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CODE MANUEL

DE

L'ENREGISTREMENT, DU TIMBRE ET DES HYPOTHÈQUES

COMPRENANT

les lois relatives à l'impôt sur le revenu,
aux amendes de procédure civile et au notariat

PAR

Édouard MAGUERO

Docteur en droit

Sous-chef à la Direction générale de l'Enregistrement et des Domaines.

QUATRIÈME ÉDITION

contenant le texte de toutes les lois et de tous les décrets promulgués jusqu'au 15 avril 1901.

L'édition nouvelle du Code de l'Enregistrement constitue une refonte complète de cet ouvrage. Non seulement le recueil actuel est mis au courant, dans toutes ses parties, de la législation jusqu'au 15 avril 1901, mais encore il comprend les travaux préparatoires des lois les plus importantes.

Tous les textes ont été soigneusement revus et collationnés à l'aide des documents originaux et notamment du Bulletin des Lois.

De plus, l'auteur a ajouté au Code proprement dit, sous forme de dictionnaire succinct, un manuel de perception (d'une étendue de 400 pages environ), dans lequel il s'est efforcé de condenser toute la substance de son Traité alphabétique de l'Enregistrement et qui sera pour les praticiens ainsi que pour les agents de perception et de contrôle un véritable vade mecum.

Le Code contient le texte de la loi du 25 février 1901 sur les successions, ainsi que de longs extraits des travaux préparatoires de cette loi; le Manuel donne sous les mots Usufruit, Vente, Succession, etc., le commentaire des dispositions nouvelles.

1 vol. in-8°, d'environ 1200 pages.

Prix net, broché. . . . 12 fr. 50; relié. . . . . 14 fr. 50.

N.-B. L'ouvrage est envoyé franco, par retour du courrier, contre toute demande accompagnée d'un mandat-poste et adressée au Directeur de la Revue de l'Enregistrement.

Succession.

Art. 2703.

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Déduction des dettes. Contribution.
Obligation.

Parmi les difficultés que soulèvera dans la pratique l'application du principe nouveau de la déduction des dettes, il en est une qui m'est signalée comme particulièrement délicate et méritant d'être élucidée sans retard, c'est celle qui tient à la circonstance que, dans des cas divers, une personne peut être obligée de payer une dette au delà de sa part contributive.

Cette circonstance peut se présenter soit dans les rapports des héritiers entre eux ou d'un légataire vis-à-vis des héritiers, soit à l'occasion d'une dette du défunt lui-même.

I. Je suppose, tout d'abord, qu'un héritier est obligé de payer une dette du défunt au delà de sa part virile,et je me demande s'il pourra obtenir la déduction totale de la dette qu'il a acquittée, ou seulement la déduction de sa part contributive dans la dette.

Soit une succession comprenant un actif brut de 100.000 fr. et une dette hypothécaire de 40.000 fr. Les héritiers sont au nombre de deux. Primus reçoit dans son lot l'immeuble hypothéqué, qui vaut 50.000 fr., et Secundus prend 50.000 fr.en argent ou en valeurs mobilières. La part contributive de chacun d'eux dans la dette n'est que de 20.000 fr. (1/2 de 40.000 fr.). En fait, Primus, détenteur de l'immeuble, est poursuivi hypothécairement et obligé de payer le montant total de la dette (40.000 fr.); il ne peut, d'autre part, recouvrer de Secundus les 20.000 fr. qui sont légalement à sa charge, parce que Secundus est insolvable, ce qui fait qu'il ne recueille effectivement que 10.000 fr. au lieu de 30.000. Si les droits de succession sont calculés sur 30.000 fr., il les paiera, jusqu'à concurrence de 20.000 fr., pour une somme qu'il n'a pas, en réalité, touchée. Peut-il éviter cette imposition?

Je ne le pense pas. C'est,à mon sens, la part contributive de chaque héritier qu'il faut prendre en considération pour liquider les droits, et non pas la part qu'il a été obligé de payer.

La succession comprend réellement un actif net égal à l'actif brut diminué des dettes du défunt; ainsi, dans l'exemple que j'ai donné, cet actif net s'élève à 60.000 fr., puisque le patrimoine héréditaire se composait, activement, d'un immeuble de 50.000 fr., et de 50.000 fr. en argent ou en valeurs mobilières, et, passivement, d'une dette de 40.000 fr. Or,l'idée dominante de la loi,c'est que l'impôt soit prélevé sur l'ensemble de l'actif net. L'Etat ne peut prétendre à plus, mais il ne peut être contraint de percevoir moins. Il ne peut pas se refuser à déduire des valeurs brutes recueillies par Secundus la

part contributive de celui-ci dans la dette héréditaire (20.000 fr.), et c'est sur le reste, c'est-à-dire sur 30.000 fr. seulement, que les droits dus par Secundus seront calculés.

