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morales c'est là le point intéressant), la commission elle-même a été d'avis d'accorder directement aux associations simplement déclarées une personnalité morale restreinte, que, dans le langage parlementaire, on a appelée la petite personnalité, et qui ressemble (bien que moins étendue) à celle qui avait déjà été reconnue aux syndicats professionnels par la loi de 1884. C'est cette proposition qui a définitivement passé dans la loi, la Chambre et le Sénat ayant repoussé les diverses propositions plus larges qui avaient pour objet de conférer la personnalité complète à toute association déclarée (1). Comme conséquence, et sur un amendement de M. l'abbé Lemire (2), la Chambre à supprimé le paragraphe de l'article 10, qui définissait la personnalité civile et la considérait comme une fiction légale.

Il en résulte tout d'abord que législateur n'a point pris parti sur la définition à donner de la personnalité

former librement sans autorisation ni déclaration préalables, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l'article 4 (auj. art. 5) ». La Chambre avait voté en outre l'amendement Fournière, qui excluait de ce bénéfice les «< associations religieuses ». Mais la commission du Sénat a fait disparaître cette restriction (V. la séance du Sénat du 15 juin 1901).

(1) Ces propositions étaient le contre-projet Gayraud, repoussé par la Chambre à la séance du 28 janvier 1901; le contre-projet Cunéo d'Ornano, repoussé à la séance du 29 janvier 1901; l'amendement Piou, retiré par son auteur à la séance du 5 février 1901 ;, l'amendement Cunéo d'Ornano, repoussé à la même séance ; l'amendement de Lamarzelle et l'amendement Riou, l'un et l'autre repoussés par le Sénat à la séanee du 17 juin 1901. V. en outre ce que nous disons plus haut du contre-projet Lemire, qui faisait aussi aux associations un régime très libéral, mais en partant d'autres idées théoriques, celles de M. de Vareilles-Sommières.

(2) Séance du 26 février 1901.

morale. On ne peut que s'en féliciter, les définitions de ce genre n'étant point de la compétence du législateur, ne pouvant en aucune façon lier la doctrine, et pouvant cependant agir sur elle d'une manière fâcheuse. Mais ce qui est plus important, c'est que le système qui a définitivement triomphé consacre comme étant le droit commun, et non plus comme une exception, l'acquisition de plein droit de la personnalité morale par toute association licite, à condition qu'elle remplisse de simples formalités de publicité. En d'autres termes, il substitue en principe le système de la réglementation légale à celui de l'autorisation préalable. Pratiquement toutefois, le système admis est encore peu libéral, si on n'admet pas que l'association, à côté du patrimoine restreint dont elle peut être titulaire, a le droit de jouir de biens restant dans le patrimoine de ses membres. C'est un point que nous traiterons plus loin.

147. La première condition que doit remplir une association pour obtenir la personnalité morale est de se constituer régulièrement comme association. C'est là le substratum nécessaire de sa personnalité. La loi nouvelle a eu le mérite de combler ici une lacune de notre législation antérieure en réglementant le contrat d'association, dont jusqu'alors aucun texte ne s'était occupé, et sur lequel régnaient les plus grandes incertitudes doctrinales. Sans entrer dans le détail, nous devons ici, pour la clarté des idées, indiquer les principales dispositions de la loi sur ce point.

L'association est définie : « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d'une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices »>. En:

dehors du caractère non lucratif du but, qui distingue l'association de la société, et sur lequel nous avons déjà insisté (1), la définition nous révèle deux autres caractères de l'association son caractère contractuel, c'està-dire le fait que les associés contractent une véritable obligation de poursuivre le but social sous les conditions fixées dans les statuts; et son caractère de permanence, c'est-à-dire la nécessité que l'association soit établie soit pour une durée déterminée, soit pour une durée indéfinie. Ces deux caractères, dont le premier d'ailleurs entraîne nécessairement le second, différencient l'association de la simple réunion. En tant que contrat, l'association est soumise aux règles générales des contrats, telles qu'elles sont réglées au Code civil (consentement, capacité, objet et cause licites). L'article 3 de la loi déclare nulle toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, et ajoute, assez maladroitement d'ailleurs, l'indication de certains buts considérés comme illicites. Sous cette réserve, l'association est valable par un simple contrat sans être soumise à aucune autorisation ni déclaration préalables (2). Mais la déclaration, comme nous l'avons dit, est nécessaire pour obtenir la petite personnalité.

