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TITRE PREMIER.

Des Successions.

(Décrété le 19 avril 1803. Promulgué le 29 du même mois.)

CHAPITRE PREMIER.

De l'ouverture des Successions, et de la Saisine des Héritiers.

718. Les successions s'ouvrent par la mort naturelle et par la mort civile.

Le Code a consacré cette ancienne maxime du droit français Le mort saisit le vif, son prochain lignager habile à lui succéder; c'est-à-dire, que l'hérédité lui est acquise avec tous ses droits, à l'instant de la mort de celui auquel il succède De sorte que, si cet héritier venait à mourir sans savoir si cette succession lui était echue, il la ferait néanmoins passer à ses héritiers de même que s'il l'avait recueillie, et qu'il s'en fût mis en possession. C'est dans ce sens qu'est conçu l'article 724 du Code civil.

719. La succession est ouverte par la mort civile, du moment où cette mort est encourue, conformément aux dispositions de la section II du chapitre II du titre de la Jouissance et de la Privation des Droits civils.

La mort civile opère l'ouverture de la succession, comme la mort naturelle. Si la condamnation est contradictoire, la succession sera ouverte, par la mort civile, du jour de l'exécution; si elle est par contumace, elle ne sera ouverte qu'à l'expiration des cinq ans donnés au condamné pour se représenter. (Voyez les articles 26 et 27.)

720. Si plusieurs personnes, respectivement appelées à la succession l'une de l'autre, périssent dans un même événement, sans qu'on puisse reconnaître laquelle est décédée la pre

mière, la présomption de survie est déterminée par les circonstances du fait, et, à leur défaut, par la force de l'âge ou du sexe.

Lorsqu'un incendie a commencé par le premier étage d'une maison, celui qui y demeurait est présumé mort avant celui qui demeurait au second ou au troisième étage. Celui qui était à l'avant-garde d'une bataille est censé avoir été tué avant celui qui était au centre ou à l'arrière-garde. Le malade alité est censé mort avant celui qui pouvait se soustraire au danger pendant quelques instants. Dans un naufrage ou un incendie, celui qui a été aperçu le dernier est censé avoir survécu. Enfin, dans un massacre par des voleurs, on présume qu'ils ont tué le père et la mère avant les enfants en bas âge, parce que les premiers étaient plus en état de se défendre et d'appeler du secours.

721. Si ceux qui ont péri ensemble avaient moins de quinze ans, le plus àgé sera présumé avoir survécu.

S'ils étaient tous au-dessus de soixante ans, le moins âgé sera présumé avoir survécu.

Si les uns avaient moins de quinze ans, et les autres plus de soixante, les premiers seront présumés avoir survécu.

722. Si ceux qui ont péri ensemble avaient quinze ans accomplis et moins de soixante, le mâle est toujours présumé avoir survécu, lorsqu'il y a égalité d'âge, ou si la différence qui existe n'excède pas une année.

S'ils étaient du même sexe, la présomption de survie qui donne ouverture à la succession dans l'ordre de la nature, doit être admise ainsi le plus jeune est présumé avoir survécu au plus âgé.

723. La loi règle l'ordre de succéder entre les héritiers légitimes à leur défaut, les biens

passent aux enfants naturels, ensuite à l'époux, survivant; et s'il n'y en a pas, à l'État.

Les héritiers légitimes, ainsi appelés parce qu'ils sont désignés par la loi, succedent jusqu'au douzième degré inclusivement (Art 755); ce qui répond, en ligne collatérale, au sixième degré, d'après la manière de compter adoptée par les canonistes.

724. Les héritiers légitimes sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt, sous l'obligation d'acquitter toutes les charges de la succession les enfants naturels, l'époux survivant et l'État doivent se faire envoyer en possession par justice dans les formes qui seront déterminées.

Les enfants naturels, l'époux survivant, l'État, ne sont pas, comme les héritiers légitimes, soisis de plein droit des biens et actions du défunt: ils sont obligés de se faire envoyer en possession. Cependant on doit appliquer à l'enfant naturel et au conjoint l'effet de cette maxime, le mort saisit le vif, en ce sens qu'ils héritent sans le savoir, et transmettent à leurs héritiers les droits qu'ils ignorent.

