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Qu'aucune opposition n'a été formée à l'exécution de cette contrainte ; que, suivant exploit de Chavent, huissier à Saint-Genis-Laval, en date du 10 octobre 1898, enregistré, la Régie a assigné directement devant le tribunal, en la personne seule du sieur Religieux, l'association religieuse tontinière dérivant, suivant elle, de l'acquisition précitée ; qu'un jugement du 8 décembre 1898 a condamné par défaut les trois acquéreurs, 1o à souscrire dans la quinzaine, au bureau du Nouvion les déclarations utiles en vue de la liquidation des taxes exigibles et à acquitter les dites taxes, outre les pénalités encourues, à raison de 100 francs chacune; 2o ou, faute de ce faire dans le dit délai, à payer les taxes et pénalités réclamées que le tribunal a fixées par erreur à 943 fr. 47 seulement au lieu de 2.068 fr. 47, omettant de reproduire la condamnation aux amendes encourues en matière de taxe sur le revenu, qu'il venait de prononcer sous la première forme de son dispositif; que, suivant jugement de défaut du 23 mars 1899, le tribunal a déclaré commun à Lesobre et Planchet le premier jugement rendu contre Religieux seul et a prononcé contre tous trois les précédentes condamnations en réparant l'omission matérielle relative aux amendes ;

Attendu que Religieux étant décédé le 10 janvier 1899, Lesobre et Planchet seuls ont formé opposition aux dits jugements et assigné la Régie devant le tribunal en nullité des jugements et de la contrainte et ce, suivant exploit de Watteau, huissier à La Chapelle, en date du 2 juin 1899; que les noyens des parties ont été développés dans des mémoires respectivement signifiés par la Régie, les 10 octobre 1898, 30 décembre 1899 et 13 juin 1900 et par les opposants, les 2 juin 1899 et 1er mars 1900; qu'il échet de les examiner;

I. Sur la compétence: Attendu que les défendeurs soutiennent tout d'abord qu'à supposer l'existence d'une association religieuse, seul le bureau de l'enregistrement du siège du domicile de cette association aurait qualité pour décerner contrainte et le tribunal de ce même domicile serait seul compétent pour connaître de l'instance; qu'en effet cette association, ne jouissant pas de la personnalité civile, n'aurait aucun siège légal: son siège devrait être réputé au domicile des associés, lequel est établi dans les ressorts des tribunaux de Lyon et de Lille, ce qui permettait tout au plus à la Régie de poursuivre l'association à son choix devant l'un ou l'autre de ces tribunaux, mais nullement devant le tribunal de Vervins;

Mais attendu que les sociétés et associations de fait ont leur siège au lieu de leur principal établissement qui, en l'espèce, ne peut être que le lieu de la situation de l'immeuble acquis; qu'il est contraire au texte et à l'esprit de la loi (décret du 6 décembre 1872, art. 1er, et loi du 16 avril 1895 art. 4) de fixer le siège de l'association au domicile des associés parce que cela revient à u'en reconnaître aucun qui soit indépendant de celui des associés et qu'il est arbitraire, pour éviter ce résultat manifestement illégal, de laisser à l'Administration option entre le domicile de l'un quelconque des associés comme le concèdent les défendeurs ;

Que ceux-ci objectent en vain qu'ils n'avaient aucune fonction au Nouvion et n'exploitaient pas ledit immeuble qu'il suffit de constater que leur association y poursuit son but d'enseignement religieux par l'entremise de ia congrégation occupante, dont ils sont membres, pour qu'il soit vrai de dire que l'association fonctionne dans l'immeuble. Qu'ainsi le bureau du Nouvion sera bien le bureau du siège social, où les droits doivent être acquittés et qui avait seul qualité pour décerner contrainte ce qui entraîne la compétence du tribunal de Vervins;

II.Sur le fond du droit:

Attendu que les défendeurs reconnaissent que les taxes d'accroissement et sur le revenu sont dues par le fait seul qu'il existe une «-association religieuse, autorisée ou non », sans autre condition

d'exigibilité (art. 9, loi 29 décembre 1884 modifiant les art. 3 et 4 de la loi du 28 décembre 1880; loi 16 avril 1895, art. 3, 4, 5, loi 26 décembre 1890, art. 4), mais qu'ils contestent qu'en l'espèce il y ait association et en tout cas qu'elle revête un caractère religieux;