148. Les formalités à remplir pour cela par les parties sont indiquées par l'article 5, complété par les articles 1 à 7 du décret du 16 août 1901. Nous renvoyons au texte pour les détails (3). Il nous faut cependant relever

(1) Suprà, n's 99 et s.

(2) Nous verrons plus loin les conséquences qu'entraîne pour elle le défaut de personnalité.

(3) V. le commentaire de MM. Trouillot et Chapsal, p. 66 et s. V. aussi Hauriou, Droit administratif, 5e éd., p. 116. Grumbach, Les

les points suivants : la déclaration doit être faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où l'association aura son siège social. Elle fait connaître le titre et l'objet de l'association, le siège de ses établissements, et les noms, profession et domicile, de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Deux exemplaires des statuts doivent y être joints. L'Administration est obligée de délivrer récépissé de la déclaration, qui constitue pour l'association la base de sa personnalité morale; elle n'a pas à apprécier le caractère licite ou illicite de l'association; son seul droit, au cas où elle lui semble illicite, est de donner avis au Parquet, pour qu'il poursuive, s'il y a lieu (4).

L'association est en outre obligée de procéder à une déclaration nouvelle pour faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans son adminis

associations et les cercles depuis la loi du 1er juillet 1901, nos 31 et s. Benoist, Cellier, Vavasseur et Taudière, Sociétés et associations, 7e éd., p. 30 et s. Ducrocq et Barrilleau, op. cit., n° 2205.

(1) Trouillot et Chapsal, p. 71-72. Hauriou, p. 116, no 14. Ce dernier auteur se pose la question de savoir quelle est la sanction de l'obligation imposée à l'administration. Nous croyons que la constatation du refus par acte extra-judiciaire devra être considérée comme équivalent à un récépissé, sans qu'il soit besoin de faire annuler le refus par le Conseil d'Etat (comme impliquant une décision de rejet d'après la procédure de la loi du 17 juillet 1900). Le refus n'équivaut pas ici à une décision de rejet, parce que l'adminis. tration n'a aucune décision à prendre, la délivrance du récépissé étant pour elle une obligation. Une solution analogue est admise par la loi elle-même en matière de déclaration de réunion publique (1. 30 juin 1881, art. 2 § 4), et par la jurisprudence en matière de déclaration d'ouverture d'école (Cass., 17 janv. 1902. D. 1902. 1. 169).

tration ou sa direction ainsi que toutes les modifications apportées à ses statuts (1).

Ces formalités confèrent à l'association la petite personnalité de l'article 6 (2). Pour avoir une capacité plus complète, l'association reste obligée, comme avant 1901, d'obtenir une reconnaissance d'utilité publique. Les règles de cette reconnaissance, telles que nous les indiquions plus haut, sont d'ailleurs restées en vigueur, sauf les modifications suivantes :

1o Le décret de reconnaissance doit être rendu dans la forme des règlements d'administration publique, c'est-à-dire après délibération de l'assemblée générale du Conseil d'Etat (art. 10 de la loi);

2o La reconnaissance ne peut être sollicitée que par les associations qui ont rempli au préalable les formalités imposées aux associations déclarées (art. 8 du décret 16 août 1901);

3o Les formes de la demande et les pièces qui doivent l'accompagner sont indiquées dans les articles 9 et 10 du décret; parmi ces pièces figurent les statuts. Le règlement de 1901 ne rend pas obligatoire pour les associations l'ensemble des statuts modèles élaborés par le Conseil d'Etat; il leur impose cependant, dans l'article 11, certaines dispositions. En outre, l'article 11 de la loi soumet les associations, même une fois reconnues, à certaines limitations de capacité, dont nous parlerons plus loin, et qui se trouvaient jusqu'alors dans les statuts modèles (interdiction de posséder d'autres

(1) V. pour les détails l'article 3 du décret du 16 août 1901; Trouillot et Chapsal, p. 72.

(2) Nous étudierons l'étendue de cette personnalité dans le chapitre consacré à la capacité des associations.

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