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justificatives, il a été délivré à l'Administration, le 26 novembre 1894, contre M. Hugo Oberndorffer, un exécutoire s'élevant à 164.494 fr. 90 et comprenant le coût des actes de la procédure à la requête de la partie assistée, ainsi que les droits d'enregistrement afférents au jugement du 10 mai 1894, qui a reçu en débet la double formalité.

L'Administration a reconnu ultérieurement que le droit d'enregistrement exigible sur le jugement du 10 mai 1894 avait été irrégulièrement liquidé ; rectification faite de l'erreur commise, la somme totale due par M. Hugo Oberndorffer (y compris le coût de l'exécutoire lui-même) s'est trouvée réduite à 118,841 fr. 20.

Par exploit du 31 décembre 1895, l'exécutoire dont il s'agit a été signifié à ce redevable avec commandement de payer ladite somme de 118.841 fr. 20.

Mais dans l'intervalle, M. Hugo Oberndorffer avait relevé appel du jugement du 10 mai 1894 ; puis il avait conclu avec MM. Lemarquis et Gautron, ès qualités, une transaction qui avait mis fin à l'instance.

Cette transaction, qui porte la date du 13 août 1894 et qui a été homologuée par un jugement du tribunal de la Seine du 21 septembre suivant, contient les clauses ci-après :

ARTICLE PREMIER,

M. Hugo Oberndorffer s'engage à souscrire 38.000 actions de 100 francs chacune de la société anonyme en voie de formation pour l'achèvement du canal du Panama dont les statuts ont été déposés en l'étude de M. Lefebvre, notaire à Paris, le 26 juin 1893, et dont M. Hugo Oberndorffer déclare avoir pris connaissance. Cette souscription sera réitérée, en telle forme qu'il sera nécessaire, pour arriver en temps utile à la constitution régulière de la société d'achèvement. M. Hugo Oberndorffer versera également, en temps utile, le premier quart du capital que ces actions représenteront et libérera les autres versements à leur échéance. ART. 2.- En retour et moyennant l'exécution de l'engagement qui précède, MM. Gautron et Lemarquis s'engagent à renoncer au bénéfice du jugement rendu à leur profit le 10 mai 1894. Tous comptes et réclamations quelconques entre MM. Gautron et Lemarquis, ès qualités, d'une part, et M. Hugo Oberndorffer, d'autre part, seront réputés éteints et réglés au moyen de l'exécution des engagements pris par celui-ci dans l'art. 1er ci-dessus. ART. 3. - Au cas où la souscription des actions de la compagnie nouvelle qui doit être offerte aux anciens porteurs de titres de Panama et au public suffirait à compléter le capital de 60 millions de la société nouvelle, les présentes seraient nulles et non avenues, la souscription de M. Hugo Oberndorffer n'étant acceptée que pour éviter ou réduire la souscription du liquidateur dans le capital de la société nouvelle.

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Si l'hypothèse prévue par le présent article venait à se réaliser, les parties se trouveraient remises au même état qu'avant la signature des présentes.

ART. 4. Si M. Hugo Oberndorffer, après avoir souscrit les actions dont il est parlé dans l'art. 1er, n'effectuait pas les versements ultérieurs, MM. Gautron et Lemarquis reprendraient tous leurs droits contre lui, sans que M. Hugo puisse réclamer la restitution des sommes qu'il aurait versées.

ART. 5.

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Après le versement du premier quart de la souscription de M. Hugo Oberndorffer, M. Lemarquis donnera mainlevée pure et simple des saisies-arrêts qu'il a pratiquées contre lui.

ART. 6. Les frais exposés par chacune des parties resteront à la charge de celles qui les auront faits.

Les choses étaient en cet état lorsque, par exploit du 3 janvier 1896, M. Hugo Oberndorffer a fait opposition aux poursuites de l'Administration et l'a assignée devant la première chambre du tribunal civil de la Seine pour voir prononcer la nullité du commandement et de l'exécutoire signifiés, motif pris de ce que la transaction conclue postérieurement à l'appel aurait annihilé toutes les dispositions du jugement du 10 mai 1894.

