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cié s'élevant à la somme de 702,000 francs. Lesdits apports comprennent :

1o Ceux de MM. Marin, Bracquart, Depotter, Lassé et Fanet (membres de l'ancienne société civile reconstituée en 1861), quatre établissements d'instruction situés à Saint-Omer, Dohem, Marcq-enBaroeul et Arras, d'une valeur de 690,000 francs; 2° ceux des dix autres associés 12,000 francs en espèces.

Le capital a été divisé en 702 parts de 1,000 francs, représentées par autant d'actions qui ont été attribuées, savoir: 138 parts à chacun des auteurs de l'apport en nature, soit en tout 690 et 12 aux 10 autres associés proportionnellement à la somme fournie par chacun d'eux (art. 6).

L'art. 7 prévoit la répartition des bénéfices et des pertes entre les actionnaires proportionnellement à l'importance de leur intérêt dans la société.

L'art. 12 établit comme suit l'origine de propriété des immeubles faisant l'objet de l'apport en nature:

<«<Les immeubles apportés en société appartiennent à MM. Marin, Bracquart, Depotter, Lassé et Fanet ci-dessus prénommés, qualifiés et domiciliés, conjointement et indivisément, en vertu de quatre actes sous signatures privées, le premier, en date à Saint-Omer du 14 mai (mars) 1834. . . ., le deuxième, en date à Lille du fer octobre 1861. . ., le troisième, en date à Arras du 22 mars 1871. et le quatrième, en date à Arras du 7 janvier 1876. . .

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Les actes précités constatent, celui de 1834, la formation de la première société civile, constituée pour une durée de 25 ans, celui de 1861, la formation de la seconde société à laquelle les statuts de la première ont été déclarés applicables; enfin les actes de 1871 et de 1876 relatent l'adhésion à la société de MM. Lassé, Depotter et Bracquart.

Dans le rapprochement de ces divers actes l'Administration a trouvé la preuve que la société formée en 1861 avait été dissoute antérieurement au 8 septembre 1881 et que certains membres de la société dissoute avaient été remplis de leurs droits au moyen de l'attribution de valeurs immobilières mises en commun par d'autres associés.

Cette attribution d'apports immobiliers effectuée, en fin de société, au profit d'associés autres que les auteurs des apports avait le caractère d'une mutation d'immeubles assujettie à la déclaration ou à l'enregistrement dans les trois mois de sa réalisation. Aucun acte la relatant n'ayant été présenté à l'enregistrement et aucune déclaration n'ayant été passée dans ce délai, la Direction générale a réclamé à M. l'abbé Depotter et ses anciens coassociés le droit de mutation simple et en sus, au taux de 5 fr. 50 0/0, sur les immeubles faisant

l'objet de cette transmission. Les redevables ayant refusé d'acquitter ce droit, une contrainte procédant pour la somme de 48,647 fr. 12, à raison d'une valeur transmise de 376,375 francs, sauf à augmenter ou à diminuer suivant la déclaration des parties, leur a été signifiée le 30 juin 1894.

Par exploit du 7 août suivant, M. Depotter a formé opposition à cet acte de poursuites en se fondant sur ce que l'opposant et ses coassociés étaient et n'avaient jamais cessé d'être propriétaires des immeubles sociaux, l'acte de 1881 n'ayant pas eu pour effet de créer une société nouvelle, mais seulement d'adjoindre de nouveaux membres à l'ancienne. Subsidiairement l'opposant invoquait la prescription biennale établie par la loi pour les insuffisances de perception. L'Administration a établi, dans un mémoire du 9 février 1895, l'exigibilité du droit réclamé en montrant que l'acte de 1881 constatait la création d'une société entièrement nouvelle qui impliquait nécessairement la dissolution préalable de celle formée en 1861. Elle a développé, dans le même mémoire, les raisons qui s'opposaient à l'application de la prescription biennale au cas particulier. M. Depotter a répondu par un mémoire signifié le 6 novembre 1895. Après une réplique de la Direction générale, en date du 28 févrisr 1896, et une réponse de M. Depotter signifiée le 18 décembre suivant, le tribunal civil de Saint-Omer a rendu, le 5 mars 1897, un jugement qui a validé la contrainte dans les termes ci-après :

