'aucune amélioration! Telle est la conséquence, en effet, du discrédit complet du gouvernement parmi nous; telle est la conséquence | logique de doctrines libérales inflexibles. Or, s'il est démontré, comme nous le pensons, que le gouvernement seul a la puissance de servir d'intermédiaire pacifique entre des intérêts rivaux, nous devons aspirer tous au temps où les hommes du pouvoir auront donné assez de preuves de lumières, de dévouement au bien public, de loyauté, pour que leur action, cessant d'être considérée comme funeste, soit au contraire désirée, recherchée. L'industrie manufacturière et agricole présente, en y regardant de près, l'anarchie la plus flagrante. Aucune

dra rang dans l'armée pacifique, il sera soldattravailleur, producteur; une sollicitude constante le suivra dans tous les pas de sa carrière. A lui désormais les stimulants. que donne l'espoir de l'avancement par le travail, par le talent; à lui les récompenses, les honneurs, non pour avoir tué et détruit, mais pour avoir vivifié, construit, édifié. A lui la part dans le butin, non dans le butin gagné au sac d'une ville, au pillage des maisons, mais dans le butin créé par le travail des ateliers. Un tel état de choses se présente sans doute susceptible d'une grande variété d'exécution dans tous ces arrangements, la liberté bien entendue devra trouver une large place; mais enfin, organisation et association sont les fins vers lesquelles tendent aujourd'hui les efforts instinctifs de toutes les classes. C'est à les faciliter que doivent tendre les institutions transitoires. Désormais, les classes bourgeoises seraient coupables de se refuser aux moyens d'élever à elles les classes ouvrières; et celles-ci se compromettraient gravement en négligeant les occasions d'améliorer leurs mœurs, leurs habitudes, à l'effet de mériter pleinement leur émancipation. Le sans-culottisme est une extravagance dont justice est faite depuis longtemps. – On peut imaginer diverses améliorations transitoires en faveur des classes pauvres; nous établirons d'abord celles de détail qui ont été demandées par des hommes généreux, touchés des misères de leurs semblables. Nous ferons connaître en dernier lieu les mesures qui nous paraissent les plus propres à fermer une grande plaie sociale. - Et d'abord pénétrons-nous bien de cet axiome, que la mendicité est la plaie la