Dans un mémoire signifié le 16 juillet 1896, la Direction générale a démontré: 1o que l'instance engagée devait être instruite et jugée comme en matière d'enregistrement (art. 18, L. du 22 janvier 1851); 2o que le Trésor avait contre M. Hugo Oberndorffer, à raison de la condamnation aux dépens prononcée contre ce dernier, une action directe et personnelle dont il n'appartient pas à l'assisté de disposer (art. 17 et 18 même loi).

De son côté, M. Hugo Oberndorffer a fait signifier un mémoire en réponse, à la date du 8 février 1897. Indépendamment du moyen déjà invoqué dans son opposition, il a soutenu que la deuxième chambre du tribunal civil de la Seine, que l'Administration manifestait l'intention de saisir du litige, était incompétente, et, d'autre part, que l'instance devait être instruite et jugée dans les formes du droit commun et non d'après les règles suivies en matière d'enregistrement.

Il a été débouté de ses conclusions par un jugement du tribunal de la Seine du 26 juin 1897, qui est ainsi conçu :

Attendu que par jugement du 10 mai 1894, le tribunal de la Seine, à la requête de Gautron, liquidateur de la Compagnie du canal de Panama, et å celle de Lemarquis, intervenant en qualité de mandataire des obligataires porteurs d'obligations émises les 14 mars 1888 et 26 juin 1888, a condamné Hugo Oberndorffer à payer la somme de 3.653.201 fr. 90 en capital et de 1.055,181 fr. 05 en intérêts;

Qu'il était dit que le versement de ce capital n'avait eu lieu de la part de la Compagnie que pour annihiler l'hostilité d'Hugo Oberndorffer à l'émission susdite et que, dès lors, le versement était sans cause;

Que de plus Oberndorffer ayant agi de mauvaise foi devait, aux termes de l'art. 1378, C. civ., être condamné à restituer non seulement le capital mais les intérêts à partir du jour où il avait reçu ledit capital;

Attendu que pour les frais il était ainsi statué :

<< Condamne Hugo Oberndorffer aux dépens qui comprendront, à titre de dommages et intérêts, tous les droits d'enregistrement auxquels donneront lieu le présent jugement..... dit que les dépens seront recouvrés par l'administration de l'Enregistrement conformément à la loi sur l'assistance judiciaire >> ;

Attendu que l'art. 2 de la loi du 1er juillet 1893 a confié à un mandataire

unique, nommé par le tribunal civil de la Seine, l'exercice des actions de toute nature appartenant aux porteurs d'obligations de la Compagnie interocéanique du canal de Panama, et notamment des actions en restitution;

Attendu qu'aux termes de l'art. 4 de la même loi, ce mandataire jouit de plein droit du bénéfice de l'assistance judiciaire pour l'exercice des actions et pour l'exécution des décisions obtenues;

Attendu que c'est en vertu de ces dispositions que Lemarquis, mandataire judiciaire des porteurs d'obligations de Panama, a bénéficié de l'assistance judiciaire ;

Attendu qu'en raison de la condamnation aux dépens prononcée contre Hugo Oberndorffer il a été délivré, au profit de l'Administration chargée de recouvrer les dépens, un exécutoire par la 1r chambre du tribunal de la Seine ;

Attendu que l'Administration a ensuite poursuivi le recouvrement de cet exécutoire par voie de signification avec commandement, conformément aux art. 17 et 18 de la loi du 22 janvier 1851 sur l'assistance judiciaire ;

Attendu qu'Hugo Oberndorffer, opposant, a assigné l'Administration devant la 1re chambre du tribunal en prétendant que c'était à tort que l'exécutoire avait été délivré ;

Attendu que l'Administration a signifié un mémoire dans lequel elle prétend que l'opposition est soumise à la procédure spéciale en matière d'enregistrement et qu'en conséquence les juges de la 2 chambre doivent seuls en connaître ;

Attendu qu'Hugo Oberndorffer, tout en soulevant la question d'incompétence des juges de la 2o chambre devant lesquels il dit n'avoir pas assigné, combat subsidiairement au fond en disant que l'assistance donnée directement par la loi ne peut avoir les effets de l'assistance accordée en vertu de la loi du 22 janvier 1851; qu'il ajoute qu'au cours de la procédure d'appel intervenue après le jugement de condamnation il a transigé avec Lemarquis et que cette transaction fait disparaître contre lui les effets de la condamnation;

