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sentants de l'Etat. Elle n'a pas d'ailleurs de dotation qu'on puisse considérer comme lui appartenant; les deniers qu'elle manie sont ceux de l'Etat qui est maître de son actif, comme il serait, s'il y avait lieu, responsable de son passif; elle n'a pas même le droit de conserver ses bonis, et chaque année les bénéfices que son maniement lui assure sont versés au budget de l'Etat (1). On a affirmé, il est vrai (2), que ce n'était là qu'un simple usage, une tradition que l'on ne pouvait appuyer sur aucun texte impératif; et on a ajouté que, dans les conditions d'indépendance où elle fonctionne, la Caisse pourrait légalement se refuser à ce versement annuel, sans que le Ministre des Finances ait sur elle un pouvoir de coercition. Mais il est à remarquer que ce versement lui est imposé chaque année par une loi spéciale. En outre, pour une partie au moins de ses bénéfices, il y a aujourd'hui un texte général : l'article 43 de la loi du 16 avril 1895 déclare acquises à l'Etat les sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignations, lorsque, par suite de la prescription trentenaire, elles ne peuvent plus ètre revendiquées par les déposants. Ce texte achève de démontrer à nos yeux que la Caisse des dépôts et consignations est bien l'Etat lui-même, l'Etat dépositaire, comme le Trésor public est l'Etat créancier ou débiteur.

(1) Ils sont compris dans l'état annexé chaque année au budget sous la rubrique de : Tableau des droits, produits et revenus dont la perception est autorisée, conformément aux lois existantes, au profit de l'Etat, des départements et des communes ; voir la partie de cet état comprise dans le § 4, Produits divers du budget; il comprend les bénéfices réalisés par la Caisse (4.700.000 fr. pour le budget de 1900) et les sommes acquises à l'Etat en vertu de la loi du 16 avril 1895 (400.000 fr. pour le même budget).

(2) Répertoire de Béquet, vo Caisse des dépôts, no 52.

Elle peut recevoir des dons et legs, mais ceux-ci ne peuvent profiter à d'autres qu'à l'Etat (1).

Au contraire, nous serions disposé, malgré l'opinion générale, à admettre la personnalité des asiles départementaux d'aliénés, même de ceux qui ne sont pas compris dans les quelques asiles autonomes dont la personnalité est reconnue par tout le monde (2). Il est vrai que ces asiles sont créés par les départements, que le conseil général vote leur budget et a une certaine action sur eux. Mais ils ont une administration autonome, analogue à celle que la loi a donnée, dans la commune, aux hospices et hôpitaux; leurs directeurs responsables sont soumis, dans leur gestion, à peu près aux mêmes règles que les commissions administratives des hospices communaux (ordonn. du 18 décembre 1839, rendue en exécution de la loi du 30 juin 1838). En outre, le département n'est pas obligé légalement de subvenir à leurs besoins, puisque aucun texte ne classe les dépenses de ce genre parmi les dépenses obligatoires; et enfin, ils ont la possibilité de conserver leurs bonis ; le Conseil d'Etat a décidé, en effet (3), que le conseil général ne pouvait pas détourner leurs excédents de recettes pour doter d'autres services

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(1) En notre sens, Ducrocq, Droit administratif, 6e éd., t. II, no 1097, et 7e éd., t. V, no 1940. Tissier, Dons et legs, no 97. Mais, en sens contraire: Aucoc, Conference, st. I, no 207, et t. II, no 604. Répertoire de Béquet, v° Caisse des dépôts, no 52. Marquès di Braga et Lyon, no 183. Hauriou, Droit administratif, 5o éd., p. 484, note 1. Cass, 22 février 1893. D., 93.

1. 235.

· Boucart et Jèze, Science des finances, 2o éd., p. 476. (2) Ce sont les asiles d'Aix (Bouches-du-Rhône), Saint-Pierre de Marseille, Bordeaux et Cadillac (Gironde), Armentières et Bailleul (Nord), Bassens (Savoie).

(3) Conseil d'Eat, 23 mars 1880, D., 80. 3. 114.

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départementaux. Ce trait, joint à celui d'une administration autonome, nous paraît suffisant pour permettre de conclure à la personnalité (1).