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plus honteuse des nations policées : tout homme des classes laborieuses dans nos grandes villes. ayant santé et force doit conserver la volonté | Cela est si vrai que chaque année de nouvelles bien arrêtée de savoir se suffire. Si des circon- populations, prises aux lieux où l'homme peut stances impérieuses obligent l'homme malheu- croître, se nourrir et se développer à l'aise, reux à avoir recours à la pitié publique, que la viennent remonter les races affaiblies de ces société l'accueille, mais que la distribution de cités manufacturières, races tout à fait incaces secours soit faite dans un esprit qui, sans pables de fournir ces hommes aux reins forts et avilir celui qu'elle oblige, détermine son retour aux bras vigoureux, dont tant d'industries ont au travail à l'occasion la plus prochaine. La un indispensable besoin. La souffrance du charité doit être exercée avec une grande pru- froid est l'une des plus pénibles à endurer par dence pour ne pas être un remède pire que les l'homme, et, autant que la faim, peut-être plus maux auxquels on l'applique. La taxe des pau- que la faim, elle torture les classes ouvrières de vres a engendré en Angleterre des myriades nos grandes cités: or, le combustible, qui sert d'indigents, et multiplié les vices de la paresse. non-seulement à se garantir de ces souffrances, La trop grande facilité donnée aux jeunes mères mais encore à préparer les aliments, est frappé coupables et malheureuses de se débarrasser de ❘ d'un droit d'octroi très-élevé.—Lorsque avec des leurs nouveau-nés, a élevé dans ces dernières vêtements épais, tout l'art du calfeutrage et années à un chiffre effrayant le nombre des in- un foyer bien fourni, lorsque avec une nournocentes victimes de la débauche et de la misère. riture choisie et une boisson généreuse, nous - Il importe de revoir et d'améliorer dans le avons toute peine à bannir le froid, demandonsplus bref délai les impôts qui frappent sur les nous ce que doit être l'hiver pour l'ouvrier soubesoins de première nécessité. La viande, à cause tenu par un faible régime, rentrant chez lui la du prix élevé où la font monter les divers droits plupart du temps fatigué, mouillé, n'ayant d'audont on la frappe, est dans nos villes un objet tre gîte qu'un rez-de-chaussée ou son logement de luxe. La plupart de nos ouvriers en sont pri- situé sous les combles, et à qui la bûche nécesvés par là même : le bœuf coûte de 50 à 75 cen- saire à son foyer coûte presque aussi cher que times la livre, lorsqu'elle ne devrait se payer, sa livre de pain. Alors, sans doute, nous cherpour être à la portée de tous, que 30 ou 50 cen- cherons à alléger pour les autres une position times. Les Anglais connaissent mieux que nous que nous trouverions si dure à supporter nousles bons effets du régime animalisé; c'est à lui mêmes. Le prix des logements n'ayant pas que les ouvriers de certaines industries, chez nos toujours suivi la diminution des salaires, il ne voisins, notamment ceux occupés au travail pé- faudrait pas que des impôts nombreux vinssent nible des forges, doivent cette vigueur qui les ajouter aux embarras de l'ouvrier, et, au lieu rend capables de résister aux plus rudės fati- d'avoir à compter chaque année sur la cote gues. En abaissant les droits qui frappent la mobilière quelques millions de non-valeurs, viande, nos ouvriers pourraient, sans augmenter chargés encore de frais inutiles, ne serait-il leur dépense journalière, et même avec profit, pas beaucoup plus équitable et naturel de ne suivre le même régime que les Anglais; alors, en pas imposer ceux que leurs faibles ressources effet, on doit tenir compte, indépendamment de rendent d'habitude insolvables? L'habillement la quantité de travail que l'ouvrier rend en plus, enfin, autre besoin de l'ouvrier, n'est pas à l'abri de la moindre quantité de pain et de boisson de toute taxe, par suite du droit élevé dont on a qu'il consomme, du moindre temps qu'il perd à frappé jusqu'ici l'introduction des cuirs et des des repas devenus moins fréquents parce qu'ils laines venant de l'étranger. On doit voir mainsont plus réconfortants. — Si l'usage du vin pou- tenant, s'il est étonnant qu'avec de telles charvait être rendu journalier aux ouvriers, on évi- ges, ajoutées à la faiblesse souvent très-réelle terait les excès auxquels ils se livrent pour sa- des salaires, les classes ouvrières soient gênées, tisfaire des goûts excités par la privation. On plaintives, remuantes, et s'il n'importe pas à la éviterait surtout ces maladies lymphatiques si société tout entière de trouver au plus tôt le communes dans nos grandes villes, affections remède à un tel mal. Pour arriver à ce but, on qui affaiblissent le corps aussi bien que l'intel- a proposé diverses mesures empreintes d'un esligence, et qu'engendrent nécessairement des prit fort sage. On pensé avec raison que la eaux froides, imprégnées de sel et de mille au- question des céréales tient de fort près au bontres décompositions. C'est en général au mau- heur des ouvriers. « En examinant avec matuvais choix des substances alimentaires et des rité tous les points de la question, a dit un phiboissons qu'est due la dégénération affligeante lanthrope, on arrive à reconnaître que le meilleur

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encouragement à donner à la production du blé | devrait être exempte de toute taxe. L'impôt des