Mais réciproquement, il ne peut être forcé de déduire de la part successorale échue à Primus plus que la part virile de la dette du défunt à la charge de Primus, car s'il devait déduire cette dette en entier, la déduction dépasserait le montant de la dette totale du défunt elle porterait sur 60.000 fr. (20.000 fr. pour la part de Secundus, 40.000 fr. pour celle de Primus), alors que la dette du défunt n'était que de 40.000 fr. On arriverait donc à ce résultat qu'en présence d'une mutation nette de 60,000 fr., l'impôt ne serait perçu que sur 40.000 fr., résultat manifestement contraire à la volonté du législateur.

Dira-t-on que le texte même de la loi implique qu'il faut envisager séparément la part acquise à chaque successeur? Sans doute, mais il ne dit pas quelle est cette part, et le principe que je viens d'exposer conduit nécessairement à décider qu'on ne peut faire entrer en déduction de cette part que la portion virile de la dette qui incombe à chaque héritier.

Au reste, chacun des héritiers acquiert réellement un actif net égal à l'actif brut réduit de la part contributive qu'il doit supporter dans la dette. Ainsi, pour conserver l'exemple déjà fourni, Primus et Secundus, cohéritiers d'une succession qui comprend 100.000 fr. d'actif et 40.000 fr. de dettes, acquièrent l'un et l'autre 30.000 fr. Primus, sans doute, a été obligé ultérieurement, sur les poursuites d'un créancier hypothécaire, de faire l'avance de la part de Secundus et il a déboursé 40.000 fr., mais ce débours, il l'a fait non point tant à titre d'héritier qu'à titre de tiers détenteur. Sa qualité d'héritier n'a été que la cause occasionnelle, non la cause efficiente de l'obligation in rem d'acquitter toute la dette. Il est vrai que Secundus étant insolvable, il ne peut pas récupérer ce qu'il a payé à sa décharge, mais cette insolvabilité de Secundus n'est qu'un accident postérieur à la mutation par décès et qui ne peut modifier l'étendue de cette mutation. La loi a prescrit que l'impôt serait calculé sur l'actif net, mais sur l'actif net tel qu'il se comporte au moment du décès. Il ne serait pas admissible que l'Etat eùt à souffrir de l'insolvabilité de tel ou tel héritier, et rien, ni dans le texte, ni dans les travaux préparatoires de la loi ne permet de justifier, ni même de colorer, une pareille solution.

II. — Je viens de raisonner dans l'hypothèse où c'est un héritier qui est poursuivi hypothécairement.

Si, au lieu d'un héritier, nous supposons un légataire à titre particulier d'un immeuble bypothéqué, la même question se posera, avec une réserve, cependant, dérivant du principe supérieur qu'un

légataire ne peut jamais acquérir au delà de l'actif net délaissé par le défunt: bona non intelliguntur nisi deducto ære alieno.

Dans le cas, par exemple, du legs d'un immeuble de 100.000 fr. et d'une succession se composant, activement, de ce seul immeuble, et, passivement, d'une dette hypothécaire de 50.000 fr., il est manifeste que le légataire ne pourra pas être obligé de payer des droits sur plus de 50.000 fr. Il ne s'agit pas, d'ailleurs, ici, de déduire une dette pour laquelle il peut être poursuivi, mais de déterminer le chiffre de son émolument, l'importance de la mutation qui s'opère à son profit.

A l'inverse, la question de la déduction de la dette hypothécaire s'élèvera si la succession comprend, en outre de l'immeuble, des valeurs suffisantes pour désintéresser le créancier hypothécaire, et si, d'un autre côté, le légataire a été obligé de payer la totalité de la dette, sans pouvoir, en fait, obtenir le remboursement de cette dette à raison de l'insolvabilité des héritiers. Sera-t-il admis à réclamer la déduction de la dette? Non, par les raisons déjà développées en ce qui concerne l'héritier. En effet, le légataire a acquis 100.000 fr. en vertu du legs, et s'il est dans l'impossibilité de rentrer dans les avances qu'il a faites, par suite de l'insolvabilité des héritiers, cette impossibilité découle d'une circonstance accidentelle qui ne peut modifier l'assiette de l'impôt. D'ailleurs, les héritiers ont légitimement obtenu la déduction de la dette entière et cette dette ne peut être déduite deux fois, non bis in idem.