Attendu que l'art. 12 de la loi du 22 frimaire an VII porte que la mutation d'un immeuble en propriété ou usufruit sera suffisamment établie pour la demande du droit d'enregistrement et la poursuite du payement contre le nouveau possesseur, soit par l'inscription de son nom au rôle de la contribution foncière et les payements par lui faits d'après ce rôle, soit par des baux par lui passés, ou enfin par des transactions ou autres actes constatant sa propriété ou son usufruit;

Attendu qu'une société civile constitue tant qu'elle dure une personne civile distincte de la personne des individus qui composent cette société ; Attendu que la société particulière de biens formée le 14 mars 1834 par Joyez, Delahaye, Dumetz et Crevecoeur étant devenue, comme personne morale, propriétaire des immeubles apportés par chacun d'eux ou acquis au cours de cette société, ces immeubles ont continué à appartenir à cet être moral aussi longtemps que la société aura existé ;

Attendu que si elle a pris fin les membres qui la composaient au jour de sa dissolution sont devenus alors propriétaires à titre individuel de ces immeubles en vertu de l'art. 7 de l'acte du 14 mars 1834, portant qu'à l'expiration des 25 années pendant lesquelles elle devait durer, les biens meubles et immeubles de la société appartiendraient aux associés survivants pour être partagés entre eux par égale portion, et en vertu de l'art. 7 de l'acte du 1er octobre 1861 portant pareillement qu'à l'époque de la dissolution tous les sociétaires alors existants se partageraient également l'actif et supporteraient le passif dans la même proportion;

Qu'alors se sera opérée au profit et sur la tête de ces associés survivants une mutation de propriété dont l'acte qui la constate, s'il en existe un, devait être soumis à l'enregistrement dans les trois mois de sa date ou qui,

à défaut d'acte, devait faire l'objet d'une déclaration à la Régie sous peine d'un droit en sus (art. 22 et 38 de la loi du 22 frimaire an VII, et art. 4 de la loi du 27 ventôse an IX);

Attendu que ces principes ne sont pas contestés par Depotter, mais qu'il soutient que jamais la société qui a fait l'objet des actes des 14 mars 1834, 1er octobre 1861, 22 mars 1871, 13 avril 1880, n'a été dissoute, qu'elle subsiste toujours aujourd'hui sous l'empire de l'acte passé devant Allègre, le 8 septembre 1881, qui lui a conservé sa dénomination, son objet, et qui n'a eu pour but que d'adjoindre aux membres anciens de cette société toujours existants, de nouveaux membres pour augmenter les ressources de ladite société ;

Attendu qu'il y a lieu de rechercher dans l'examen et la comparaison des divers actes si cette prétention de Depotter est exacte;

Attendu que la société du 14 mars 1834 formée entre quatre prêtres qui voulaient mettre en commun leurs aptitudes, leurs connaissances, leurs biens, pour former des jeunes gens à la religion et à la vertu, constituait une étroite association de personnes dans laquelle l'unanimité de ceux qui la composaient ne pouvait faire entrer que des sous-diacres âgés d'au moins trente années n'ayant aucun héritier à réserve, en nombre limité à neuf au maximum ;

Que la part des prédécédés dans le fonds social devait accroître à ce fonds et appartenir en toute propriété aux associés survivants au jour de la dissolution;

Que cette société exempte de toute idée de lucre pour ceux qui la composaient ne devait leur procurer aucun bénéfice puisque ces bénéfices entraient eux-mêmes dans l'actif social et devaient recevoir l'emploi que décideraient les membres de la société dans leur réunion trimestrielle ;

Que chacun de ces membres pouvait sous certaines conditions être exclu, et pèrdait son apport et son droit de survie sans pouvoir demander aucun compte ;

Attendu que ce caractère d'association de personnes a été sévèrement maintenu par l'acte du 1er octobre 1861 qui rappelle notamment l'interdiction pour chacun des membres de céder sa part ou de s'associer une tierce personne et qui, rappelant aussi la faculté pour la société de s'adjoindre de nouveaux membres, les qualifie de collaborateurs ;

