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de revoir de temps en temps les premiers éléments de la théologie morale.

Quoique cet ouvrage s'adresse spécialement aux Ecclésiastiques, néanmoins à le considérer sous le rapport des matières qui en font le principal objet, il ne sera peut-être pas sans intérêt pour le jurisconsulte et le magistrat qui reconnaissent les droits de l'Église et les règles de la morale évangélique. « Il y a dit M. Toul«lier (1), une alliance réelle et nécessaire entre « le droit civil, la morale et la religion : c'est « de leur accord que dépendent la bonté des « institutions d'un État, la paix de la société et « le bonheur de chacun de ses membres en par

ticulier. C'est aussi ce que pensaient les anciens. Leur jurisprudence était la connaissance des choses divines et humaines, la science du juste et de l'injuste: Jurisprudentia est divinarum atque humanarum rerum notitia, justi atque injusti scientia (2). C'est d'après les principes de cette science sacrée qu'un magistrat zélé pour les intérêts de la société saura, par l'ascendant qu'il a sur les esprits, prévenir

1. Le Droit civil français, tom. I. no 8.

2. Instit.,lib. 1, no 1.

ces alliances irrégulières que la religion condamme, et, autant qu'une législation sécularisée. le permet, rétablir entre le sacerdoce et l'empire l'harmonie qui fait la force des États.

Enfin, ce commentaire peut être lu même par de simples particuliers, par des personnes qui n'ont fait aucune étude du droit ou de la théologie. C'est une explication littérale des articles du Code qui demandent des éclaircissements, à laquelle on ajoute quelques observations concernant la morale et la discipline ecclésiastique. J'évite, autant que possible, de me servir de termes techniques, que je n'emploie jamais sans en donner la signification. Pour faire concevoir le véritable sens d'un article, je m'applique à faire connaître l'esprit de la loi, tantôt en le rapprochant des autres articles auxquels il se rapporte ; tantôt en indiquant les motifs qui paraissent avoir guide le législateur; tantôt, enfin, en rapportant les axiomes de droit universellement reçus.

Insistant surtout sur les questions où le droit civil se trouve en contact avec le droit canon ou avec la morale, je fais remarquer les endroits où l'on doit distinguer entre le domaine de la

L

conscience et le domaine des tribunaux, entre l'obligation naturelle et l'obligation purement civile.

Cette distinction n'est point arbitraire; car c'est une maxime de droit, que tout ce qui est permis par les lois n'est pas honnête : Non omne quod licet honestum est. Les lois civiles ne peuvent nous servir de règles en morale, qu'autant qu'elles ne sont point contraires aux lois divines ou ecclésiastiques. En nous ordonnant de rendre à César ce qui est à César, le Législateur du monde nous ordonne en même temps de rendre à Dieu ce qui est à Dieu : Reddite quæ sunt Cæsaris Cæsari, et quæ sunt Dei Deo. D'ailleurs, il n'est pas rare que les juges soient obligés de prononcer sur des preuves ou des présomptions, qui, quelque fortes qu'elles soient, ne sont pas toujours admises au for intérieur, où la vérité peut être mieux connue par l'aveu du coupable. Enfin, celles des dispositions du Code qui n'ont point d'autre objet que de déterminer la forme des actes d'où dépend l'action civile pour l'exécution des conventions, ne sauraient être obligatoires que pour ceux qui sont chargés de rédiger ces actes; ce n'est pas être

rebelle à la loi que de refuser l'action qu'elle nous offre, que de compter sur la bonne foi des autres, sans exiger les titres par lesquels on pourrait les contraindre à remplir leurs engagements. D'après ces observations, on concevra facilement que, tout en établissant la nécessité de se conformer aux lois civiles, il m'arrive néanmoins de distinguer de temps en temps entre le for intérieur et le for extérieur, en reconnaissant une obligation naturelle sans obligation civile, ou une obligation civile sans obligation naturelle.

De toutes les questions théologiques dont j'ai traité dans cet ouvrage, il n'en est aucune sur laquelle je n'aie fait connaître mon sentiment; mais je n'ai pas la prétention de le donner toujours comme certain. Quand il s'agit d'une question douteuse ou controversée, je ne tiens à mon sentiment que comme à une opinion qui me paraît plus probable, m'abstenant de condamner l'opinion contraire: In dubiis libertas. dit saint Augustin.

Quant à ce qui appartient à la jurisprudence, j'ai eu grand soin de ne rien avancer qui ne fût consacré par les jurisconsultes les plus remar

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quables; et, loin de craindre les reproches d'avoir profité du travail de nos meilleurs auteurs, j'avertis le lecteur que je me suis fait un devoir de les suivre scrupuleusement en tout. Ceux que je cite le plus fréquemment, sont Domat, Pothier; et parmi les modernes, MM. Locré, de Maleville, Grenier, Merlin, Toullier, Delvincourt et Rogron. Les ouvrages de ces trois derniers surtout m'ont été du plus grand secours. Comme, malgré tous les soins que j'ai apportés à cette édition, j'ai lieu de craindre qu'il ne me soit échappé quelques inexactitudes, je sollicite d'avance l'indulgence des lecteurs, en les priant de me faire connaître celles qu'ils découvriront; je recevrai leurs observations avec reconnaissance.

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