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ciaire. Cela suffit à écarter les dispositions qui imposent aux établissements publics ordinaires une autorisation administrative à obtenir (par exemple pour ester en justice) (1) ou un contrôle financier provenant de l'Administration. Il ne sera soumis qu'aux contrôles légaux qui résulteront des lois spéciales qui lui sont applicables.

Nous admettons une classification analogue pour les diverses corporations d'officiers ministériels: chambres d'avoués, de notaires, etc. (2).

III

96. Après avoir étudié les deux distinctions les plus célèbres, nous sommes arrivés à ce résultat que la classification la plus importante à retenir était la classification en personnes morales de droit public et personnes morales de droit privé, et nous avons essayé de préciser le critérium de cette classification. Il nous reste maintenant à indiquer quelles seront dans chacune des deux branches les distinctions qui présentent une importance réelle.

I. - Parmi les personnes morales de droit public, la classification nous paraît devoir être établie comme il suit Etat, communautés territoriales (départements,

(1) Il faut toutefois appliquer l'article 910, qui s'étend à toutes les personnes morales publiques (en outre aux établissements d'utilité publique), parce que son but principal (celui d'empêcher l'accroissement de la mainmorte) est d'un caractère beaucoup plus général que le but des art. 1032, Proc., ou 2045, Cod. civ.

(2) V. pour les Chambres d'avoués, Pand. franç. Rep., vo Avoués, no 1494.

communes, provinces, etc.), établissements publics. Que l'Etat doive occuper dans cette classification une place à part, c'est ce qu'il n'y a pas lieu d'établir longuement. Mais il est plus difficile d'établir le critérium qui permet de le distinguer des autres communautés territoriales. L'Etat n'est, en effet, que la plus haute de ces communautés. Celles-ci se distinguent de toutes les autres personnes morales en deux points: 1° Elles ont un double substratum, l'un personnel, l'autre réel. Elles se composent d'une population fixée sur un territoire déterminé, et ces deux éléments leur sont aussi essentiels l'un que l'autre ; 2o Elles ont pour mission de gérer l'ensemble des intérêts collectifs de la population fixée sur ce territoire, et leur mission à ce point de vue n'est limitée que par les droits des communautés territoriales supérieures dont elles peuvent elles-mêmes faire partie, et les droits des communautés territoriales inférieures ou autres personnes morales de droit public, qui sont reconnues sur leur territoire en vertu de l'ordre juridique existant. Ces diverses communautés territoriales se sont pour la plupart formées historiquement d'une manière toute spontanée, et ce n'est que peu à peu que l'Etat s'est nettement distingué des autres communautés de même espèce. Aujourd'hui encore la distinction ne va pas sans difficulté.

97. Beaucoup d'auteurs trouvent le critérium dans l'idée de souveraineté, en entendant le mot souveraineté dans son sens traditionnel, comme exprimant le fait de n'être soumis à aucune puissance humaine supérieure (4). Cette théorie, qui diminue singulièrement

(1) C'est l'idée classique qui remonte à Bodin et qui a été accep

le nombre des communautés territoriales auxquelles la qualité d'Etat doit être reconnue, est celle de l'Etat unitaire, jaloux de sa toute-puissance, n'admettant dans son sein l'existence d'aucune communauté politique ayant des droits de puissance publique indépendants des siens. Au point de vue du droit interne, en effet, nous verrons que les communautés territoriales auxquelles la qualité d'Etat n'est pas reconnue, ne peuvent se prévaloir, visà-vis de l'Etat auquel elles appartiennent, d'aucun droit intangible dans le domaine du droit public (1). C'est l'Etat qui règle à son gré la part de puissance publique dont il leur abandonne l'exercice. La doctrine en question est donc une doctrine d'absolutisme, et comme nous avons cherché à le montrer ailleurs (2), elle a son origine dans une situation politique déterminée, celle de la tendance centralisatrice qui a caractérisé presque tous