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est un droit protecteur fixe, indépendant de boissons a déjà été si souvent examiné et de tant tout prix établi sur les marchés; lui seul est ap- de manières différentes, qu'il ne saurait résister pelé à ménager dans de justes proportions les longtemps aux attaques dont il est l'objet, et intérêts opposés du producteur et du consomma- qu'il ne sera pas très-difficile à remplacer. Les teur, parce qu'une fois ce droit bien établi et ouvriers en ressentiraient non-seulement une reconnu comme chose stable et définitive, le amélioration matérielle, mais encore une amécommerce saurait sur quelles bases agir, de- lioration morale considérable; car on opposerait viendrait plus hardi, et profiterait habilement par là une barrière salutaire à des abus et à des des années d'abondance pour se pourvoir et pa- vices nombreux. Si on conserve l'impôt des boisrer aux besoins des années désastreuses. Par cet sons, il conviendrait peut-être qu'une partie des expédient du moins, on ne passerait plus, comme droits fût reversée sans ménagement sur les caon le fait aujourd'hui, avec une effrayante rapi- | baretiers et les marchands de vin en détail qui dité, des prix les plus minimes aux prix les plus font consommer chez eux; parce que c'est là, et exorbitants, ce qui renverse les plus sages prévi- non au sein de sa famille, que l'ouvrier dépense sions et trouble si fort l'existence des ménages qui follement son argent, perd sa raison et finit par n'ont et ne peuvent jamais avoir que de faibles se pervertir, pour peu qu'il ait du penchant vers économies. En France, par exemple, la der- la dissipation. Cet impôt arriverait peut-être à nière loi sur les céréales, qui admet la prohibi- diminuer ces sortes d'établissements, et ce serait tion conditionnelle, serait donc à refaire. Quant déjà un bien immense. Le combustible généaux craintes que nourrissent encore beaucoup ralement employé par les ouvriers, savoir : le de propriétaires de voir, en l'absence de la pro- bois de fagot, le poussier de charbon, le tan mis hibition absolue, et malgré un droit protecteur en mottes, le rebut des houillères, devrait être raisonnable, les blés étrangers encombrer la exempté de tout droit. Le droit que ces objets France, elles sont fort exagérées. On semble payent, reversé sur les premières qualités de surtout redouter les blés de la Crimée et des combustible, serait une charge inaperçue pour côtes de la Barbarie; mais la Crimée, qui n'a les classes aisées, tandis qu'il pèse durement sur guère que l'étendue et la population de l'un des ceux qui aujourd'hui le supportent. L'impôt départements moyens de la France, que peut-elle personnel de l'ouvrier devrait être reporté sur donc donner en blé? Et aujourd'hui l'occupation les patentes, celui des portes et fenêtres sur de l'une des contrées les plus fertiles de l'Afrique, l'impôt foncier; quant à l'impôt mobilier, qui ne suffit-elle pas à montrer quelle peut être la frappe les loyers au-dessous de 120 fr. à Paris, richesse agricole d'un pays qui n'est cultivé qu'à | et ailleurs, proportionnellement à cette base, il l'aide de la plus aveugle routine, et qui n'a ni serait réparti sur les loyers supérieurs. Dégagé chemins, ni routes, ni canaux?-Régulariser par ainsi des inquiétudes du percepteur, qui l'affecdes lois sages le commerce des grains, et faciliter tent d'autant plus qu'il ne sait comment s'acpar un système bien entendu de circulation le quitter, l'ouvrier verrait qu'on s'occupe de lui, transport de cette denrée encombrante, voilà le et, autant par soulagement du poids qui l'obsède moyen le plus sûr d'arriver au soulagement des que mû par un sentiment de reconnaissance, il classes laborieuses, tout en ménageant les intérèts se rattacherait à notre état social et prendrait respectables des propriétaires. » La tendance du au besoin ses maux plus en patience. Le droit gouvernement étant évidemment d'entrer dans d'entrée sur les laines étrangères est encore aules voies de la liberté commerciale, et par con- jourd'hui trop élevé. Tout le monde en convient, séquent de diminuer graduellement le droit et ceux-là mêmes qui en profitent consentiraient d'entrée sur les bestiaux et les moutons étran- volontiers à un rabais; seulement il ne faudrait gers, on a l'espoir prochain de voir baisser le pas procéder à un dégrèvement trop brusque, prix de la viande, surtout si les conseils muni- puisque beaucoup de propriétaires, encouragés cipaux songent de leur côté à modifier le droit qu'ils étaient par les lois existantes, ont mis des d'octroi, et frappent de préférence les denrées capitaux considérables dans l'achat des trouqui servent plus particulièrement à la consom - peaux, dans la construction des bergeries, et mation des classes aisées, comme la volaille, le qu'ils ont de plus des pertes à réparer, causées gibier, le poisson, dont on peut tout aussi bien par une mortalité qu'aucun soin, dans ces derconstater l'entrée à la porte des villes. Dans tous nières années, n'a pu arrêter. En abaissant le les cas, la viande de vache et de porc, plus par- droit à dix pour cent de la valeur des laines dans ticulièrement consommée par la classe ouvrière, l'espace de cinq ans, ce serait arriver à fournir

les ouvriers qui ne gagnent qu'un faible salaire. Nantes possède une société de prévoyance et de secours mutuels organisés sur un excellent pied, et dont l'influence morale et matérielle sur les

