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près ses propres dispositions, et non celui qui peut avoir été édicté par la loi coloniale.

Enfin, l'argument tiré du second alinéa de l'art. 22 de la loi du 22 frimaire an VII ne saurait davantage être pris en considération. Le législateur de l'an VII n'a pas, sans doute, accordé expressément de prolongation de délai pour l'enregistrement des actes translatifs d'immeubles français passés dans les colonies où l'enregistrement serait établi. On en connaît le motif. Les colonies devaient être, à ce moment, soumises aux lois de la métropole, et, si ce système avait été adopté, les actes dont il s'agit auraient pu être enregistrés indifféremment dans l'un ou l'autre pays. Il n'y avait donc aucune raison de prolonger, pour ces actes, le délai de l'enregistrement. Mais, dès l'instant qu'il n'y a pas entre la France et les colonies unité de législation, et que les actes translatifs d'immeubles dans l'un de ces pays ne peuvent être enregistrés régulièrement dans l'autre, on est obligé d'étendre aux colonies où l'enregistrement est établi les dispositions édictées pour celles où l'enregistrement n'est pas organisé. La règle de l'art. 22 est fondée sur l'impossibilité de faire enregistrer dans les colonies les actes dont il s'agit. Cette impossibilité existant pour les colonies où l'enregistrement est établi, comme pour celles où il ne l'a pas été, c'est le cas d'appliquer la maxime: ubi eadem ratio, ibi idem jus.

DEUXIÈME BRANCHE.

XIII. Supposons, dit le pourvoi,que le traité du 7 juin 1880 ne contienne qu'une transmission immobilière soumise à une condition suspensive. Comme, dans cette hypothèse, c'est le jugement du tribunal de la Seine du 18 décembre 1888 qui aurait réalisé la condition, ce jugement aurait constitué un titre à l'exigibilité du droit et il aurait dû être assujetti, lors de l'enregistrement effectué à Paris, au droit proportionnel de mutation. Les droits litigieux auraient donc aussi, dans cette interprétation, le caractère de droits supplémentaires, et la contrainte serait également nulle, faute d'avoir été décernée par le receveur à Paris, et signifiée dans les deux ans à compter de la perception.

La thèse du pourvoi sur ce point se trouve entièrement réfutée par les considérations qui précèdent.

Le droit de mutation exigible à raison d'une transmission d'immeubles en Algérie ne peut pas plus être perçu en France sur un jugement que sur un acte conventionnel. La doctrine des avis précités du Conseil d'État est absolue et s'applique sans distinction à toutes les transmissions d'immeubles qui ont leur situation hors du territoire que la loi française régit, sans qu'il y ait à s'inquiéter ni de la forme de l'acte, ni du lieu où cet acte a été passé.

Le Conseil d'État n'a, sans doute, visé nommément que les actes. Il n'importe ! Comme l'exprime un arrêt de la Cour de cassation du 3 août 1813 << dans l'économie de la loi du 22 frimaire an VII et dans le langage usité en cette matière, le mot acte est employé génériquement pour toute production ou pièce susceptible d'enregistrement, ainsi qu'on peut s'en convaincre par plusieurs articles de cette loi, notamment par les articles 7, 20 et 35 » (Dev. et Car., à sa date; voir également Cass., 14 avril 1834, Sir. 34.1.270). La seconde branche du pourvoi n'est donc pas mieux fondée que la pre

mière.

Les demandeurs au pourvoi ayant, dans leur réplique, invoqué à l'appui du premier moyen un nouvel argument tiré de la règle suivie en ce qui concerne les actes enregistrés en France portant trans

mission d'immeubles situés en Corse,la Direction générale a répliqué comme suit:

Il est admis, il est vrai, que les redevables sont fondés à acquitter en France les droits exigibles à raison des mutations immobilières qui s'effectuent en Corse, bien que ces mutations bénéficient d'un tarif réduit. Mais il est facile d'établir que cette solution n'est nullement en contradiction avec la doctrine dont la Direction générale se prévaut dans l'affaire actuelle.

La Corse a été soumise dans le principe au même régime constitutionnel que la France. Le décret du 30 novembre 1789, qui a prononcé la réunion à la France, porte, en effet, que ses habitants seront régis par la même constitution que les autres Français. Les lois et ordonnances rendues pour la France métropolitaine sont, en conséquence, devenues de plein droit exécutoires dans cette ile dès le jour même de leur promulgation. Il en a été ainsi notamment de la loi du 22 frimaire an VII.