Nous admettons aussi, sans hésitation, la personnalité des lycées et des autres établissements d'instruction publique à qui l'article 15 de la loi du 7 août 1850, en supprimant la personnalité de l'Université de France, a conservé expressémeut le droit d'acquérir et de posséder, sous les conditions déterminées par les lois. Ces expressions nous paraissent témoigner d'une manière formelle que le législateur a eu l'intention de leur conserver la personnalité civile (2);

133. 4° Les explications précédentes nous paraissent suffire pour montrer les idées générales qui peuvent conduire à la solution de la question. Mais une dernière remarque nous semble nécessaire en ce qui concerne les établissements ecclésiastiques. Ceux-ci diffèrent des précédents en ce que, si on ne leur reconnaît pas la personnalité, celle-ci ne sera point suppléée par celle de

(1) La jurisprudence est ici absolument contraire. Elle admet que c'est le préfet qui est le représentant légal de l'asile toutes les fois que la loi ne donne pas expressément compétence au directeur (voir Conseil d'Etat, 6 avril 1842. Tissier, Dons et legs, no 155), et que ce dernier n'a que l'administration intérieure ne l'établissement et la gestion de ses biens, mais qu'il ne peut le représenter dans aucun acte d'acquisition et de disposition Elle en conclut que le département est responsable des fautes commises dans ce service (Lyon, 10 juillet 1894, Revue des établissements de bienfaisance, 1894, p. 354). La plupart des auteurs sont dans le même sens. Mais voir dans notre sens Tissier, Dons et legs, no 155, et Hauriou, p. 485.

(2) En se sens, Tissier, no 144, et Ducrocq. no 1552. Mais voir en sens contraire la solution de l'Administration de l'enregistre. ment du 15 avril 1865.

l'Etat, du département ou de la commune ; ces collectivités, en effet, ne se chargent point directement de services ayant un caractère confessionnel; elles n'accepteront donc pas, avec charge d'affectation, les libéralités qui seraient adressées à des établissements ecclésiastiques non reconnus, et ces libéralités deviendront purement et simplement caduques. La question de personnalité présente donc ici un intérêt tout particulier. Elle n'est pas douteuse pour la plupart des établissements publics de cet ordre: fabriques, menses curiales et épiscopales, chapitres, séminaires, consistoires protestants et israélites. Mais elle a été très vivement discutée en ce qui concerne les diocèses. On sait que le Conseil d'Etat, après avoir admis en pratique leur personnalité jusqu'en 1840, l'a niée de 1840 à 1874, l'a admise à nouveau de 1874 à 1880 (1), enfin est revenu, à cette dernière date, à sa jurisprudence négative (2). Nous ne voulons pas entrer dans les détails de la question. Ce que nous voulons faire remarquer, c'est qu'il suffit, pour la résoudre par l'affirmative, de démontrer que les diocèses peuvent faire un acte quelconque de la vie civile, par exemple peuvent accepter des dons et legs. Ici en effet, si cette faculté existe, elle n'est point équivoque, comme pour les établissements précédents; il est certain que s'ils peuvent acquérir, c'est en leur nom, et non pas au nom d'un tiers. Aussi serions-nous disposé à admettre comme fondée la jurisprudence de 1874, en nous basant principalement sur l'article 73 de la loi du 18 germinal an X, qui permet à l'évêque d'accepter les

(1) Avis du 13 mai 1874. D. 75. 3.86. (2) Avis du 6 avril 1880. D. 80. 3. 65.

fondations ayant pour objet l'entretien des ministres et le service du culte. On n'a pu enlever à ce texte sa valeur qu'en le considérant comme créant une organisation provisoire, qui est devenue inutile par l'organisation postérieure des autres personnes ecclésiastiques: menses, fabriques, séminaires, chapitres. Mais la vérité est que l'existence de ces derniers établissements ne rend nullement inutile la personnalité du diocèse, car ce dernier représente des intérêts collectifs tout différents, ceux du groupe de fidèles de la circonscription tout entière. L'avis du Conseil d'Etat du 13 mai 1874 n'a pas eu de peine à démontrer que le diocèse, considéré comme personne morale, pouvait avoir un rôle utile à jouer à côté des autres établissements ecclésiastiques; et cela suffit pour qu'on ne puisse considérer l'organisation de ces établissements comme abrogeant implicitement l'article 73 (i).

134. V.- La situation des établissements publics consacrés au culte nous paraît nécessiter, à un autre point de vue, quelques explications complémentaires. Le principe de la liberté de conscience, qui est l'une des bases de notre droit moderne, exige que l'Etat reconnaisse aux Eglises non seulement le droit d'exister, mais aussi le droit de posséder, sous une forme ou sous une autre, les biens nécessaires à l'exercice du culte. En fait les procédés employés par l'Etat pour donner satisfaction à ce besoin peuvent varier à deux points de vue.

D'une part, il pourra, ou reconnaître la personnalité

(1) Voir principalement en ce sens la lettre de Jules Simon au président du Conseil d'Etat, en date du 27 novembre 1872, rapportés dans Tissier, Dons et legs, no 179.

MICHOUD

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