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SECTION IV. - Comment se conservent les Priviléges

2106. Entre les créanciers, les priviléges ne produisent d'effets à l'égard des immeubles qu'autant qu'ils sont rendus publics par inscription sur les registres du conservateur des hypothèques, de la manière déterminée par la loi, et à compter de la date de cette inscription, sous les seules exceptions qui suivent.

A compter de la date de cette inscription; ce qui doit s'entendre, non dans le sens que la date de l'inscription donne rang aux priviléges, mais bien dans ce sens que les priviléges reçoivent leur effet au moyen et à compter de l'inscription, en conservant le rang qu'ils doivent avoir après la nature ou qualité de la créance, en sorte qu'ils priment toujours toutes les autres créances, même hypothécaires, si elles ne sont pas en même temps privilégiées (Voyez Delvincourt, tom 3, pag. 510, édit. de 1819; et Rogron, sur l'article dont il s'agit.)

2107. Sont exceptés de la formalité de l'inscription les créances énoncées en l'article 2101.

2108. Le vendeur privilégié conserve son privilége parla transcription du titre qui a transféré la propriété à l'acquéreur, et qui constate que la totalité ou partie du prix lui est due; à l'effet de quoi la transcription du contrat faite par l'acquéreur vaudra inscription pour le vendeur et pour le prêteur qui lui aura fourni les deniers payés, et qui sera subrogé aux droits du vendeur par le même contrat: sera néanmoins le conservateur des hypothèques tenu, sous peine de tous dommages et intérêts envers les tiers, de faire d'office l'inscription, sur son registre, des créances résultant de l'acte translatif de propriété, tant en faveur du vendeur qu'en faveur des prêteurs, qui

pourront aussi faire faire, si elle ne l'a été, la transcription du contrat de vente, à l'effet d'acquérir l'inscription de ce qui leur est dû sur le prix.

Voyez les articles 2113, 2151 et 2181.

2109. Le cohéritier ou copartageant conserve son privilége sur les biens de chaque fot ou sur le bien licité, pour les soulte et retour de lots, ou pour le prix de la licitation, par l'inscription faite à sa diligence, dans soixante jours, à dater de l'acte de partage ou de l'adjudication par licitation; durant lequel temps aucune hypothèque ne peut avoir lieu sur le bien chargé de soulte ou adjugé par licitation, au préjudice du créancier de la soulte ou du prix.

Pour le prix de la licitation; si toutefois l'immeuble a été adj ugé à l'un des copartageants.

210. Les architectes, entrepreneurs, maçons et autres ouvriers employés pour édifier, reconstruire ou réparer des bâtiments, canaux ou autres ouvrages, et ceux qui ont, pour les payer et rembourser, prêté les deniers dont l'emploi a été constaté, conservent, par la double inscription faite, 1 du procès-verbal qui constate l'état des lieux, 20 du procès-verbal de réception, leur privilége à la date de l'inscription du premier procès-verbal.

2111. Les créanciers et légataires qui demandent la séparation du patrimoine du défunt, conformément à l'article 878, au titre des Successions, conservent, à l'égard des créanciers des héritiers

ou représentants du défunt, leur privilége sur les immeubles de la succession, par les inscriptions faites sur chacun de ces biens, dans les six mois à compter de l'ouverture de la succession.

Avant l'expiration de ce délai, aucune hypothèque ne peut être établie avec effet sur ces biens par les héritiers ou représentants au pré judice des créanciers ou légataires.

2112. Les cessionnaires de ces diverses créances privilégiées exercent tous les mêmes droits que les cédants, en leur lieu et place.

2113. Toutes créances privilégiées soumises à la formalité de l'inscription, à l'égard desquelles les conditions ci-dessus prescrites pour conserver le privilége n'ont pas été accomplies, ne cessent pas néanmoins d'être hypothécaires; mais l'hypothèque ne date, à l'égard des tiers, que de l'époque des inscriptions qui auront dû être faites ainsi qu'il sera ci-après expliqué.

Ne date que de l'époque : les privilèges dont il s'agit, n'étant plus que de simples hypothèques légales, ne datent plus que du jour de l'inscription, et se trouvent ainsi primés par les créances hypothécaires dont l'inscription est

antérieure.