1 Statuant sur l'opposition d'Hugo Oberndorffer et sur la compétence: Attendu qu'il n'y a pas de question de compétence entre les chambres d'un même tribunal, que, d'ailleurs, en l'espèce, il n'y a que la question de savoir si avec l'opposition on peut employer la procédure spéciale en matière d'enregistrement;

Attendu que si, en l'espèce, l'assistance judiciaire est accordée directement par la loi du 1er juillet 1893, il résulte des termes mèmes de cette loi qu'on doit se référer pour les effets à la loi du 22 janvier 1851;

Attendu que la loi du 22 janvier 1851 dit, dans son art. 18, qu'après délivrance de l'exécutoire l'Administration poursuit le recouvrement comme en matière d'enregistrement;

Attendu, dès lors, que pour l'opposition aux poursuites il y a lieu de procéder comme en matière d'enregistrement;

Que, dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de renvoyer devant la 1re chambre et qu'au surplus l'opposition n'est pas faite du chef de la taxe ; 2° Sur le fond:

Attendu que l'art. 18 de la loi du 22 janvier 1851 dit qu'au cas où l'adver saire de l'assisté est condamné aux dépens, la condamnation est prononcée et l'exécutoire est délivré au nom de l'administration de l'Enregistrement et des Domaines qui en poursuit le recouvrement comme en matière d'enregistrement;

Attendu que de ces dispositions il résulte que l'Administration a un droit personnel et direct au recouvrement des dépens et que, dès lors, au regard de l'assisté, elle est un tiers;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de comparer la situation à celle de l'avoué distractionnaire lequel tire son action d'une sorte de délégation que le juge consacre en vertu de l'art. 133, C. proc. civ.;

Qu'alors l'avoué distractionnaire, en agissant en vertu de l'action directe à lui conférée par cette délégation, n'est pas un tiers vis-à-vis de l'adversaire, mais un simple ayant cause de son propre client;

Que de là suit que toutes les conventions par lesquelles ce client aura tari l'effet du jugement anéantissent le principe même de la distraction et, par conséquent, l'action directe en distraction, tandis qu'au contraire toutes conventions faites par l'assisté avec son adversaire ne peuvent avoir pour effet d'anéantir le droit de l'Administration;

Attendu, au surplus, qu'il n'y a pas lieu d'objecter que la transaction survenue au cours d'un procès en première instance laisse l'Administration sans aucun droit direct contre l'adversaire de l'assisté ;

Qu'en effet, à ce moment là, aucune décision judiciaire emportant condamnation aux dépens n'est encore intervenue;

Attendu que l'Administration, après délivrance de l'exécutoire, a ultérieurement reconnu que les droits de condamnation avaient été liquidés à 3 0/0 comme s'il s'agissait de dommages et intérêts et que cependant ils devaient être liquidés à 2 0/0 parce qu'il s'agit d'une condamnation à restituer (L. 26 avril 1892, art. 16, p. 7);

Qu'en conséquence, elle réduit sa demande à 118,840 fr. 95;

Par ces motifs,

Vu l'opposition et les mémoires respectivement et dûment signifiés ; Déboute Hugo Oberndorffer de son opposition au commandement qui lui a été signifié le 31 décembre 1895, en vertu de l'exécutoire de dépens délivré par le tribunal à l'Administration le 26 novembre 1894, conformément à l'art. 18 de la loi du 22 janvier 1851;

Et le condamne :

1. Au payement de la somme de 118.840 fr. 95 à laquelle l'Administration a déclaré ramener le montant de l'exécutoire susmentionné, plus 0 fr. 25 pour le timbre de la quittance;

2. Au payement des intérêts, à partir du 16 juillet 1896, date de la signification du mémoire, de la somme de 995 fr. 15, comprise dans l'exécutoire pour frais et honoraires dus aux officiers ministériels ; 3. A tous les dépens de l'instance.