CHAPITRE II.

Des Qualilés requises pour succéder.

725. Pour succéder, il faut nécessairement exister à l'instant de l'ouverture de la succession. Ainsi, sont incapables de succéder :

1o Celui qui n'est pas encore conçu ;

2o L'enfant qui n'est pas né viable.

Pour attribuer à un enfant le droit de succéder, il y a trois choses à prouver: l'une, qu'il était conçu au moment de l'ouverture de la succession; l'autre, qu'il est né vivant ; la troisième, qu'il est né viable Un enfant peut être né vivant, sans être né viable: cependant, quiconque est né vivant est censé né viable, à moins que cette présomption ne soit détruite par une preuve contraire, ou par les pré

somptions légales établies au titre de la Paternité et de la Filiation. L'art. 314 du Code suppose que l'enfant ne doit pas être regardé comme étant né viable, lorsqu'il est né avant le cent quatre-vingtième jour de la conception. (Voyez Merlin, Répert., v° HERITIER, sect. 6; Toullier, tom. 4, n° 97; Pailliet, Manuel, etc., sur l'art. 725.)

3°Celui qui est mort civilement.

726. Un étranger n'est pas admis à succéder aux biens que son parent, étranger ou Français, possède dans le territoire du royaume, que dans les cas et de la manière dont un français succède à son parent possédant des biens dans le pays de cet étranger, conformément aux dispositions de l'art. 11, au titre de la Jouissance et de la Privation des Droits civils.

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La loi du 14 juillet 1819 renferme, à l'égard des étrangers, les dispositions suivantes : « Art. 1. Les articles 726 » et 912 du Code civil sont abrogés en conséquence, les » étrangers auront le droit de succéder, de disposer et de » recevoir de la même manière que les Français dans toute » l'étendue du royaume. Art. 2. Dans le cas de partage » d'une même succession entre des cohéritiers étrangers et » français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en >> France une portion égale à la valeur des biens situés en » pays étrangers dont ils seraient exclus, à quelque titre » que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales. »

Cette loi abolit l'ancien droit d'aubaine, ainsi appelé de ces deux mots latins, alibi natus, c'est-à-dire, étranger. Ce droit rendait les étrangers incapables de succéder ou de recevoir en France, et faisait passer au gouvernement français les biens qu'ils laissaient à leur mort sur le territoire français.

727. Sont indignes de succéder, et, comme tels, exclus des successions:

1. Celui qui serait condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt;

2° Celui qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse;

3o L'héritier majeur qui, instruit du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à la justice.

Il y a une différence essentielle entre l'incapacité et l'in. dignité. L'incapacité, disent les auteurs, opère de plein droit elle empèche l'incapable d'être saisi de la succession. L'indignité, au contraire, n'exclut pas de plein droit de la succession; elle doit être prononcée. Ainsi, tant que l'indignité n'a pas été déclarée par jugement, l'héritier, quoique indigne, est saisi de la succession.

728. Le défaut de dénonciation ne peut être opposé aux ascendants et descendants du meurtrier, ni à ses alliés au même degré, ni à son époux ou à son épouse, ni à ses frères et sœurs, ni à ses oncles et tantes, ni à ses neveux et nièces. Il serait contraire à la morale et à la nature d'obliger un homme à dénoncer le crime de son propre parent.

729. L'héritier exclu de la succession pour cause d'indignité, est tenu de rendre tous les fruits et revenus dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.

L'héritier indigne, qui a été saisi d'une succession, est assimilé au possesseur de mauvaise foi.

730. Les enfants de l'indigne, venant à la succession de leur chef, et sans le secours de la représentation, ne sont pas exclus pour la faute de leur père; mais celui-ci ne peut, en aucun cas, réclamer, sur les biens de cette succession, l'usufruit que la loi accorde aux pères et mères sur les biens de leurs enfants.

Les enfants de l'indigne viennent à la succession de leur chef et sans le secours de la représentation, c'est-à-dire, comme les plus proches parents du défunt. Supposons qu'un fils unique soit declaré indigne de la succession de son père décédé; s'il a des enfants, ceux-ci viendront à la succession de leur grand-père, comme les plus proches héritiers. De même, si de deux frères qui se présentent pour

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