Attendu que l'acte du 13 avril 1880 vient à son tour spécifier que l'association a toujours été régie par les statuts du 14 mars 1834 qui, dans leur esprit comme dans leur texte, interdisent de donner aux associés aucune part de dividende ou d'intérêts, qu'il demeure défendu d'en donner ou recevoir, et que tous ces profits sans exception doivent être employés à l'amélioration ou au développement des maisons d'éducation de la société dont l'actif sera partagé également entre les associés existant à l'époque de la dissolution;

Attendu que très certainement donc jusqu'à cette date du 13 avril 1880, la société de 1834 avait gardé son caractère d'association de personnes;

Attendu que si l'on consulte maintenant l'acte passé devant Allègre, le 8 septembre 1881, il devient manifeste qu'entre ces deux dates la société ancienne a cessé d'exister pour céder la place à une société nouvelle qui va revêtir des caractères tout à fait différents;

Attendu qu'à cette date comparaissent les 5 signataires de l'acte du 13 avril 1880, tous prêtres, et à côté d'eux 10 personnes étrangères au sacerdoce, propriétaires, notaire, industriels, receveur de rentes, banquier ;

Attendu que dans l'article 1er intitulé « formation de la société », on lit: « Il est formé entre les soussignés une société civile ayant pour but

la fondation et l'exploitation d'un ou plusieurs établissements d'éducation primaire et secondaire.

Dans l'art. 2, la société prend le nom de Société civile de Saint-Bertin.

Dans l'art. 4, la société est formée ponr 30 années à partir du 1er septembre 1881.

Le capital social est fixé à 702,000 francs.

Les nouveaux membres apportent en argent ensemble 12.000 francs. Les 5 membres de l'ancienne société apportent les immeubles ayant appartenu à cette ancienne société estimés 690,000 francs.

Le capital social est divisé en 702 parts de 1,000 francs chacune.

Les anciens membres de l'ancienne société de 1834 reçoivent chacun 138 actions.

Les bénéfices et pertes se répartissent également entre chaque action, sans que les associés puissent être tenus aux pertes au delà du montant de leur mise.

Après chaque inventaire, les fonds en caisse seront répartis à titre de dividende.

La société sera administrée par trois mandataires que l'assemblée générale choisira parmi les associés et qui pourront se substituer un mandataire étranger à la société.

Le décès ou le changement d'état d'un des associés sera sans influence sur la société, laquelle continuera soit avec ses ayants droit, soit avec tout porteur d'action jusqu'à la date fixée pour son expiration.

Le droit d'accroissement au profit des survivants a disparu. Chacun des cinq membres de l'ancienne société est propriétaire de 138 actions dont il peut disposer quand et au profit de qui il l'entendra >> » ;

Attendu que cet acte notarié du 8 septembre 1881, aussi bien dans son texte précis que dans ses diverses stipulations, montre aussi à l'évidence que l'ancienne société de personnes de 1834 a été dissoute et qu'à cette société il a été substitué une société de capitaux absolument distincte et nouvelle ;

Attendu que dans ce même acte du 8 septembre 1881, Marin, Bracquart, Depotter, Lassé, Fanet déclarent que les immeubles par eux apportés leur appartiennent conjointement et indivisément en vertu des quatre actes sous seings privés des 14 mars 1834, 1er octobre 1861, 22 mars 1871, 7 janvier 1876, ces deux derniers actes enregistrés, savoir: celui du 22 mars 1871, le 1er avril de la même année, fo 21, c. 9,et celui du 7 janvier 1876, le 10 du même mois, fo 19, c. 9;

Attendu que le fait d'apporter dans une société nouvelle des immeubles qui appartenaient à une précédente société dont la durée conventionnelle n'est point expirée implique nécessairement la dissolution anticipée de cette société par un accord intervenu entre ses membres ;

Attendu que la société du 14 mars 1834, prorogée jusqu'au 1er octobre 1885 par l'acte du 1er octobre 1861, a donc été dissoute préalablement à la constitution de la société du 8 septembre 1881;

Attendu que Marin, Bracquart, Depotter, Lassé et Fanet sont ainsi devenus propriétaires, conjoints et indivis, des immeubles apportés par eux dans la nouvelle société en vertu du droit d'accroissement écrit dans les art. 6 et 7 de l'acte du 14 mars 1834 et dans les art. 2 et 7 de l'acte du 1er octobre 1861;

