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aux congrégations séculières par le décret du 18-18 août 1792, et qui entraîna l'évacuation et la vente des maisons occupées par les religieux et religieuses. Ce dernier texte permit seulement que, dans les hôpitaux et maisons de charité, les mêmes personnes continuassant le service des pauvres et le soin des malades à titre individuel, sous la surveillance des corps municipaux et administratifs, jusqu'à l'organisation définitive des secours publics; et il admit une règle analogue pour continuation provisoire de l'enseignement public à titre individuel par les membres des communautés dissoutes(T. I, art. 2 et 6). A part ces alténuations, les religieux devaient évacuer leurs maisons et indiquer le lieu où ils se retiraient; ils avaient droit du reste à une pension à condition de prêter le serment civique.

la

Les congrégations ainsi supprimées ne furent point légalement reconstituées au moment du Concordat. La loi du 18 germinal an X, art. 11, après avoir parlé des chapitres cathédraux et des séminaires, ajoute: «< Tousautres établissements ecclésiastiques sont supprimés », et Portalis, dans son rapport sur les articles organiques, commente ainsi cette disposition: « Toutes les institutions monastiques ont disparu elles avaient été minées par le temps. Il n'est pas nécessaire à la religion qu'il existe des institutions pareilles » (1). Cependant, à cette

(1) Portalis, Discours, rapports et travaux inédits sur le Concordat de 1801 (Paris, 1845), p. 97. L'opinion de Portalis sur les congrégations religieuses n'est d'ailleurs pas tout entière dans cette formule tranchante. Dans un rapport du 25 fructidor an X, après avoir donné un avis contraire à la reconstitution de certaines congrégations, et déclaré que le moment n'était pas favorable ponr autoriser des corporations ecclésiastiques, il ajoute : « Dans quelques années il sera peut-être sage de favoriser des établissements

date, certaines congrégations s'étaient déjà reconstituées en fait, et même quelques congrégations hospitalières ou charitables de femmes avaient été provisoirement autorisées par des arrêtés (V. l'art. 3 du décret du 3 messidor an XII, qui énumère ces congrégations en indiquant la date des arrêtés sœurs de Charité, sœurs Vatelottes, etc.). Une congrégation d'hommes, celle des Pacanaristes, ayant sollicité la reconnaissance, le Gouvernement fut amené à poser une règle générale dans le décret du 3 messidor an XII. Il commence par déclarer dissoute l'association des Pères de la Foi, Adorateurs de Jésus, ou Pacanaristes, ainsi que toute autre association non autorisée; il ordonne que les membres qui composent ces associations se retirent dans leurs diocèses respectifs; et il renouvelle la prohibition des lois révolutionnaires contre tout ordre religieux dans lequel on se lie par des vœux perpétuels. Mais, sous cet aspect

qui pourront servir d'asile à toutes les têtes exaltées, à toutes les âmes sensibles ou dévorées du besoin d'agir et d'enseigner... Il ne suffit pas d'avoir des institutions pour classer les citoyens, il faut en avoir encore, si je puis m'exprimer ainsi, pour classer les àmes et donner à toutes les moyens réguliers de suivre leurs mouvements dans un ordre fixe et convenu ». (Eod. l., p. 450-451). Un peu plus tard (2 et 8 pluviôse an XII) il donne un avis favorable à une association ecclésiastique que l'archevêque de Lyon voulait établir dans son diocèse en vue de l'éducation et des missions, et fait ressortir tous les avantages qu'on peut trouver à confier l'enseignement à des congrégations; il conclut : « On n'aura jamais de vrais instituteurs publics tant qu'on n'aura pas une agrégation d'hommes consacrés à cet objet intéressant » (Eod. l., p. 467). Il entend d'ailleurs par là une agrégation d'hommes voués à l'état ecclésiastique et vivant en commun. Enfin dans les rapports des 13 prairial an XIII et 24 mars 1807 (eod. l., p. 480 et 495), il prend la défense des congrégations de femmes vouées à l'enseignement et à l'assistance, et en fait un éloge des plus chaleureux.

prohibitif, il fait en réalité revivre, avec la personnalité morale, certaines congrégations. Il déclare, en effet, qu'aucune agrégation ou association d'hommes ou de femmes ne pourra se former à l'avenir, sous prétexte de religion, à moins qu'elle n'ait été formellement autorisée par décret impérial. Il admet donc, pour l'avenir, la possibilité d'une reconnaissance par décret. En outre, il valide les reconnaissances provisoires opérées antérieurement par divers arrêtés au profit de certaines congrégations charitables, à condition qu'elles présentent leurs statuts et règlements dans le délai de six mois, pour être vus et vérifiés en Conseil d'Etat.