1o Existence d'une association. Attendu que le contrat d'acquisition de 1889 a tous les caractères de la tontine définie par la Chambre des requêtes dans ses arrêts des 25 janvier 1897 et 25 juin 1900: « Une association d'une nature particulière, dans laquelle,au moment où l'association se forme et par l'effet seul de la convention, chaque associé aliène son droit de propriété au profit de la masse et du dernier survivant,en se réservant l'éventualité d'un droit de survie » ;

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Attendu que l'argumentation des défendeurs qui consiste à dire que les caractères de l'association ou de la société font défaut parce qu'il n'y a aucun rapprochement de personnes, pas d'esprit de collaboration, point d'intérêts communs et simultanés; la perte des uns devant être le profit des autres, repose sur une confusion entre la Société et l'Association; - qu'il importe peu que la tontine ne soit pas une société au sens de l'art. 1832, C. civ., si elle constitue une association, c'est-à-dire une réunion de personnes qui se lient ou s'affilient dans un but commun; qu'en dehors du gain aléatoire attaché à la survie, le but commun poursuivi par les contractants est la co-possession viagère d'un immeuble pour en recueillir les fruits et revenus ou en abandonner la jouissance gratuite à un tiers ; 2o Caractère religieux de l'association. Attendu que, pour le dénier, les défendeurs soutiennent cette thèse en principe exacte que le caractère religieux des co-acquéreurs n'est pas une circonstance de laquelle seule on puisse induire qu'en acquérant ils aient entendu former entre eux une association religieuse, alors même qu'une clause de réversion aurait été stipulée; qu'il appartient à la Régie de prouver le but religieux, impulsif et déterminant, de l'acquisition;

Attendu que l'Administration ne se dérobe pas à cette preuve et établit l'objet religieux de l'acquisition par les trois circonstances suivantes qui ne sont pas d'ailleurs contestées :

1o Dès le 2 septembre 1887, par conséquent deux ans avant la vente, Planchet, l'un des futurs acquéreurs, agissant comme membre de l'Institut des Petits Frères de Marie, a déclaré ouvrir dans l'immeuble une école primaire. Il l'a dirigée jusqu'au 1er septembre 1894 avec deux frères de son ordre, instituteurs-adjoints. Depuis l'école n'a cessé d'être tenue et est encore tenue par trois religieux ou novices de la dite congrégation;

2o Dans les déclarations déposées de mars 1889 à mars 1894 par l'Institut des Petits Frères de Marie au bureau d'enregistrement du siège social, il est fait état, pour la perception de la taxe sur le revenu, du mobilier garnissant la succursale du Nouvion;

3o Les acquéreurs de 1889 appartiennent tous trois à la Congrégation des Petits Frères de Marie.

Attendu que cet abandon gratuit de jouissance de l'immeuble pendant onze ans à une congrégation qui l'occupait déjà lors de la vente à usage d'école chrétienne et qui n'a cessé de l'occuper depuis la vente au même usage, prouve clairement que l'acquisition a été faite dans l'intérêt de la congrégation à laquelle les acquéreurs appartiennent, en vue d'affecter l'immeuble à son service; qu'il est inadmissible que les acquéreurs aient agi comme de simples particuliers, dans un intérêt personnel, étranger au but qu'ils poursuivent en commun comme religieux; qu'à la vérité, ils ont acheté parce qu'ils étaient déjà associés comme religieux, dans le but poursuivi par la congrégation religieuse dont ils font partie et pour assurer ce but, qui est l'enseignement chrétien;

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Attendu qu'en résumé l'acquisition procède d'une association et cette association, étant données son origine et sa fin, offre le caractère d'une association religieuse, et, comme telle, elle doit acquitter le droit d'accroissement ou la taxe d'abonnement qui le remplace et la taxe de 3 ou 4 0/0 sur le revenu;