Attendu que la dissolution de la société constituait une condition suspensive à laquelle était soumise l'ouverture de ce droit d'accroissement au profit des associés survivants;

Attendu que les associés survivants étaient tenus de faire à l'administra

tion de l'Enregistrement, sous peine d'encourir le droit en sus, dans les trois mois de l'accomplissement de cette condition, la déclaration exigée par les art. 22 et 38 de la loi du 22 frimaire an VII, et 4 de la loi du 27 ventôse an IX, et d'acquitter le droit de mutation immobilière à titre onéreux; Attendu que Depotter, dans son opposition à contrainte, soutient subsidiairement que l'action dirigée contre lui par la Régie, en supposant qu'elle ait jamais pu être fondée, se trouverait éteinte par la prescription de deux ans édictée par l'art. 61 de la loi du 22 frimaire an VII ainsi conçu : « Il y a prescription pour la demande des droits, savoir: après deux années à compter du jour de l'enregistrement s'il s'agit d'un droit non perçu sur une disposition particulière dans un acte, ou d'un supplément de perception insuffisamment faite ou d'une fausse évaluation dans une déclaration et pour la constater par une expertise » ;

Attendu qu'à côté de ce texte, il y a lieu de placer celui de l'art. 14 de la loi du 16 juin 1824:

« La prescription de deux ans établie par l'art. 61 § 1er de la loi du 12 décembre 1798, s'applique tant aux amendes de contravention aux dispositions de ladite loi, qu'aux amendes pour contravention aux lois sur le timbre et sur les ventes de meubles. Elle court du jour où les préposés auront été mis à même de constater les contraventions au vu de chaque acte soumis à l'enregistrement, ou du jour de la présentation des répertoires à leur visa. Dans tous les cas la prescription pour le recouvrement des droits simples d'enregistrement et des droits de timbre qui auraient été dus indépendamment des amendes, restera réglée par les lois existantes »> ;

Attendu qu'il y a donc lieu, pour la solution de la question de prescription soulevée par Depotter, de distinguer le droit simple et le droit en sus ; Attendu que le droit simple ou principal réclamé par la Régie sur une mutation dont aucun acte enregistré ne formait le titre, et qui était la conséquence de la dissolution de la société de 1834, c'est-à-dire de l'accomplissement de la condition suspensive faisant passer sur la tête des associés survivants la propriété des biens ayant appartenu jusques alors à l'être moral, société, ne pouvait être atteint que par la prescription de 30 ans ;

Attendu, au contraire, que le droit en sus constitue une amende soumise à la prescription de deux ans, mais qu'il reste à déterminer à partir de quelle époque cette prescription commence à courir ;

Attendu qu'aux termes de l'art. 14 de la loi du 16 juin 1824, les deux années ne courent que du jour où les préposés ont été mis à même, au vu d'un acte soumis à leur enregistrement ou d'un répertoire présenté au visa, de constater la contravention d'une manière complète, et que, dès lors, elle ne court pas tant que l'Administration n'a que de simples indices qui la mettent seulement à portée de soupçonner cette contravention, de la rechercher et de la découvrir à l'aide d'autres actes et de rapprochements ultérieurs ;

Attendu qu'à tort, Depotter dans son mémoire du 5 novembre 1895 prétend-il que c'est l'acte du 8 septembre 1881 qui a opéré la mutation parce que si cet acte n'avait pas existé la réclamation actuelle de la Régie n'aurait pas pu se produire ;

Attendu que ce n'est pas l'acte du 8 septembre 1881 qui a opéré la mutation mais bien l'événement de la condition suspensive écrite dans les actes des 14 mars 1834 et 1er octobre 1861 qui, au jour de la dissolution de la société, rendait les associés survivants propriétaires de tout l'actif de ladite société ;

Attendu que dans l'acte du 8 septembre 1881, on s'est bien gardé de parler de ce droit d'accroissement et de cette dissolution; que l'on s'est borné à dire que Marin, Bracquart, Depotter, Lassé, Fanet étaient propriétaires

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