C'est conformément à ce texte que furent autorisées, sous le premier Empire, certaines congrégations d'hommes : lazaristes, missions étrangères, prêtres du SaintEsprit, prêtres de Saint-Sulpice, frères des écoles chrétiennes (1). Il est à remarquer que, conformément à une idée générale que nous avons déjà signalée, toutes ces congrégations étaient chargées d'une mission spéciale, et plus ou moins incorporées à l'Administration. Ainsi le supérieur des missions étrangères était nommé par le chef de l'Etat (2).

Quant aux congrégations de femmes, elles furent autorisées en bien plus grand nombre. Mais elles aussi furent considérées comme chargées de véritables ser

(1) L'existence légale de ces diverses congrégations a été reconnue par le Conseil d'Etat, dans les avis du 16 janvier 1901 et du 1er août 1901 (V. Revue génér. d'Administration, 1901. 1. 303, et le Rapport de M. Rabier sur les demandes d'autorisation des congrégations. Chambre, Session ord. de 1903, Ann., 738, p. 143).

(2) V. la thèse précitée de M. Avril, Des origines de la distinction des établissements publics et des établissements d'utilité publique, p. 224.

vices publics (éducation des jeunes filles, assistance des pauvres et des malades, refuges pour filles repenties), et soumises à une étroite tutelle administrative. Le décret du 18 février 1809, uniformisant dans une certaine mesure les règles qui leur étaient appliquées, les plaça sous la protection de Mme Laetitia, et reconnut leurs vœux temporaires comme ayant force d'institution publique.

Les congrégations religieuses reconnues avaient donc, à cette époque, le caractère d'établissements publics; ce n'est que peu à peu que les idées sur ce point se sont modifiées, par suite de ce fait que l'Etat les a de moins en moins considérées comme ses collaboratrices, et leur a laissé en pratique une plus grande liberté d'allure (1). Quant aux formes de la reconnaissance elles ont passé par les phrases suivantes : la loi du 2 janvier 1817 (qui avait pour principal objet de permettre aux établissements ecclésiastiques de recevoir des libéralités immobilières), déclara que ses dispositions s'appliquaient aux établissements ecclésiastiques reconnus par la loi; et l'on déduisit de ce texte, combiné avec les travaux préparatoires: 1o que les congrégations religieuses étaient comprises dans cette formule; 2o que celle-ci renferme implicitement l'obligation, pour l'avenir, de la reconnaissance par une loi spéciale et non par un simple décret. Le Gouvernement soutint cependant, durant quelques années, qu'il avait le droit d'autoriser les congrégations par simple ordonnance. Mais devant les résistances soulevées par cette thèse, il se résolut à présenter

(1) Ainsi que nous l'avons dit, la classification dans les personnes morales de droit privé ne fait plus aujourd'hui de doute sérieux (Suprà, ch. II, no 88).

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un projet de loi, dans lequel il faisait la part du feu, en admettant la nécessité d'une loi spéciale pour les congrégations d'hommes, mais en se réservant le droit d'autoriser par ordonnance les congrégations de femmes. Les Chambres n'acceptèrent pas entièrement la proposition et la loi du 24 mai 1825 admit le principe d'une loi pour les deux catégories, mais avec quelques atténuations pour les congrégations de femmes (1), atténuations accrues plus tard par le décret-loi du 31 janvier 1852. 153. En somme, avant la loi de 1901, la situation était la suivante :

1o Les congrégations religieuses d'hommes ne pouvaient, depuis la loi de 1817, être autorisées que par une loi. En fait aucune loi d'autorisation n'était intervenue, et il n'y avait pas d'autre congrégation d'hommes reconnue que celles qui l'avaient été par décret ou ordonnance avant cette date (2). Il y avait, en outre, un certain nombre de congrégations non reconnues comme telles, qui avaient des établissements reconnus comme établissements d'utilité publique, dans les formes usitées pour les établissements de ce genre. Ces congrégations jouissaient même de certaines faveurs qui leur avaient été expressément accordées par la loi du 15 mars 1850, art. 31 et 79, et par la loi du 27 juillet 1872, art. 2005, et pendant longtemps le Conseil d'Etat les avaient admises à recevoir des libéralités. Mais la Cour

(1) Sur l'histoire des lois de 1817 et 1825, V. Avril, p. 246 et s. Dubief et Gottofrey, dans le Rép. de Béquet, vo Cultes, no 2116.

(2) Le Conseil d'Etat, dans l'avis du 14 février 1901 (Rapport Rabier, p. 145) a considéré ces règles comme applicables aux congrégations de Savoie, en faisant toutefois une réserve pour les religieux de l'abbaye de Haute-Combe.

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