M. Hugo Oberndorffer a déféré ce jugement à la Cour de cassation pour:

en ce

Violation des art. 2, 4 et 5 de la loi du 1er janvier 1893, de la loi du 22 janvier 1851, particulièrement des art. 17 et 18 de cette loi, de l'art. 1134, C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, que le jugement attaqué reconnaît à l'Enregistrement le droit de poursuivre une condamnation aux dépens prononcée en première instance au profit d'un plaideur pourvu de l'assistance judiciaire, malgré l'existence d'une transaction intervenue en appel entre l'assisté et son adversaire et laissant à la charge du premier les frais exposés.

Le pourvoi a été admis par un arrêt de la Chambre des requêtes du 6 février 1899, signifié le 10 mars suivant.

Devant la Chambre civile la Direction générale a défendu au pourvoi dans les termes suivants :

I.

L'article 14 de la loi du 22 janvier 1851 sur l'assistance judiciaire est ainsi conçu :

ART. 14. L'assisté est dispensé provisoirement du payement des sommes dues au Trésor pour droits de timbre, d'enregistrement et de greffe, ainsi que de toute consignation d'amende.

Il est aussi dispensé provisoirement du payement des sommes dues aux greffiers, aux officiers ministériels et aux avocats pour droits, émoluments et honoraires.

Les actes de la procédure faite à la requête de l'assisté sont visés pour timbre et enregistrés en débet. Le visa pour timbre est donne sur l'original, au moment de son enregistrement.

Les actes et titres produits par l'assisté, pour justifier de ses droits et qualités, sont pareillement visés pour timbre et enregistrés en débet.

Si ces actes et titres sont du nombre de ceux dont les lois ordonnent l'enregistrement dans un délai déterminé, les droits d'enregistrement deviennent exigibles immédiatement après le jugement définitif ; il en est de même des sommes dues pour contravention aux lois sur le timbre. Si ces actes et litres ne sont pas du nombre de ceux dont les lois ordonnent l'enregistrement dans un délai déterminé, les droits d'enregistrement de ces actes et titres sont assimilés à ceux des actes de la procédure.

Le visa pour timbre et l'enregistrement en débet doivent mentionner la date de la décision qui admet au bénéfice de l'assistance; ils n'ont d'effet, quant aux actes et titres produits par l'assisté, que pour le procès dans lequel la production a eu lieu.

Les frais de transport des juges, des officiers ministériels et des experts, les honoraires de ces derniers et les taxes des témoins dont l'audition a été autorisée par le tribunal ou le juge-commissaire, sont avancés par le Trésor, conformément à l'art. 118 du décret du 18 juin 1811. Le paragraphe 5 du présent article s'applique au recouvrement de ces

avances.

Lorsque l'assisté succombe, il est dispensé de payer les émoluments et honoraires revenant aux greffiers, avoués, avocats et autres officiers ministériels, ainsi que les droits afférents aux actes de la procédure et ceux des actes ou titres qu'il a produits et qui n'étaient pas assujettis à l'enregistrement dans un délai déterminé. Il reste tenu, au contraire, des droits d'enregistrement des actes soumis à la formalité dans un délai déterminé, des droits et amendes de timbre exigibles sur les actes irrégulièrement rédigés sur papier non timbré, enfin des sommes avancées par le Trésor conformément au dernier alinéa de l'art. 14, c'est-à-dire des frais de transport des juges, des officiers ministériels et des experts, des honoraires de ces derniers et des taxes des témoins.

Lorsque la condamnation est prononcée contre l'adversaire de l'assisté, ce dernier est débiteur des frais de l'instance comme s'il s'agissait d'un procès ordinaire. « L'assistance, disait M. de Vatimesnil dans le rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner le projet de la loi du 22 janvier 1851, ne doit rien changer à la situation de la partie adverse de l'assisté. En appliquant ce principe aux dépens, on trouve que cette partie adverse, si elle est condamnée, doit payer les dépens, comme s'il n'y avait pas eu d'assistance, de même que dans le cas où elle obtient gain de cause, ses droits contre l'assisté, relativement aux dépens, sont exactement ce qu'ils auraient été si celui-ci n'avait pas été admis au bénéfice de l'assistance (D. P. 51.4.26, en note).

La loi du 22 janvier 1851 a d'ailleurs expressément réglé, dans les art.

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