En 1794, pendant la période de troubles révolutionnaires, les habitants de la Corse se soulevèrent et se placèrent sous la domination de la GrandeBretagne. Une loi du 22 frimaire an IX, régulièrement insérée au Bulletin officiel, ordonna alors que l'empire de la constitution serait suspendu, jusqu'à la paix maritime, dans les départements du Golo et du Liamone, c'està-dire dans l'île de Corse; puis le 17 nivôse de la même année, les consuls prirent un arrêté, qui fut également inséré au Bulletin officiel et qui contenait notamment les dispositions suivantes :

« Les consuls de la République,

« Vu la loi du 22 frimaire an IX qui suspend, jusqu'à la paix maritime, l'empire de la constitution dans les départements du Golo et du Liamone... « ART. 1er. — Un conseiller d'État sera nommé par le premier consul administrateur général des départements du Golo et du Liamone.

« .... ART. 4. — Il pourra prononcer des dégrèvements ou des remises sur les impositions qui existent, soit directes, soit indirectes ».

En exécution de cette disposition, le premier consul, par un arrêté du même jour, inséré au Bulletin officiel, nomma le conseiller d'État Miot, administrateur général des départements du Golo et du Liamone. Cet administrateur usa des pouvoirs que lui avait conférés l'arrêté des consuls du 17 nivòse an IX. C'est ainsi, notamment, qu'il prit, le 21 prairial an IX, l'arrêté suivant concernant les droits d'enregistrement.

« I. La loi du 22 frimaire an VII sur l'enregistrement des actes civils, judiciaires, titres de propriété continuera d'être exécutée selon sa forme et teneur, sauf les modifications ci-après :

<< II. 1o Les droits fixes et proportionnels à percevoir, d'après les art. 68 et 69 de la loi du 22 frimaire, pour les contrats de mariage et les donations faites en faveur et par ces mêmes contrats, sont réduits à la moitié de ceux fixés par la dite loi;

2o Le droit de 4 0/0 fixé par le § 7 de l'art. 69 de la loi du 22 frimaire, pour les ventes, cessions et autres actes translatifs de propriété ou d'usufruit de biens immeubles à titre onéreux, est réduit à 2 0/0;

<< III (Disposition relative aux droits de mutation par décès).

La paix maritime mit fin aux pouvoirs que la loi du 22 frimaire an IX avait reconnus aux consuls. Les règlements faits par l'administrateur Miot restérent néanmoins en vigueur. A la suite de la promulgation de la loi du 28 avril 1816 on les avait, un instant, considérés comme abrogés. Mais, au mois de février 1817, le Gouvernement, sur une réclamation des autorités locales, décida que les arrêtés Miot devaient être rétablis par application de l'art. 77 de la loi du 28 avril 1816, portant que les lois, décrets et ordonnan

ces auxquelles cette loi n'avait pas dérogé continueraient à être exécutés. De cet exposé, il résulte que la Corse et la France continentale constituent, au point de vue des lois d'enregistrement, un territoire unique régi par la loi du 22 frimaire an VII. La disposition de l'art. 26 de cette loi portant que les actes sous seings privés peuvent être enregistrés dans tous les bureaux indistinctement doivent donc s'entendre, lorsqu'il s'agit du paiement du droi sur les transmissions immobilières, des bureaux qui sont situés en Corse et de ceux qui sont situés dans la France continentale, sans qu'il y ait à rechercher si la mutation s'est opérée dans l'un ou l'autre de ces pays. Les arrêtés Miot ont, sans doute, établi des réductions de tarif pour les actes translatifs d'immeubles en Corse. Mais rendues en vertu de dispositions législatives promulguées en France,ces décisions sont exécutoires dans ce dernier pays, comme dans celui pour lequel elles ont été faites; elles y ont la même force que si elles avaient été inscrites dans la loi métropolitaine.

