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Que le receveur de Paris n'avait pas qualité, ainsi qu'on l'a vu ci-dessus, pour percevoir le droit proportionnel;

Que ce moyen n'est donc pas fondé ;

IV. Perception exagérée.

Base inexacte:

Attendu que suivant les principes susénoncés, ce n'est pas le jugement mais l'acte du 7 juillet 1880 qui a emporté au profit des consorts Lyon-Alemand translation définitive de propriété des biens visés dans ce dernier ;

Que c'est donc cet acte seul qui doit servir de base à la perception suivant le prix qui y est exprimé, soit 800.000 fr., non compris les charges évaluées à 20.000 fr.;

Que les prétentions des sieurs Aubanel-Muzat et Raffali soutenant que cette perception ne doit, en tout cas, être exercée que sur la somme de 190.000 fr. que le tribunal a condamné leurs acquéreurs à leur payer, ne sont point fondées ;

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Qu'il en est de même de la solidarité; que toutes les parties ayant figuré à un acte sont solidairement tenues au payement des droits d'enregistrement; Que ce principe est absolu;

Que l'Administration peut, en conséquence, s'adresser pour leur recouvrement intégral à toutes les parties, vendeurs ou acquéreurs, indifféremment ; Que les opposants ne sont donc point fondés à prétendre que chacun d'eux n'est tenu à supporter les droits qu'à concurrence de sa part et portion sociale;

Par ces motifs,

Statuant en matière civile, contradictoirement et en dernier ressort ;

1o Dit que le receveur du bureau de Bougie avait compétence exclusive pour décerner la contrainte incriminée du 27 juillet 1895;

2o Dit que l'acte du 7 juillet 1880, par la mutation immobilière et définitive qu'il constate, lui a servi de base légale ;

3o Déclare bonne et valable cette contrainte ;

4o Déclare, en conséquence, les sieurs Aubanel, Muzat et dame Raffali née du Mesgnil, non fondés en leur opposition; les en déboute;

5o Les condamne solidairement entre eux au payement des causes de ladite contrainte ainsi qu'aux dépens de l'instance.

MM. Aubanel, Muzat et les époux Raffali-du-Mesgnil ont déféré ce jugement à la Cour de cassation pour :

1° Violation des art. 22, 26, dernier alinéa, 27 et 61 de la loi du 22 frimaire an VII ; de l'ordonnance du 19 octobre 1841; fausse application des avis du Conseil d'État du 6 vendémiaire an XIV et du 15 novembre 1806; incompétence, en ce que le jugement attaqué a décidé à tort que le receveur dans la circonscription duquel étaient situés des gisements de minerais avait seul qualité pour poursuivre e recouvrement des droits proportionnels réclamés à l'occasion d'un acte sous seings privés passé en France, alors que cet acte ayant été présenté depuis plus de deux ans à la formalité de l'enregistrement dans le bureau du lieu où l'acte avait été passé, la prescription de deux ans s'opposait à toute réclamation postérieure à fin de suppléments de droits;

2. Violation des art. 1134, 1181, 1583, 1584 et 1589 du C. civ., 12 de la loi du 22 frimaire an VII ; de l'ordonnance du 19 octobre 1841, en ce que le jugement attaqué a ordonné la perception du droit proportionnel sur une mutation de droits immobiliers subordonnée à une condition suspensive, alors que cette condition ne s'étant réalisée que partiellement, ainsi que l'avait reconnu une décision de justice passée en force de chose jugée et soumise à la formalité de l'enregistrement, les droits exigibles devaient être calculés seulement d'après l'importance de la mutation réalisée définitivement.

Ce pourvoi a été admis par un arrêt de la Chambre des requêtes du 28 mars 1900, signifié à la Direction générale le 17 avril suivant. Dans une réplique signifiée le 26 décembre 1900, les demandeurs en cassation ont fait valoir un moyen additionnel ainsi formulé: Violation, ou fausse application des art. 9, 14 no 5, 15, 16, 23 de la loi du 22 frimaire an VII et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué a décidé que l'importance d'une prétendue mutation d'immeubles situés en Algérie était déterminée nécessairement d'après le montant total d'un acte de cession passé en France et qui aurait compris, en outre de droits mobiliers et incorporels, les immeubles dont s'agit, alors que l'acte litigieux ayant été revêtu de la formalité de l'enregistrement en France, le receveur d'Algérie n'avait qualité, en toute hypothèse, que pour réclamer le droit proportionnel dû à raison d'une mutation d'immeubles situés en Algérie, mutation dont l'existence et la quotité devaient donner lieu soit à une déclaration estimative distincte émanant des parties intéressées, soit à une évaluation établie directement par l'Administration ellemême.

