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574. Si la matière appartenant à l'un des propriétaires était de beaucoup supérieure à l'autre par la qualité et le prix, en ce cas le propriétaire de la matière supérieure en valeur pourrait réclamer la chose provenue du mélange, en remboursant à l'autre la valeur de sa matière.

575. Lorsque la chose reste en commun entre les propriétaires des matières dont elle a été formée, elle doit être licitée au profit commun.

La licitation a lieu, lorsque la chose est adjugée au plus offrant. (Art. 1686.)

576. Dans tous les cas où le propriétaire dont la matière a été employée, à son insu, à former une chose d'une autre espèce, peut réclamer la propriété de cette chose, il a le choix de demander la restitution de sa matière en même nature, quantité poids, mesure et bonté, ou sa valeur.

577. Ceux qui auront employé des matières appartenant à d'autres, et à leur insu, pourront aussi être condamnés à des dommages et intérêts, s'il y a lieu, sans préjudice des poursuites par voie extraordinaire, si le cas y échet.

TITRE III

De l'Usufruit, de l'Usage et de l'Habitation.

(Décrété le 30 janvier 1804. Promulgué le 9 février.)

CHAPITRE PREMIER.
De l'Usufruit.

578. L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.

L'usufruit est un droit réel, jus in re, qui suit la chose, en quelques mains qu'elle passe.

L'usufruit est-il meuble ou immeuble? L'usufruit des meubles est meuble, et l'usufruit des immeubles est immeuble. Ce dernier est susceptible d'être hypothéqué, et peut être vendu par saisie immobilière (Art. 526, 2118, 2204). 579. L'usufruit est établi par la loi, ou par la volonté de l'homme.

L'usufruit d'un immeuble, étant immeuble lui-même, peut s'acquérir par la prescription de dix ou vingt ans, avec titre et bonne foi. Ainsi jugé par la Cour de cassation, le 17 juillet 1816 (Voyez Sirey, tom. 18, 1re part., page 151, et Toullier, tom. 3, no 393).

580. L'usufruit peut être établi, ou purement, ou à certain jour, ou à condition.

581. Il peut être établi sur toute espèce de biens meubles ou immeubles.

Voyez l'article 587.

SECTION PREMIÈRE.

Des Droits de l'Usufruitier.

588. L'usufruitier a le droit de jouir de toute

espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit.

On appelle fruits, en général, tout ce qui naît et renaît d'une chose. Fructus est quid ex re nasci et renasci potest. Le mot fruits se prend ici pour toutes les différentes espèces de revenus qu'on peut tirer de la chose, de quelque nature qu'ils puissent être (Pothier, Traité du Douaire).

583. Les fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre.

On regarde comme fruits naturels le bois, le foin, la plupart des fruits des arbres. Il en est de même de la pêche d'un étang, des lapins d'une garenne, et en général du gibier d'une terre ou d'une forêt (Voyez Toullier, tom. 3, n° 399).

Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits naturels.

Les fruits industriels d'un fonds sont ceux qu'on obtient par la culture.

584. Les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes.

Les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils.

585. Les fruits naturels et industriels, pendants par branches ou par racines au moment où l'usufruit est ouvert, appartiennent à l'usufruitier.

S'il n'y a qu'une partie seulement des fruits coupés ou recueillis au moment de l'ouverture de l'usufruit, l'usufruitier ne peut prétendre qu'à ceux qui sont encore pendants par branches ou par racines. La même règle est suivie, à la fin de l'usufruit, entre l'usufruitier ou ses héritiers, et le propriétaire ou ses héritiers.

Ceux qui sont dans le même état au moment où finit l'usufruit appartiennent au propriétaire, sans récompense de part ni d'autre des labours et

des semences, mais aussi sans préjudice de la portion des fruits qui pourrait être acquise au colon partiaire, s'il en existait un au commencement ou à la cessation de l'usufruit.

586. Les fruits civils sont réputés s'acquérir jour par jour, et appartiennent à l'usufruitier, à proportion de la durée de son usufruit. Cette règle s'applique aux prix des baux à ferme, comme aux loyers des maisons et autres fruits civils.

D'après cet article, lorsque l'usufruitier cultive lui-même, ou par un colon partiaire, ses héritiers n'ont rien à réclamer, s'il vient à mourir avant la récolte. Au contraire s'il donne à ferme, ses héritiers, à la cessation de l'usufruit, auront droit à tous les fermages échus; car ce sont des fruits civils qui s'acquièrent jour par jour, et conséquemment l'usufruitier y a eu droit jusqu'au jour de son décès (Rogron, Code civil expliqué, etc.).

587. Si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage, sans les consommer, comme l'argent, les grains, les liqueurs, l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge d'en rendre de pareille qualité, quantité et valeur, ou leur estimation, à la fin de l'usufruit.

L'usufruit proprement dit ne peut avoir pour objet ce qui se consomme par l'usage que l'on en fait. Les choses consomptibles ne sont pas susceptibles d'usufruit, puisqu'on ne peut en jouir sans les détruire ou les aliéner, ce qui est manifestement contraire à la notion de l'usufruit. He res (quæ ipso usu consumuntur) neque naturali ratione, neque civili, recipiunt usum fructum (Instit., lib. 2, tit. 4).

Cependant le droit romain, adopté sur ce point par le Code civil, admet une espèce d'usufruit ou quasi usufruit à l'égard des choses qui se consomment par l'usage qu'on en fait. Cet usufruit consiste dans le droit de se servir d'une chose consomptible, à la charge d'en rendre de pareille quantité, valeur et qualité, ou leur estimation à la fin de l'usufruit (Instit., Ibid.). Cet usufruit a beaucoup de rap

port avec le prêt de consommation qu'on appelle en latin

mutuum.

588. L'usufruit d'une rente viagère donne aussi à l'usufruitier, pendant la durée de son usufruit, le droit d'en percevoir les arrérages, sans être tenu à aucune restitution.

589. Si l'usufruit comprend les choses qui, sans se consommer de suite, se détériorent peu à peu par l'usage, comme du linge, des meubles meublants, l'usufruitier a le droit de s'en servir pour l'usage auquel elles sont destinées, et n'est obligé de les rendre, à la fin de l'usufruit, que dans l'état où elles se trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute.

Mais il ne peut se dispenser de les représenter, ou d'en payer le prix suivant leur valeur au temps où l'usufruit a commencé; parce que, faute de les représenter, il est supposé en avoir disposé à son profit Si elles sont entièrement consommées, c'est à lui de prouver que l'usage en a produit la consommation.

590. Si l'usufruit comprend des bois taillis, l'usufruitier est tenu d'observer l'ordre et la quotité des coupes, conformément à l'aménagement ou à l'usage constant des propriétaires; sans indemnité toutefois en faveur de l'usufruitier ou de ses héritiers, pour les coupes ordinaires, soit de taillis, soit de baliveaux, soit de futaie, qu'il n'aurait pas faites pendant sa jouissance.

Voyez la note sur l'article 521 où nous avons expliqué ce qu'on entend par bois taillis, futaies.

L'aménagement est le règlement qui distribue une forêt en plusieurs cantons, et assigne ceux destinés pour la coupe et ceux mis en reserve. L'usufruitier doit observer l'aménagement, parce qu'il jouit comme propriétaire.

Par baliveaux on entend les arbres réservés, surtout ponr les constructions des vaisseaux.

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