III. On peut rapprocher des hypothèses précédentes celle où le défunt étant tenu d'une dette avec d'autres codébiteurs, a été obligé d'acquitter cette dette.

Des exemples nombreux se présentent à l'esprit.

1o Le défunt avait contracté, avec d'autres personnes, une dette solidaire ou indivisible, et, à raison de la solidarité ou de l'indivisibilité, il s'est trouvé dans l'obligation de payer le montant intégral de la dette, bien que, dans ses rapports avec ses codébiteurs, il ne fût responsable, - c'est la présomption à moins de stipulaque pour sa part virile (rapport Cordelet, p. 52,

tion contraire,

n's 2 et 3).

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2o Le défunt n'avait pas d'intérêt personnel dans la dette, mais il s'était porté caution du débiteur et il s'est vu contraint, en cette qualité, de payer la totalité de la dette.

3o Le défunt était marié sous le régime de la communauté de biens et,par le jeu des principes applicables en cette matière, il a été forcé de payer toute la dette, dont une partie incombe à son conjoint. Cela se rencontrera dans des cas nombreux.

S'agit-il du mari? Il peut être poursuivi pour la totalité des dettes par lui contractées avant le mariage ou pendant le mariage, soit

seul, soit conjointement avec sa fe mme, ainsi que pour la totalité des dettes contractées par sa femme durant la communauté, soit avec son autorisation, soit même avec l'autorisation de justice (art. 1484, C. civ.; cfr. Guillouard, Du contrat de mariage, t. III, n° 1378). Cependant ces dettes, par le fait qu'elles sont tombées dans la communauté, sont pour moitié à la charge de la femme acceptante, ou, au moins, pour une part égale à l'émolument qu'elle retire de la communauté au cas où elle a fait dresser inventaire (art. 1483, C. civ.).

S'agit-il de la femme? Elle est tenue vis-à-vis des créanciers de la totalité des dettes qu'elle avait contractées personnellement avant le mariage en tant que ces dettes sont solidaires, indivisibles ou garanties par une hypothèque portant sur un immeuble tombé dans son lot (1), encore que son mari doive, dans ses rapports avec elle, en payer la moitié.

La même situation se présente si, au lieu d'être en face de la femme, les créanciers sont en face de ses héritiers, substitués à tous ses droits.

Dans les espèces que je viens d'indiquer, et dans toutes autres semblables, y aura-t-il lieu de déduire, pour le calcul des droits de succession, la dette entière ou seulement la part de cette dette à la charge du défunt?

La question est complexe et quelques distinctions sont nécessaires si l'on veut l'examiner sous toutes ses faces.

a) Il est possible, tout d'abord, que la dette ait été payée intégralement par le défunt, avant sa mort. Dans ce cas, il ne peut venir à l'esprit d'en opérer la déduction, puisque cette dette n'existe plus au jour de l'ouverture de la succession.

Il est vrai que la solution paraît manquer d'intérêt, car si on ne déduit pas la dette, le patrimoine du de cujus a été diminué des sommes employées au paiement de cette dette, en sorte que la matière imposable est réduite d'autant.

On observera, toutefois, que le défunt, en acquittant pour le tout une dette dont il n'était tenu que pour moitié (ou pour une fraction quelconque), a acquis une créance équivalente contre ses codébiteurs, laquelle créance a grossi son patrimoine. Soit une dette solidaire de 100,000 fr. contractée par Primus, le de cujus, et Secundus. Primus a payé la dette entière et son patrimoine s'est trouvé du même coup appauvri de 100,000 fr.; mais il a, d'un autre côté, acquis contre Secundus une créance égale à la part que doit supporter

(1) Quant aux autres dettes, elle n'est soumise à l'action des créanciers que pour moitié ou même pour moins encore si la moitié de la dette est supérieure à l'émolument qu'elle retire de la com

munauté.

La confection de l'inventaire est-elle nécessaire pour limiter le droit de poursuite à la moitié de la dette? c'est une question controversée, mais on tient généralement pour la négative (cfr. Guillouard, loc. cit., no 1383).

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