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sonnel, ce droit ne pouvait lui être enlevé que par une disposition formelle de la justice et non par l'accord des deux parties. La cour de Lyon a reconnu que l'avoué ne pouvait être reçu comme partie intervenante à l'instance, mais elle a admis par contre que la transaction, conclue en dehors de lui et pour le frustrer de ses droits, n'avait pu avoir d'effet qu'entre les parties et ne pouvait lui être opposée.

◄ Considérant, a-t-elle dit, que l'avoué qui a obtenu à son profit une distraction de dépens ne devient pas pour cela partie dans la cause; que son action est suspendue par l'appel du jugement qui l'a prononcée ; qu'elle est subordonnée au sort de cet appel; qu'elle peut être anéantie par l'infirmation du jugement prononcé avec le client, sans que l'avoué puisse faire revivre l'instance d'appel par la tierce opposition et que, dès lors, à la forme de l'art. 496, il ne peut être reçu intervenant; considérant néanmoins que la transaction du 25 mai 1831 n'a réellement eu pour objet que de frustrer les droits acquis à Me Y... par les dispositions du jugement de première instance; considérant que l'effet de ladite transaction, en ce qui concerne les dépens, ne peut être que de donner à Ch... le droit de répéter un jour contre sa femme, ou contre la succession de celle-ci, le montant desdits dépens, mais ne peut le dégager de la condamnation portée contre lui au profit de Me Y..., qui n'est point partie en ladite transaction, lequel, s'il n'est recevable comme intervenant, conserve le droit d'agir contre les deux parties par action principale ; Rejette l'intervention, réserve à Me Y... tous ses droits pour agir directement et solidairement contre les époux Ch... (Dall., Jur. gén., Vo Frais et dépens, no 142, p. 99, note 1).

X. - Le tribunal de la Seine semble, il est vrai,avoir admis que la distraction prononcée conformément à l'art. 133, C. proc. civ., autorise simplement l'avoué qui en a obtenu le bénéfice à agir en vertu de l'art. 1166, C. civ., c'est-à-dire du chef de son client. Mais cette doctrine est aujourd'hui condamnée. Quelle qu'en soit du reste la valeur, elle ne saurait, en tous cas, comme l'a justement reconnu le jugement attaqué, être étendue à l'Administration créancière de dépens en vertu de l'art. 18 de la loi du 22 janvier 1851. Les termes dans lesquels cette disposition est conçue impliquent nettement que le Trésor tient du jugement une action directe et personnelle contre la partie perdante. D'ailleurs la condamnation aux dépens prononcée contre l'adversaire de l'assisté ne laisse subsister, à la charge de ce dernier, aucune obligation en ce qui concerne la dette des dépens. L'assisté se trouve, par suite de cette condamnation, entièrement dispensé du payement des avances faites par le Trésor, des émoluments et honoraires revenant aux officiers ministériels, des droits d'enregistrement afférents aux actes de la procédure, ainsi qu'aux actes et titres non assujettis à l'enregistrement dans un délai déterminé. Il est, par conséquent, inadmissible que l'Administration, lorsqu'elle procède au recouvrement de ces dépens, agisse du chef de l'assisté, puisqu'elle n'en est pas créancière. L'action qui lui est donnée par la loi contre l'adversaire de l'assisté ne peut être, dès lors, qu'une action directe et personnelle.

Il suit de là que le sort de son action ne saurait être compromis par des actes de disposition émanés de l'assisté et auxquels elle n'aurait pas figuré. XI. — C'est vainement aussi que le pourvoi essaie de tirer argument en faveur de sa thèse des travaux préparatoires de la loi du 22 janvier 1851. L'art. 11 du projet du Gouvernement contenait, sans doute, un alinéa final portant « qu'après l'ouverture de l'instance, dans le cas de transaction ou de désistement, tous les frais déjà faits deviendraient exigibles », et cet alinéa a été supprimé sur cette observation de M. de Vatimesnil qu'une pareille disposition serait contraire à l'équité et à l'intérêt public. Mais de

cette suppression résulte-t-il, comme le soutient le pourvoi, que les frais exposés ou avancés pour le compte de l'assisté ne seront pas dus par son adversaire, lorsqu'il sera intervenu contre ce dernier, antérieurement à la transaction ou au désistement, un jugement de condamnation ? Nullement. La partie du projet dont il s'agit dépendait d'un ensemble de dispositions destinées à régler exclusivement les rapports de l'assisté et du Trésor dans la phase antérieure au jugement, et elle devait être entendue en ce sens que l'assisté qui transigerait ou se désisterait avant qu'une condamnation fût intervenue deviendrait de plano débiteur des droits et frais déjà faits. La place occupée par l'art. 11 (devenu l'art. 14) dans la loi démontre nettement que telle était bien la pensée du Gouvernement. Cette interprétation se trouve, d'ailleurs, confirmée par ce fait que M. de Vatimesnil a justifié la suppression de la disposition projetée en faisant remarquer qu'elle aurait pour résultat d'empêcher l'assisté de transiger ou de se désister, ce qui était contraire à la fois à l'équité et à l'intérêt public. Si le Gouvernement avait entendu viser également l'adversaire de l'assisté, M. de Vatimesnil n'aurait certainement pas manqué de le mentionner dans ses observations. De la suppression de la disposition dont il s'agit il ne résulte donc qu'une chose: c'est que l'assisté qui transige ou se désiste avant tout jugement n'est pas tenu, envers le Trésor, des dépens exposés pour son compte. Mais on n'en saurait induire que la transaction conclue après le jugement entre les parties en cause, ou le désistement de la partie gagnante au bénéfice du jugement, aient pour résultat d'anéantir les effets de la condamnation aux dépens prononcée contre l'adversaire de l'assisté au profit de l'administration de l'Enregistrement, car ce n'est pas là la situation que le Gouvernement se proposait de régler dans l'alinéa final de l'art. 11 du projet.