III. Sur les moyens de forme: Attendu que les opposants demandent subsidiairement la rétractation du second jugement en date du 23 mars 1899 comme constituant: 1o Une voie de réformation déguisée interdite par la loi en ce qu'il a prononcé des amendes et une solidarité qui ne figuraient pas dans le premier jugement; 2o une procédure frustratoire pour partie au moins en présence des termes de l'art. 7 de la loi du 16 avril 1895; 3o comme ayant mis en cause le sieur Religieux qui était décédé ;

a) Sur le premier grief :- Attendu que ce n'est pas réformer un jugement que de rétablir la chose jugée par la réparation d'une omission dont la matérialité est évidente; que le tribunal dans son premier jugement avait bien statué sous la première forme des condamnations sur les amendes, dont il reconnaissait l'exigibilité, et que la réparation de l'oubli commis dans la seconde forme des condamnations, n'a ajouté à son jugement rien qu'il ne contint déjà au moins implicitement; que la volonté du tribunal d'adjuger toutes les conclusions de la Régie, à défaut par les redevables de faire dans la quinzaine toutes déclarations utiles, était certaine et que cette solution s'imposait pour l'harmonie des deux termes de la condamnation alternative;

Que la procédure suivie par la Régie pour aboutir au second jugement a donc été régulière, la voie de la requête civile n'étant d'ailleurs pas ouverte puisque le premier jugement avait statué sur les amendes ;

Qu'il est indifférent que le tribunal ait prononcé une solidarité dans les condamnations dont il n'était pas fait mention dans le jugement du 8 décembre 1898, car la Régie ne l'a jamais demandée dans les conclusions de ses mémoires et elle n'entend pas se prévaloir de l'erreur que le tribunal a commise sur ce point;

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b) Sur le deuxième grief :-Attendu que le second jugement était nécessaire, non seulement pour interpréter le premier, mais aussi pour le rendre opposable à Planchet et Lesobre; qu'en effet, en ce qui concerne la taxe d'accroissement, l'association avait été valablement assignée, en la personne du sieur Religieux seul, conformément à l'art. 7, § 2, de la loi du 16 avril 1895, et le jugement du 8 décembre 1898 se trouvait opposable, pour cette partie de la réclamation, à l'association tout entière, et en conséquence, à Lesobre et Planchet, pris en tant qu'associés, bien que ceux-ci n'aient pas figuré dans la procédure; Mais, qu'aucune disposition analogue à l'art.7, § 2 de la loi du 16 avril 1895 n'ayant été prise à l'égard de la taxe sur le revenu et l'association religieuse du Nouvion n'ayant pas de personnalité morale, l'assignation signifiée à M. Religieux seul était insuffisante pour mettre en cause l'association tout entière; que la Régie avait le droit, dans ces conditions, d'intenter contre les associés une nouvelle action limitée à la taxe sur le revenu; que pour éviter au tribunal de statuer à nouveau sur le fond du droit, elle a pu préférer assigner Lesobre et Planchet en déclaration de jugement commun sans léser ceux-ci, vis-à-vis desquels cette dernière procédure a tous les caractères et tous les effets d'une instance nouvelle, comme le démontre la Régie dans son mémoire du 28 décembre 1899;

c) Sur le troisième grief: Attendu que le fait d'avoir assigné l'une des parties après son décès ne peut entacher de nullité le second jugement en ce qui concerne ses co-associés qui représentent valablement l'association comme seuls membres survivants, alors qu'à leur égard la procé

dure suivie pour arriver à ce jugement a tous les caractères d'une instance nouvelle et se suffit à elle-même ;

IV. Sur la prescription. — Attendu que les opposants demandent plus subsidiairement enfin la réformation des jugements de défaut en ce que, en violation de la loi du 26 juillet 1893, ils les ont condamnés à des taxes et amendes couvertes par la prescription de cinq ans ;

Mais attendu que cette loi n'a trait qu'à la taxe sur le revenu et qu'en l'absence de toute disposition sur cet objet, le recouvrement de la taxe d'accroissement établie par la loi du 16 avril 1895, n'est soumis qu'à la prescription trentenaire (Morlaix, 26 avril 1899, J. E. 25623); qu'en fait d'ailleurs la contrainte a été délivrée moins de cinq ans après l'exigibilité de la taxe d'accroissement;

Attendu que l'art. 21 de la loi du 26 juillet 1893 a bien substitué en matière de taxe sur le revenu la prescription quinquennale à l'ancienne prescription trentenaire mais en spécifiant clairement que « toute prescription commencée avant la promulgation de la loi sera acquise dans le délai de cinq ans à partir de cette promulgation », ce qui exclut tout effet rétroactif, comme l'a formellement déclaré le rapporteur de la proposition à la Chambre de députés (J.Off., janv. 1891, no 1, 143, p. 298);