Elles se bornent, d'ailleurs, à accorder de simples remises d'impôt, de telle sorte que les droits dont restent passibles les mutations d'immeubles en Corse, ne sont pas exigibles en vertu de leurs dispositions, mais en vertu de la loi fondamentale de l'an VII. Il n'y a donc aucune contradiction à décider, d'une part, que ces droits peuvent être perçus dans l'un des bureaux de la France continentale, et à admettre, d'autre part, que les droits affėrents à des transmissions immobilières en Algérie et établis par la législation spéciale à cette colonie doivent être encaissés nécessairement par l'un des receveurs des bureaux de la colonie.

Ces conclusions ont prévalu et le pourvoi a été rejeté par la Chambre civile, le 21 janvier 1901, après délibéré, par l'arrêt dont la teneur suit:

La Cour,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le droit proportionnel de mutation immobilière ne peut, en principe, être perçu que sur le territoire où sont situés les immeubles auxquels il s'applique ;

Attendu qu'au point de vue fiscal, l'Algérie forme un territoire distinct de celui de la métropole ; qu'en effet, le service de l'enregistrement y est soumis à une législation spéciale puisque, si l'ordonnance du 19 octobre 1841 y a déclaré exécutoires les lois, décrets et ordonnances qui régissaient alors ce service en France c'est, d'une part, en modifiant les règles relatives soit à la quotité, soit à l'assiette même de l'impôt, et, d'autre part, en spécifiant, pour l'avenir, par l'art. 7, que « les lois et ordonnances, qui seraient rendues en France relativement aux droits d'enregistrement, ne deviendraient exécutoires en Algérie qu'en vertu d'ordonnances spéciales >> ;

Attendu qu'il suit de là que les receveurs de la métropole sont sans qualité pour percevoir le droit proportionnel sur les actes translatifs de la propriété d'immeubles sis en Algérie ;

Attendu, en fait, que par acte sous seing privé en date à Paris du 7 juillet 1880 la Société minière de Bougie a cédé aux consorts Lyon-Alemand: << 1° tous les permis de recherches, demandes de concession qu'elle a ou peut obtenir sur le territoire situé dans la province de Constantine, aux environs de Bougie, figurant sur la carte de l'État-major sous les noms d'Aït-Abbès, etc.. »; 2o la propriété des travaux exécutés sur les mines, bâtiments, galeries, puits et outillage de toute espèce, ainsi que la propriété des terrains à elle appartenant » ;

Attendu qu'à l'occasion d'un litige pendant devant le tribunal civil de la

Seine, les parties, qui voulaient produire ledit acte, le présentèrent, le 12 mai 1886, pour le faire enregistrer, à l'un des bureaux de Paris, qui perçut simplement, comme salaire de la formalité, un droit fixe, en conformité de l'art. 68, § 1, no 51 de la loi du 22 frimaire an VII; mais que, le 27 juillet 1895,le receveur de Bougie décerna contre elles une contrainte pour le paiement de la somme de 22.500 fr., montant du droit proportionnel exigible sur cette mutation, en vertu de l'ordonnance du 19 octobre 1841 ;

-

Attendu que les demandeurs firent opposition en prétendant que l'action de la Régie était éteinte par la prescription biennale à raison de l'insuffisance de la perception faite au bureau de Paris qui, lors de l'enregistrement de l'acte en 1886, n'avait pas réclamé le droit proportionnel;

Mais attendu que le receveur de Paris n'a commis ni omission, ni insuffisance de perception en s'abstenant d'exiger le paiement d'un droit de mutation, qu'il ne lui appartenait pas de percevoir, sur la convention du 7 juillet 1880, pas plus que sur le jugement du 18 décembre 1888, qui en précise le sens et la portée ;— que, dès lors, en décidant que l'action de la Régie n'était pas prescrite, le jugement attaqué, loin d'avoir violé les textes visés au pourvoi, en a fait une juste application;

Sur le deuxième moyen:

Attendu qu'il résulte des constatations, tant du jugement du tribunal civil de la Seine, du 18 décembre 1888, que de la décision attaquée, que la vente consentie le 7 juillet 1880, par la Société minière de Bougie aux consorts Lyon-Alemand avait un caractère définitif; que les termes de cet acte sont formels, et qu'il ressort expressément des art. 1 et 6 que la société cédante a fait aux acquéreurs l'abandon immédiat et irrévocable, non seulement des permis de recherches et demandes de concession, mais encore de la pleine propriété des travaux exécutés sur les mines et des terrains lui appartenant;