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tée, au moins en ce qui concerne la définition de la souveraineté par la plupart des auteurs des xvire et xvIIe siècles. P. ex. Loyseau, Traité des seigneuries, ch. II, no 4 et s. V. pour son histoire: Michoud et Lapradelle, La question finlandaise dans Revue du droit public, t. XV, 1901, p. 38 et s.; Rehm, Allgemeine Staatslehre, § 10 et s. Polier et de Marans, Esquisse d'une théorie des Etats composés (Bulletin de l'Université de Toulouse, 1902, p. 15 et s.). Parmi les auteurs modernes, le critérium de la souveraineté, entendue au sens indiqué ici, est souvent admis: Pradier-Fodéré, Droit intern., § I, 87. Piédelièvre, Droit intern., p. 66-67. Despagnet, Droit international public, 3e éd., nos 79 et s. Bornhak. Allgem. Staatslehre, p. 10, Zorn, Das Staatsrechtdes deutschen Reiches., § 4. Gierke, Zeitschrift für die gesammte Staat swissenschaft, 1874, t. XXX, p. 304. Seydel, même revue, 1873, t. XVIII, p. 188-189. Honel, Staatsrecht, p. 113.

(1) V. infrà, no 118.

(2) Dans notre article précité, publié en collaboration avec M. de Lapradelle sur la Question finlandaise, p. 41-42.

les grands Etats modernes au moment où ils ont achevé de s'unifier. « L'influence qu'elle peut avoir sur la marche de l'humanité, avons-nous dit, ne peut conduire qu'à sacrifier, les petits aux grands et les faibles aux forts. Elle aboutit à ce résultat que, dès dès qu'un pays aura été obligé par suite de sa faiblesse relative, à se soumettre d'une manière permanente sur certains points déterminés, à un voisin puissant, il devra être considéré en droit comme entièrement asservi; qu'il ne pourra conserver aucune parcelle de son indépendance s'il ne la conserve pas tout entière..... On arriverait ainsi peu à peu, si on n'y prenait garde, à rayer de la liste des Etats toutes les puissances de second ordre car, depuis les pays protégés jusqu'aux pays neutralisés ou à ceux qui se sont vus imposer une servitude internationale, il en est peu à qui on puisse reconnaître la souveraineté absolue et entière, que la théorie exige». Cette théorie a d'ailleurs une extrême difficulté à expliquer la théorie de l'Etat fédéral (1), car elle aboutit à dénier la qualité d'Etat soit à l'Etat composé, soit aux Etats composants, et aucune de ces deux solutions ne concorde avec le sentiment juridique général, ni avec l'usage de la langue.

Nous approuvons donc entièrement les tentatives qui ont été faites pour chercher le critérium juridique qui distingue l'Etat des autres communautés territoriales. ailleurs que dans la notion de souveraineté. Sans passer en revue ici les diverses opinions émises à ce sujet (2), nous ferons remarquer seulement que toutes partent

(1) V. dans l'article précité les explications données p. 44-45. (2) V. encore l'article précité, p. 45 et s.

nécessairement de l'idée que l'Etat est caractérisé, non par la souveraineté-indépendance, qualité toute négative · et par là-même indivisible, mais par un ensemble de prérogatives positives, dont l'indépendance n'est que la manifestation et la garantie extérieure. L'Etat exerce des droits de puissance publique qui ont pour objet de lui permettre de veiller aux intérêts collectifs et permanents de la population établie sur son territoire. S'il exerce tous ces droits librement, il est un Etat souverain. Mais alors même qu'il est limité, à l'égard de quelques-uns d'entre eux par une puissance étrangère ou supérieure, il n'en résulte pas qu'il perde la qualité d'Etat. Il ne la perd, pour être ramené au rang de province, département, ou autre communauté territoriale, que lorsque les droits de puissance publique exercés par lui peuvent être considérés comme délégués par la puissance étrangère ou supérieure dont il dépend; et cela se reconnaîtra à ce signe que cette puissance a un droit reconnu à les modifier ou à les restreindre. Le pouvoir de cette dernière est dans ce cas juridiquement illimité, et les communautés soumises à ce pouvoir ne peuvent plus prétendre au titre d'Etats. Le critérium de la distinction est donc à nos yeux le suivant le pouvoir qui domine l'Etat non souverain est juridiquement limité, il ne peut détruire entièrement les droits de puissance publique qui appartiennent à cet Etat que par la force brutale. Au contraire le pouvoir qui domine la commune ou la province peut, sans violer le droit, diminuer ou même supprimer les droits de puissance qui appartiennent à ces personnes (1). Elles sont en

(1) Cpr. pour ces idées que nous ne voulons pas ici développer ni discuter l'article précité, p. 47 et s. Le critérium que nous adop

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