XII. — Enfinle demandeur n'est pas mieux inspiré lorsqu'il soutient que l'Administration peut, comme l'avoué, exercer l'action de l'art. 1167, C. civ., c'est-à-dire demander, en cas de concert frauduleux des parties, l'annulation, du chef de l'assisté, de la transaction conclue hors de sa présence. Pour que l'Administration pût exercer une action de ce genre, il faudrait qu'elle fût restée créancière de l'assisté malgré la condamnation aux dépens prononcée contre l'adversaire de celui-ci. Or il n'en est pas ainsi (V. suprà, § X). Il est donc certain que l'Administration se trouverait complètement désarmée si, comme le soutient le pourvoi, la transaction conclue entre les parties litigantes était susceptible d'éteindre l'action que le jugement de condamnation lui confère contre l'adversaire de l'assisté d'après l'art. 18 de la loi du 22 janvier 1851. Un pareil résultat suffit manifestement à faire condamner la thèse du pourvoi.

Ces considérations ont prévalu. La Chambre civile a, par un arrêt du 23 octobre 1900, rejeté, dans les termes suivants, le pourvoi de M. Hugo Oberndorffer.

La Cour,

Sur le moyen unique du pourvoi :

Attendu qu'aux termes de l'art. 18 de la loi du 22 janvier 1851 sur l'assis tance judiciaire, lorsque l'adversaire de l'assisté est condamné aux dépens << la condamnation est prononcée et l'exécutoire délivré au nom de l'administration de l'Enregistrement qui en poursuit le recouvrement comme en matière d'enregistrement » ;

Attendu qu'ainsi, l'Administration est directement investie d'un droit propre qu'elle tient de la loi, et auquel, dès lors, ne saurait porter atteinte

une convention ultérieure conclue, en dehors d'elle, par l'assisté et la partie adverse;

Attendu, en fait, que Hugo Oberndorffer, succombant dans une instance introduite à la requête du liquidateur de la Compagnie du canal de Panama et du mandataire judiciaire des porteurs d'obligations de cette société, a été condamné par jugement du tribunal civil de la Seine aux dépens envers le Trésor public, conformément aux dispositions combinées de l'art. 18 précité et de l'art. 4 de la loi du 1er juillet 1893;

Attendu qu'à la contrainte décernée contre lui il a formé opposition en excipant d'une transaction qui, intervenue après le jugement, par lui frappé d'appel, éteignait l'instance et mettait à la charge de chacune des parties les frais exposés par elle;

Mais attendu que cette transaction, ne peut être opposée à la Régie qui y est demeurée étrangère; d'où il suit, qu'en déboutant le demandeur de son opposition, le jugement attaqué, qui d'ailleurs est motivé, loin de violer les dispositions légales visées au pourvoi, en a fait, au contraire, une juste application;

Par ces motifs,

Rejette le pourvoi formé contre le jugement rendu par le tribunal civil de la Seine le 26 juin 1897.

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1

Observations. Cette décision, la première que la Cour ait eu jusqu'ici l'occasion de rendre sur la question,confirme la D. M. F. du 29 avril 1853,transmise par l'Instruction 1971, ainsi que la jurisprudence des tribunaux secondaires rappelée au T. A., Vo Assistance judiciaire, no 39. On peut la rapprocher de nos observations sous le jugement de la Seine du 19 mai 1893 (R. E. 505).

M. Simon (Traité de l'assist. judic., p. 211 et 212) reconnaît que si la décision rendue au profit de l'assisté est en dernier ressort ou si, étant en premier ressort, elle n'a pas été frappée d'appel, cette décision confère à la Régie un droit acquis qui ne peut lui être enlevé par une convention à laquelle elle est étrangère, notamment par une transaction. Le même auteur accepte également cette doctrine au cas où il y a eu appel et où l'appelant ne suit pas sur cet appel, mais il enseigne qu'il en est différemment si, en appel, il intervient non un abandon pur et simple, mais une véritable transaction. La raison qu'il en donne est que par l'appel le droit de la Régie est suspendu et que la transaction a pour effet de l'anéantir tout comme ferait un arrêt infirmatif.