La Direction générale a développé devant la Chambre civile les considérations suivantes en réponse au premier moyen :

1. Aux termes de l'art. 2262, C. civ., toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont soumises à la prescription de trente ans quand elles ne sont pas expressément assujetties à une prescription plus courte.

Ce principe de droit commun s'applique en matière fiscale comme en matière civile. Les droits d'enregistrement sont régis par la prescription ordinaire de trente ans toutes les fois que des lois particulières n'ont pas abrégé ce délai. C'est une règle qui a été consacrée par une jurisprudence constante et dont la Chambre civile a fait l'application, notamment par trois arrêts du 2 décembre 1873 (D. P. 74.1.108 à 112).

L'une des exceptions à la prescription trentenaire est formulée par l'art. 61 no 1 de la loi du 22 frimaire an VII: « Il y a prescription pour la demande des droits, savoir: 1o après deux années à compter du jour de l'enregistrement, s'il s'agit d'un droit non perçu sur une disposition particulière dans un acte, ou d'un supplément de perception insuffisamment faite... » La portée de cette disposition est bien déterminée.

Le droit non perçu sur une disposition particulière dans un acte s'entend exclusivement de l'omission commise par un receveur qui, lors de la présentation à la formalité d'un acte contenant plusieurs dispositions, néglige

de percevoir sur l'une d'elles le droit auquel elle est assujettie d'après sa nature. Les mots disposition particulière » ont ici la même acception que dans l'art. 11 de la loi du 22 frimaire an VII; ils s'entendent des stipulations indépendantes donnant ouverture par elles-mêmes à des droits particuliers.

L'insuffisance de perception existe lorsque le préposé appelé à enregistrer un acte n'a perçu pár erreur, sur une disposition de cet acte, qu'un droit inférieur à celui exigible. Dans ce cas, comme dans celui de l'omission, I action de l'Administration a pour objet la rectification d'une perception irrégulièrément faite. Ainsi que l'exprime la jurisprudence, la perception a été alors entamée et elle doit être complétée dans les deux ans (Cass., Ch. réunies, 14 août 1813, Dall., Vo Enreg., no 3233, note 2; Civ., 18 août 1852, S. 52.1.828).

Il n'y a donc de soumis à la prescription de deux ans que les droits qui peuvent et doivent être perçus au moment où la formalité est donnée. Ceux qui ne sont pas exigibles immédiatement, et comme conséquence de l'enregistrement, constituent des droits principaux qui, dans le silence de la loi fiscale, ne sauraient être atteints que par la prescription trentenaire, conformément à l'art. 2262, C. civ. La jurisprudence a fait de nombreuses applications de cette règle. C'est ainsi qu'elle a décidé que la prescription de trente ans s'applique seule : 1o aux droits afférents à des conventions extérieures, dont l'acte enregistré fait simplement soupçonner l'existence (arrêts du 2 décembre 1873 précités; des 24 aoùt 1874, S. 75.1.129; 8 juin 1875, D. P. 75.1.423; 7 mars 1888, D. P. 88.1.268; 18 juillet 1888, D. P. 89.1.244; 30 janvier 1895, D. P. 95.1.361); 20 aux droits complémentaires qui deviennent exigibles lorsque l'exécution d'un marché a dépassé les prévisions (V. not. Cass. 29 décembre 1875, D. P. 76.1.126; 12 janvier 1897, D. P. 98.1.33); 3° aux droits dus par suite de la réalisation de l'evénement prévu, sur un contrat affecté d'une condition suspensive (Cass., 15 juillet 1851, D. P. 51.1.225; 12 juillet 1853, D. P. 53.1.291; 15 mai 1866, D. P. 66.1.216; 27 juillet 1870, D. P. 70.1.413; 14 décembre 1870, D. P. 71. 1.88; 6 juin 1882, D. P. 82.1.428; 23 juillet 1883, D. P. 84.1.244; 21 décembre 1887, D. P.88.1.389). Tous ces arrêts sont fondés sur cet unique motif que la prescription biennale ne concerne pas les droits ouverts par suite de l'enregistrement de l'acte, c'est-à-dire ceux qui peuvent être perçus comme conséquence de la formalité.