à nos manufacturiers une matière première peu coûteuse qui influerait sur le prix des draps, lequel à son tour influerait sur le prix des vêtements. Outre ces mesures urgentes, il en est d'autres qu'il serait fort important de voir adop-ouvriers est des plus heureuses. Elle porte le ter généralement. Les besoins impérieux et inopinés que les ouvriers ressentent souvent, soit pour premiers frais d'instruments, d'établissements, pour maladies, etc., leur causent de grands embarras, d'incalculables dégoûts. Les monts-de-piété, que Necker établit pour anéantir une usure infâme, sont eux-mêmes des usuriers; le bénéfice qu'ils retirent des prêts qu'ils font sur les vêtements ou autres effets s'élève à 90% au moins: or, la loi déclare usuraire tout prêt fait au delà du taux légal, 5 %. La fondation de caisses de prêt sans garantie pour faibles avances, principalement dans les petites localités et les villes moyennes où les personnes sont bien connues, et enfin dans les grands ateliers même sous la surveillance des chefs de fabrique, serait un im- | mense bienfait. Elle serait même préférable à un mont-de-piété, parce qu'alors du moins la probité et une bonne réputation compteraient pour quelque chose. Cela donnerait lieu d'ailleurs à une espèce de patronage des classes riches envers les classes peu aisées, qui ne pourrait que cimenter le lien qu'il serait si désirable de voir s'établir entre tous les rangs de la société. Quelques centaines de mille francs suffiraient à créer des institutions semblables et d'autres, comme des sociétés d'assurance sur vie spécialement affectées aux ouvriers dans les principaux centres des populations laborieuses, et pourraient même occasionner des économies réelles sur les dépenses que nous font subir forcément les classes souffrantes. Rappelons-nous en effet qu'il y a chaque année une portion du budget affectée aux frais d'aumônes, d'hôpitaux, de police, de justice et de prisons! Empêcher la misère de naître, c'est combattre les vices qu'elle engendre à son tour, et les crimes et délits, conséquences des vices. - Depuis quelques années surtout, les ouvriers ont fondé entre eux des sociétés de prévoyance | et de secours mutuels qui ont pour but de suffire à tous leurs besoins de maladies; on ne saurait trop encourager de telles institutions. Dans les villes moyennes, ces sociétés se forment entre les ouvriers exerçant les divers métiers de l'industrie; dans les grandes villes, les ouvriers de chaque métier forment leur société particulière. La rétribution de chaque membre est d'ordinaire du vingtième de sa journée; quelquefois c'est une rétribution mensuelle et uniforme; mais ce mode a des inconvénients, parce qu'il pèse trop sur

nom de Société industrielle. Sa fondation remonte à douze années seulement; cette société peut être regardée comme un modèle à suivre pour toutes les institutions semblables, Elle a des statuts que l'on pourra consulter au besoin. – Le ouvriers agricoles sont moins soumis aux oscillations de hausse et de baisse qu'éprouvent les ouvriers des manufactures; néanmoins, leur sort exige de grandes améliorations; il importe surtout de les soustraire mieux qu'ils ne l'ont été jusqu'ici aux terribles effets des disettes ou des mauvaises années. Dans ces moments difficiles, soit que l'on craigue des troubles, soit que le tableau des souffrances d'une population nombreuse soit plus frappant, on s'occupe encore d'aller au secours de ceux que la misère et la faim pressent; mais dans les campagnes, où les hommes sont isolés et leurs réclamations peu entendues, le mal est grave, difficile à supporter pour tous, et surtout cruel pour les plus pauvres. Des hommes éclairés ont proposé des remèdes assez faciles à appliquer à ces inconvénients désastreux; il serait trop long de les détailler ici; ce qu'il importe surtout de savoir, c'est qu'il en existe. L'impôt du sel frappe principalement l'ouvrier cultivateur, car, comme il manipule lui-même son pain, et que ce pain dure dix, douze et quinze jours, il a besoin d'être fortement salé pour conserver quelque goût et ne pas passer à la moisissure. Comme le plus pauvre paysan sale chaque année un porc, quelques oies ou des canards, selon l'usage des pays, c'est encore du sel qu'il lui faut; le sel sert de plus à assaisonner son ail, ses oignons, sa salade, ses légumes, son beurre, aliments dont il fait sa plus importante nourriture. Dans les plus pauvres contrées de France, comme la Bretagne, les Landes, l'Armagnac, l'Auvergne, l'ouvrier se nourrit presque exclusivement avec la bouillie de maïs, de millet ou de blé noir, et ce n'est qu'à force de sel qu'il est possible de relever la fadeur de cet aliment. C'est surtout dans les campagnes que l'abolition de l'impôt sur le sel est vivement réclamée. Elle l'est par les raisons que nous avons dites, et non parce que le sel est indispensable, ainsi qu'on a eu tort de l'affirmer, à l'éducation de chaque espèce d'animaux, à l'engrais des terres, etc. Outre les combinaisons dont nous avons parlé comme devant être tentées à l'avantage matériel des ouvriers, il

gué de ses souffrances, l'ouvrier en appelle quelquefois à la violence et aux séditions, n'est-ce pas parce qu'il croit de bonne foi pouvoir par là y mettre un terme ? Le germe des passions qui nous agitent et des vices qui nous rabaissent se rattachent à notre organisation; et comme l'éducation peut en comprimer l'essor, c'est elle avant tout qu'il faut répandrè, perfectionner, et