Attendu que si, par l'art. 4 du traité, les acquéreurs se réservaient de ne payer le prix qu'après la constitution de la société d'exploitation, cette clause, rapprochée des autres dispositions de l'acte, ne constitue pas une condition suspensive, à la réalisation de laquelle serait attaché le lien de droit, mais simplement la stipulation d'un délai pour le paiement; dans ces conditions, le tribunal de Bougie a décidé, à juste titre, que le droit de mutation est exigible; - d'où il suit qu'en validant la contrainte décernée par la Régie, il n'a méconnu aucun des articles invoqués par le pourvoi;

Sur le moyen additionnel :

que

Attendu qu'aux termes de l'art. 9 de la loi du 22 frimaire an VII, rendu exécutoire en Algérie par l'ordonnance du 19 octobre 1841, « lorsqu'un acte translatif de propriété ou d'usufruit comprend des meubles et des immeubles, le droit d'enregistrement est perçu sur la totalité du prix au taux réglé pour les immeubles, à moins qu'il ne soit stipulé un prix particulier pour les objets mobiliers et qu'ils ne soient désignés et estimés article par article dans le contrat » ;

Attendu que l'acte de céssion du 7 juillet 1880 contient un prix unique ; que, dans ces circonstances, c'est avec raison que le receveur de Bougie a réclamé le droit de mutation sur l'intégralité du prix ;

que, par suite, le jugement entrepris qui, d'ailleurs, est motivé, n'a pas violé les textes visés par le pourvoi ;

Rejette le pourvoi formé contre le jugement du tribunal civil de Bougie du 22 décembre 1898; . .

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....

La règle de perception que la Cour vient,

pour la première fois, de consacrer

en ce qui concerne les actes

enregistrés en France et portant transmission d'immeubles situés dans les colonies où l'enregistrement est établi, résultait déjà d'une solution rendue par l'Administration le 11 août 1843 et qui, notifiée aux préposés par l'Instruction n° 1703 a constamment été suivie depuis lors. Elle se justifie par cette considération, à notre avis déterminante, que les ordonnances ou les décrets qui ont établi l'enregistrement dans les colonies ne sont point exécutoires en France. La perception, faite dans la métropole, d'un droit exigible seulement en Algérie serait donc illégale. Les lois annuelles de finances, qui autorisent la mise en recouvrement des différents impôts, bien loin de déroger à ce principe, le confirment, au contraire, en interdisant en termes formels et absolus aux comptables l'encaissement de toute recette non expressément prévue.

-

II. Cette règle doit être suivie même au cas où l'acte de vente a pour objet tout à la fois des meubles et des immeubles, dès lors qu'un prix unique a été stipulé. Dans cette hypothèse, en effet, la mutation a pour le tout, par application de l'art. 9 de la loi de frimaire, le caractère immobilier, même en Algérie. Il en serait autrement, il est vrai, d'un acte présenté à l'enregistrement en France, et portant mutation de biens meubles et immeubles situés à l'étranger. La raison en est simple. Les mutations d'immeubles étrangers sont assujetties en France, en vertu d'une disposition spéciale de la loi, au tarif de 0 fr. 20 0/0 et les mutations de meubles étrangers y sont soumises aux mêmes droits que celles de biens de même nature situés sur le territoire (T. A., V° Etranger, 1re partie, no 54).

Il en est différemment des actes translatifs de biens situés aux colonies où l'enregistrement est établi. Ce n'est pas en France qu'il doivent acquitter, comme le font les biens étrangers, le droit proportionnel qui leur est propre, c'est dans la colonie. Dès lors que cette solution est admise pour les immeubles elle doit l'être également pour les meubles déclarés immeubles par disposition spéciale de la loi fiscale.

III. Sans observations.

Annoter: T. A.,

III,

- I et II, V° Etranger (2o partie, Algérie), no 196; - II, V Vente d'immeubles, n° 210-A-2°, texte et note 3; V. Vente d'immeubles, no 225, texte et note 2.

Art. 2596.

Cession de créance par

Acte passé en conséquence.

acte notarié.

Remise par le cédant de tous docu

ments et pièces. Caractère d'acte non établi.

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Il n'est pas démontré que les parties ont fait nécessairement usage

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