Lorsqu'il s'agit de droits sur des actes conditionnels, la prescription biennale peut cependant faire place à la prescription trentenaire dans un cas particulier c'est quand les actes qui constatent la réalisation de la condition constituent des titres à l'exigibilité du droit. Le receveur se trouvant, par la présentation de tels actes à la formalité, en situation de percevoir immédiatement le droit proportionnel, commet, s'il ne le fait pas, une insuffisance de perception qui ne peut être réparée que dans les deux ans (Cass. 25 mars 1872, D. P. 72.1.314; 9 mai 1881, D. P. 82.1.81; 6 juin 1882, D. P. 82.1.428; 29 janvier 1900, J. E. 25828).

Quant à la question de savoir par qui les droits supplémentaires peuvent être réclamés, elle ne souffre aucune difficulté. Ces droits font partie de la perception entamée par suite, c'est au receveur du bureau où a été commise l'erreur ou l'insuffisance de perception qu'il appartient d'en poursuivre le recouvrement.

Le pourvoi et la défense sont d'accord à cet égard. Le débat porte uniquement sur le point de savoir si, dans l'espèce, il s'agit ou non de droits supplémentaires résultant d'une perception insuffisamment faite ou d'une omission de perception, c'est-à-dire de droits ayant pu et dû être exigés en France depuis plus de deux ans. Les demandeurs en cassation soutiennent

l'affirmative. Pour justifier leur thèse, ils se placent successivement à deux points de vue. Ils considèrent d'abord le traité du 7 juillet 1880 comme le titre d'une mutation immédiate et définitive. Ils l'envisagent ensuite comme l'instrument d'une mutation conditionnelle que le jugement du tribunal de la Seine du 18 décembre 1888 aurait seul réalisée. Le premier moyen du pourvoi se subdivise ainsi en deux branches qui vont être examinées successivement.

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PREMIÈRE BRANCHE.

La constitution du 5 fructidor an III contenait les dispositions sui

a ART. 6. Les colonies font partie intégrante de la République et sont soumises à la même loi constitutionnelle. »>

« ART. 7. — Elles sont divisées en départements, ainsi qu'il suit... » Comme conséquence de ces dispositions, la loi du 12 nivòse an VI, édictée << pour l'organisation constitutionnelle des colonies », soumettait celles-ci aux mêmes impôts que la métropole. En ce qui concerne spécialement les droits de timbre et d'enregistrement, l'art. 37 de cette loi était ainsi conçu : « Les droits de timbre et d'enregistrement seront établis et perçus dans les départements coloniaux d'après les lois existantes : cette partie du revenu public sera confiée à la même régie que les biens nationaux... ».

La loi du 22 frimaire an VII a été rendue sous l'empire de cette législation. Comme, à ce moment, la Régie de l'Enregistrement n'était encore organisée dans aucun des départements coloniaux, le législateur a cru devoir déterminer le régime fiscal, transitoire dans sa pensée, qui devrait être appliqué en cas d'usage en France des actes passés dans les colonies où l'enregistrement n'aurait pas encore été établi. Il l'a fait dans les art. 22 et 23 de la loi du 22 frimaire an VII. Il ne pouvait d'ailleurs venir à l'idée du législateur de prendre des dispositions particulières en ce qui concerne les colonies où l'enregistrement aurait été établi il n'y avait, en effet, en raison de l'unité de législation, aucune distinction à faire entre ces colonies et la métropole au point de vue de l'application de la loi du 22 frimaire an VII.

Mais, avant que l'enregistrement eût pu être organisé dans les colonies, la constitution de l'an III avait fait place à celle du 22 frimaire an VIII, dont l'art. 91 spécifiait que le régime des colonies françaises serait déterminé par des lois spéciales. Les diverses constitutions élaborées depuis ont maintenu les colonies en dehors de la législation de la métropole. Des lois spéciales les ont même placées sous le régime des décrets. Il en a été ainsi notamment de l'Algérie (L. 24 avril 1833, rendue en exécution de l'art. 73 de la charte de 1830; ord. 22 juillet 1831).

C'est au cours de cette dernière période que l'enregistrement a été établi dans les colonies où il fonctionne actuellement. Il y a été introduit, sous certaines restrictions et avec des modifications de tarif, soit par des actes du chef de l'Etat, soit même par des arrêtés des gouverneurs.