Cette assimilation entre les deux situations ne nous paraît pas exacte et la Régie a, selon nous, victorieusement réfuté dans son mémoire (alinéas VI à X) les arguments par lesquels on s'est efforcé de l'étayer.

Toutefois, il nous paraîtrait excessif d'adopter le système diamé-, tralement opposé et d'attribuer au jugement frappé d'appel, en ce, qui concerne la créance du Trésor contre l'adversaire de l'assisté, la même valeur qu'à un jugement passé en force de chose jugée.

L'appel a pour effet de suspendre à l'égard de tous, même de la

Régie la force exécutoire du jugement. Celle-ci n'y puise qu'un titre, suffisant, il est vrai, pour procéder à une saisie-arrêt ou à toute autre mesure conservatoire, mais qui peut être discuté.

D'autre part, les arrangements pris par les parties dans un contrat privé ne peuvent de plano être opposés à la Régie qui y est restée étrangère.

Nous pensons, en conséquence, que dans les espèces semblables à celle sur laquelle la Cour vient de statuer, l'administration de l'Enregistrement ne peut procéder directement par voie d'exécutoire, en vertu du seul jugement frappé d'appel, contre l'adversaire de l'assisté. Elle doit décerner à celui-ci une contrainte fondée sur le titre qui résulte du jugement. S'il est fait opposition à cette contrainte, l'instance suivra son cours devant le tribunal civil comme dans les affaires ordinaires d'enregistrement (art. 18, 1er alinéa, L. 22 janvier 1851), et le redevable sera admis à discuter au fond le titre que la Régie prétend tirer du jugement frappé d'appel et à démontrer que cette décision n'eût pas été maintenue par le second degré de juridiction ou du moins qu'elle eût subi des modifications équivalentes à celles que la transaction y a apportées.

Annoter: T. A., Vo Assistance judiciaire, n° 39.

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- Paiement à un bureau incompétent.

I. Lorsque le paiement du prix d'un marché administratif incombe partie au Trésor public, partie à une commune (sous forme de subvention), le droit de 1 0/0 est dû sur cette dernière partie du prix et le droit de 0 fr. 20 0/0 (ancien droit gradue) sur la première partie seulement.

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11. Les art. 26 et 37 de la loi du 22 frimaire an VII et 6 de la loi du 27 ventose an IX attribuent, pour l'enregistrement des actes émanés des autorités administratives, compétence exclusive au bureau de l'arrondissement dans lequel les fonctionnaires qui les ont reçus exercent leurs fonctions.

La formalité de l'enregistrement ne peut être considérée comme accomplie dès lors qu'elle a eu lieu dans un bureau incompétent. Par suite, le paiement des droits effectué dans ces conditions n'est ni libératoire, ni de

nature à prévenir l'application des peines édictées par la loi pour défaut d'enregistrement dans le délai légal.

III. La consignation, dans le délai légal,du montant des droits d'enregistrement d'un acte administratif entre les mains du fonctionnaire qui l'a reçu, équivaut au paiement de ces droits au bureau compétent: Mais il n'en est pas de même du paiement des mêmes droits fait à un bureau incompétent.

Cass. civ., 13 novembre 1900. (Enregistrement c. consorts Pignot.)

MM. Maillet, rapp.; Desjardins, av. gén. ; Mes Moutard-Martin et Barry, av.

Contrà: Dôle, 24 mai 1894.

Faits. Le 29 mars 1889, le sous-intendant militaire en résidence à Dôle a procédé dans l'une des salles de la mairie de cette ville, avec le concours du maire, à l'adjudication des travaux à exécuter dans la place de Dôle, pendant les exercices 1889 et 1890, pour l'installation d'un régiment de cavalerie. M. Denis- Sylvain Pignot á été déclaré adjudicataire sous la caution solidaire de M. Sylvain Pignot, et procès-verbal en a été dressé en double minute, dont l'une a été immédiatement remise au maire de Dôle pour être déposée dans les archives de la mairie de cette ville, et l'autre est restée entre les mains du sous-intendant militaire.

Le Ministre de la guerre a approuvé le procès-verbal par une décision du 6 avril suivant qui a été notifiée, le 15 mai, aux autorités locales.

Le 1er juin, MM. Pignot ont présenté cet acte à la formalité de l'enregistrement à l'un des bureaux de Besançon, en évaluant provisoirement à 300,000 fr. l'importance totale du marché ; le receveur l'a enregistré moyennant le payement du droit fixe gradué de 1 0/00 auquel l'art. 1er no 9 de la loi du 28 février 1872, alors én vigueur, assujettissait les «< adjudications et marchés pour constructions, réparations, entretien, approvisionnements et fournitures dont le prix doit être payé directement par le Trésor public, et les cautionnements relatifs à ces adjudications et marchés ».

Il a été perçu, en conséquence: 1° pour le marché, sur 300,000 fr...

2o pour le cautionnement, sur la même somme.

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300 fr. 300 fr.

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Ultérieurement, l'Administration a reconnu que la formalité accomplie au bureau de Besancon ne remplissait pas le vœu de la loi. Il résulte, en effet, de l'art. 27 de la loi du 22 frimaire an VII,

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