l'homme dans la société. Des notions élémentaires sur les choses les plus usuelles, sur les lois criminelles et de police, conviennent à l'ouvrier le plus bas placé dans la hiérarchie sociale. Elles suffisent à l'homme de génie né dans un rang obscur pour qu'il puisse sentir sa valeur, se perfectionner, grandir, et ne pas rester comme aujourd'hui, et malgré lui, étouffé dans les langes épais de l'ignorance. D'un autre côté, il faut éviter cette instruction abstraite qui pousserait l'ou

importe d'améliorer leur moral et de les rendre dignes d'un sort plus doux par une éducation qui élève et perfectionne leur intelligence en même temps qu'elle les développe dans leurs professions; l'instruction primaire, dont notre pays a été doté depuis quelques années, remplira le but que nous signalons ici, lorsqu'elle aura été convenablement étendue. Il est urgent aussi, dans le sens le plus pressant du mot, d'as-approprier surtout aux diverses positions de surer, par des institutions convenables, aux ouvriers des villes et des campagnes arrivés à leur vieillesse sans ressources pour vivre, et reconnus d'ailleurs pour avoir fait preuve d'un amour constant du travail et de conduite honorable, il est urgent, dis-je, d'assurer à ces ouvriers des retraites qui les garantissent des coups de la misère. L'hospice est une amère pensée de tous les instants pour ceux qu'un état précaire appelle à y finir leurs jours; il trouble singulièrement les honnêtes ouvriers qu'une sorte de fata-vrier au dégoût de sa position et lui ferait recherlité poursuit par des maladies ou des repos forcés, et à qui toute économie devient impossible. Il ne serait peut-être pas difficile, soit au gouvernement, soit aux communes ou à leur concours, de créer de faibles pensions de retraite, en petit nombre d'abord, et analogues à celles des vieux soldats, pour les ouvriers atteints par l'âge et les infirmités. L'espoir de trouver un semblable secours dans leurs derniers jours serait une consolante et moralisante pensée pour des hommes que des efforts inouïs ne peuvent pas très-souvent faire sortir d'une gêne affreuse.

cher des états où l'attendraient les plus cruels mécomptes.-L'instruction morale et religieuse doit tenir une large place dans toute éducation, dans celle de l'ouvrier comme dans celle du prince. Vient enfin l'instruction professionnelle : celle que reçoivent les ouvriers est des plus routinières. Or, tous les arts, même les plus simples, doivent gagner à être enseignés avec méthode. Les écoles où l'on enseigne les arts industriels et agricoles, Roville, Grignon, Angers, Châlons, ne peuvent suffire aux besoins de l'immense population française: il importe d'en élever d'autres pour des arts spéciaux dans les localilés où ces arts sont cultivés avec le plus de succès. Les départements gagneraient beaucoup en envoyant chacun à leurs frais dans ces écoles un certain nombre de jeunes ouvriers choisis au concours; ils en rapporteraient des procédés meilleurs, qu'ils répandraient avec fruit autour d'eux. Dans les départements du Rhône et du HautRhin seraient placées les écoles d'industrie manufacturière.-Les jeunes ouvriers cultivateurs iraient se perfectionner dans l'art des assolements, en Flandre, en Alsace; dans l'art d'élever les bestiaux et les moutons en Normandie et dans la Beauce; dans l'art de cultiver la vigne, en Languedoc et dans le Bordelais. Les ou

Mais il vaut mieux prévenir que guérir. Les vices et l'ignorance des classes laborieuses sont un résultat naturel de l'abandon où on les a laissées. L'un est grossier parce que rien ne l'a policé, et qu'il ne sent même pas le tort de la rudesse; l'autre est défiant, parce qu'il ne sait pas jusqu'où peut aller le pouvoir de notre supériorité d'instruction, et que, dans sa simplicité, il regarde le papier, dépositaire de nos contrats, comme une cire molle sur laquelle on peut à volonté tout effacer, tout changer; celui-ci est débauché, ivrogne, joueur, parce qu'il ne sait pas employer ses moments de repos; celui-là pèche par défaut de délicatesse, parce qu'on ne lui a jamais fait apprécier le mérite d'une vie honnête, et les profits réels d'une bonne réputation.vriers forgerons et serruriers seraient envoyés

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à Saint-Étienne, les tisserands à Castres, à Castelnaudari, où ils verraient l'utilité des bons métiers et la manière de les faire marcher; les jeunes charpentiers, en voyant à Bordeaux, à Toulouse, à Paris, travailler d'habiles maîtres, apprendraient à tirer un meilleur parti du bois, à simplifier les toitures, de manière à ne pas

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