D'après la législation en vigueur, les droits sont perçus dans toutes les colonies autres que l'Algérie, pour le compte des budgets locaux et par des agents dépendant directement du ministre des colonies. Quant à l'Algérie, c'est l'ordonnance du 19 octobre 1841 qui a déclaré applicables les lois et décrets rendus en matière d'enregistrement. Aux termes de cette ordonnance, il n'est perçu que moitié des droits, soit fixes, soit proportionnels décimes non compris), exigibles en France, et les mutations par décès sont exonérées de l'impôt. Les recettes sont faites pour le compte de l'Etat. Le budget de l'Algérie, auquel elles figurent, est, en effet, rattaché à celui de la métropole : il fait simplement l'objet, dans les lois annuelles de finances,

d'un état spécial à la suite de l'état concernant la France. Mais c'est là une situation susceptible de prendre fin d'un instant à l'autre, et précisément le projet de budget de l'exercice 1901, déposé à la Chambre par M. Caillaux, ministre des finances, tend à doter l'Algérie d'un budget juridiquement distinct de celui de la métropole (1).

III. — A quel régime assujettir en France, en cas d'usage ou d'enregistrement volontaire, les actes translatifs d'immeubles en Algérie et dans les colonies où l'enregistrement se trouve ainsi établi en vertu de lois spéciales ?

Un premier point est hors de discussion. C'est que pour déterminer le régime fiscal de ces actes en France, on ne saurait recourir aux dispositions des lois coloniales. Bien que les colonies soient annexées à la France et fassent partie du territoire français, les ordonnances et les décrets qui y ont établi les droits d'enregistrement n'en ont pas moins un caractère exclusivement local. Ces ordonnances et décrets ne sont exécutoires et ne peuvent être appliqués que dans les pays pour lesquels ils ont été faits et où ils ont été promulgués.

C'est donc uniquement d'après les lois fiscales édictées pour la métropole que la question doit être résolue. Or la Direction générale espère pouvoir démontrer que les principes généraux de la législation fiscale en France excluent nettement la perception du droit proportionnel de mutation sur tous les actes translatifs d'immeubles situés en Algérie ou dans les colonies où l'enregistrement se trouve établi dans les conditions susindiquées.

IV. — La loi du 22 frimaire an VII contient deux sortes de dispositions, les unes déterminant les conditions d'exigibilité des droits (art. 20 à 25), les autres fixant les quotités d'après lesquelles ces droits doivent être perçus (art. 68 et 69). Les premières rattachent l'obligation de l'enregistrement des actes et celle du payement des droits, qui en est la conséquence inévitable, à certains faits juridiques qu'elles déterminent et qui incontestablement, d'après le principe de la territorialité de l'impôt, doivent être accomplis en France. Ainsi, la loi oblige les héritiers et légataires à acquitter dans les six mois les droits établis sur les mutations qui s'opèrent par suite d'un décès, faisant ainsi de la mutation elle-même, pourvu, bien entendu, qu'elle soit réalisée en France, la cause d'exigibilité de l'impôt (art. 14).

Elle agit de même à l'égard des mutations entre vifs de propriété ou d'usufruit de biens immeubles. L'acte qui constate cette mutation doit être enregistré dans les trois mois, ou, s'il n'y a pas d'acte, le nouveau possesseur doit déclarer dans le même délai la convention verbale qui a opéré la transmission à son profit (art. 22 de la loi du 22 frimaire an VII, complété par l'art. 4 de la loi du 27 ventôse an IX). Le fondement de l'impôt réside encore ici dans la mutation et, par conséquent, il est nécessaire, pour qu'il soit exigible, que la mutation s'accomplisse en France, c'est-à-dire que l'immeuble y soit situé.

Dans ses autres dispositions (art. 20 et 23), la loi du 22 frimaire an VII atteint directement les actes considérés dans leur forme extrinsèque et abstraction faite de leur objet. Pour les uns, c'est l'authenticité dont ils sont revêtus qui les rend passibles de l'impôt dans un délai déterminé : les actes d'huissiers doivent être enregistrés dans les quatre jours de leur date; les actes de notaires dans les dix ou quinze jours; les actes judiciaires et ceux des administrations centrales ou municipales dans les vingt jours (art. 20). Ces obligations étant attachées au fait de la rédaction des actes par les officiers publics que la loi détermine, il en résulte qu'elles n'at

(1) Cette prévision s'est réalisée depuis. Voir L. 49 décembre 1900, art. 2594 suprà.

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