CHAPITRE III.

Des Hypothèques.

2114. L'hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation.

Elle est, de sa nature, indivisible, et subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles.

Elle les suit dans quelques mains qu'ils passent.

On distingue deux choses dans une créance hypothécaire, la créance elle-même, et le droit d'hypothèque qui s'y trouve attaché. La créance peut subsister sans l'hypothèque, mais l'hypothèque ne peut subsister sans une créance.

La créance est un droit sur la personne, l'hypothèque est un droit sur la chose. Le droit sur la personne se divise de plein droit entre les héritiers du créancier, comme la dette ou l'obligation personnelle se divise entre les héritiers du débiteur. Mais l'hypothèque est indivisible. Le droit du créancier hypothécaire subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles en faveur de chacun des héritiers du créancier, et contre chacun des héritiers du débiteur. Est tola in toto, et tota in qualibet parte. D'où il résulte que, si deux immeubles d'égale valeur sont hypothéqués pour une même somme, cette hypothèque ne se partage point de manière à ce que chaque héritage ne soit engagé que pour la moitié de la somme; et cela, quand même la valeur de chaque héritage serait supérieure à la somme pour laquelle les deux fonds sont hypothéqués; en sorte que, si le débiteur paie la moitié de la dette, ces deux immeubles n'en restent pas moins bypothéqués en totalité pour l'autre moitié. Il résulte encore du même principe que, si un créancier hypothécaire laisse plusieurs héritiers, et que l'un reçoive du débiteur la portion qui lui appartient dans la créance, tous les biens hypothéqués n'en restent pas moins affectés en entier aux portions des autres héritiers.

Il en résulte enfin que, si le débiteur laisse plusieurs héritiers et plusieurs immeubles à partager entre eux, chaque immeuble n'en reste pas moins, après le partage, affecté à toute la dette. Ainsi, quoique l'héritier qui possède un immeuble de la succession ait payé sa portion de la dette, cet immeuble peut néanmoins être saisi pour toutes les autres portions de la dette, sauf le recours de cet héritier contre les autres. De même, quoique le créancier ne puisse demander à l'un des héritiers personnellement plus que sa portion virile de la dette, il peut agir contre lui hypothécairement pour le tout (Art. 873).

2115. L'hypothèque n'a lieu que dans les cas et suivant les formes autorisés par la loi.

2116. Elle est, ou légale, ou judiciaire, ou conventionnelle.

2017. L'hypothèque légale est celle qui résulte de la loi.

L'hypothèque judiciaire est celle qui résulte des jugements ou actes judiciaires.

L'hypothèque conventionnelle est celle qui dépend des conventions et de la forme extérieure des actes et des contrats.

L'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte authentique, comme le porte expressément l'article 2127.

2118. Sont seuls susceptibles d'hypothèques 1o Les biens immobiliers qui sont dans le commerce, et leurs accessoires réputés immeubles; 2o L'usufruit des mêmes biens et accessoires pendant le temps de sa durée.

Ici, par accessoires, on entend les choses inhérentes à l'immeuble, telles que les fruits non séparés du fonds, les animaux attachés à la culture, les ustensiles aratoires, etc. (Art 524). Mais ces objets ne sont susceptibles d'hypothèques que comme accessoires de l'immeuble auquel ils sont attachés, et ne peuvent réellement être hypotheques qu'autant que l'immeuble est hypothéqué lui-même.

L'usufruit; c'est le droit d'usufruit qui est hypothéqué; le créancier obtient par l'hypothèque la faculté de faire vendre ce droit, et non de saisir les fruits qui, étant detachés du fonds, sont meubles.

2119. Les meubles n'ont pas de suite par hypothèque.

N'ont pas de suite par hypothèque; c'est-à-dire que les meubles une fois sortis des mains du propriétaire, les créanciers ne peuvent les poursuivre ou saisir entre les mains d'un tiers. Cependant, d'après l'article 2118, les biens meubles, qui ne sont immeubles que par destination, tels que les fruits d'un immeuble non séparés du fonds, soat sujets à l'hypothèque.

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