Attendu que le premier paiement, auquel étaient astreints les sieurs Religieux, Lesobre et Planchet, ayant dù être effectué dans les trois premiers mois de l'année 1890, et la contrainte ayant été décernée moins de cinq ans après la promulgation de la loi, il ne saurait être question de prescription acquise à leur profit, pas plus pour la taxe que pour les amendes dont le sort est, à cet égard, lié au droit simple (voir 2o aliéna de l'art. 21 précité et ainsi jugé, Rouen, 30 novembre 1899, J. E. 25830);

Par ces motifs...,

Observations. -- I et II. Sur les effets de l'acquisition tontinière et les signes caractéristiques de l'association religieuse, le tribunal s'est conformé à une jurisprudence aujourd'hui constante (V. Cass. req.,25 janvier 1897; R. E. 1320; Inst. 2935 § 7; S. 98.1.55; D. 97.1. 531; et 27 mars 1901; R. E. 2652).

Sa décision relative au bureau compétent pour décerner contrainte au sujet des taxes d'accroissement et sur le revenu dues par une association de fait est d'autant mieux fondée qu'en cette matière c'est la congrégation, communauté ou association qui seule est redevable du Trésor, à l'exclusion des associés considérés individuellement (Cass. req.,21 nov. 1898; R. E. 1889; S. 99.1.193; D.99.1.41). IV. Toutefois, comme c'est seulement en ce qui concerne le recouvrement de la taxe d'accroissement, que l'art. 7, § 2 L. 16 avril 1895 autorise la Régie à actionner l'un quelconque des membres de l'association de fait en paiement des droits dus par la collectivité, cette action est soumise aux règles ordinaires dès lors qu'elle tend au paiement de l'impôt sur le revenu. La contrainte doit donc être décernée ou l'assignation donnée contre le directeur ou les administateurs, mandataires légaux de la société de fait,et s'il n'en existe pas, contre chacun des associés, en tant que représentant l'association (Rapp. Lille, 2 déc. 1876; J. E. 20282; St-Etienne, 24 déc. 1883;

Inst. 2735 § 4; Seine,14 déc. 1877; J. E. 20876; R. P. 5077; — T. A., Impôt sur le revenu, 365).

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- Rappr. jugement conforme de Morlaix du 26 avril 1899 (R.

E. 2095).

Annoter: T. A.

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I, Congrégation, 71 et Taxe d'accroissement, 27; - Il, Congrégation, 98 et Taxe d'accroissement, 7 ; — III, Procédure, 276; — IV, Congrégation, 89; Impôt sur le revenu, 365 et Taxe d'accroissement, 36; V, Procédure, 52; VI, Taxe d'accroissement, 35-2; VII, Congrégation, 86.

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Art. 2708.

Congrégations non autorisées. Bureau du ressort seul compétent pour le paiement des taxes.

Chacun des établissements d'une congregation non reconnue constituant une association de fait, indépendante des autres établissements du même ordre, doit payer les diverses taxes auxquelles il est assujetti au bureau dans le ressort duquel il se trouve situé.

Solution, 18 juillet 1898.

M. le Directeur, dès qu'il s'agit d'une congrégation non reconnue, on doit admettre que chacun des établissements constitue une association de fait, indépendante des autres établissements du même ordre. Les poursuites doivent alors être dirigées contre chaque établissement séparément, par le receveur du bureau dans le ressort duquel se trouve chaque établissement actionné.

« Ces principes sont directement applicables à la congrégation non reconnue des Dominicains, dont il est question dans vos rapports des 4 et 16 juin 1898; ils ne sont, du reste, pas contestés par les intéressés qui, d'après ce que vous faites connaître, prétendent que leurs divers établissements, soumis à une règle unique au point de vue religieux, sont complètement indépendants les uns des autres en ce qui concerne les intérêts temporels. Il en résulte que c'est à vos Collègues des départements sur le territoire desquels sont situés les établissements qu'il appartient de me soumettre des propositions en vue des poursuites à exercer, le cas échéant, contre ces établissements. Je vous prie de les en informer immédiatement et de leur faire connaître que, s'il y a lieu, ils auront à m'en référer, après avoir pris, au bessoin, to utes mesures conservatoires utiles (L. 26 juillet 1893, Inst. n° 2892).

Observations.

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La règle est différente pour les congrégations reconnues, parce que celles-ci, étant douées de la personnalité civile, représentent à leur siège central tous leurs établissements.

Annoter: T. A., Congrégation, 71 et Taxe d'accroissement, 27.

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