Page images
PDF
EPUB

que pour la fondation établie de son vivant par le fondateur lui-même. Le Conseil d'Etat exige, en règle générale, que l'œuvre ait déjà fonctionné en fait pendant un certain temps pour démontrer sa vitalité et son utilité, et qu'elle justifie de ressources suffisantes; et il lui applique les statuts-types que nous avons mentionnés plus

haut.

Peut-on, dès avant le décret de reconnaissance, et par cela seul que les exécuteurs testamentaires ont déjà commencé à faire fonctionner l'établissement, admettre qu'il existe le germe de personnalité que nous avons constaté dans l'association non encore reconnue, mais que nous aurons refusée à la fondation établie entrevifs? Oui, croyons-nous, dès la mort du testateur, il y a en effet déjà un organisme créé en vue de la gestion des intérêts collectifs du groupe humain que le fondateur a voulu doter. Les éléments de la fondation existent donc; elle a en elle tout ce qu'il faut pour obtenir la personnalité morale, et la reconnaissance n'est, comme en matière d'association, qu'un élément formel, qui n'a rien d'un acte créateur, et qui ne fait qu'achever la fondation, déjà en état de devenir. Cette solution ne peut pas faire grande difficulté, semble-t-il, si l'on admet, par un procédé ou par un autre, que le legs fait par le testateur lui-même à l'œuvre à fonder est valable; a fortiori considérera-t-on comme valable la libéralité adressée par un tiers à cette œuvre après la mort du testateur, mais avant la reconnaissance.

Notre système français aboutit évidemment à cette conséquence pratique qu'une fondation de droit privé ne peut être créée qu'à condition d'être dotée par le fonda

teur. Ainsi que nous l'avons dit (1), cette exigence ne découle nullement de la théorie générale des fondations, et en droit public la pratique ne l'admet pas; elle admet la possibilité d'organismes aptes à posséder, mais ne possédant pas encore. En droit privé, on pourrait admettre la même solution; mais à notre sens il est préférable de l'écarter pour des motifs d'ordre pratique. Il n'est bon de donner aux particuliers le moyen d'imposer leur volonté aux générations futures que s'ils font au moins pour cela un sacrifice pécuniaire, et il ne semble pas qu'il y ait utilité à leur permettre de créer la personne morale en laissant à d'autres le soin de la doter (2).

(1) Ci-dessus no 127.

2) Il y a lieu de classer, en dehors des règles générales qui précèdent, parmi les fondations privées les caisses d'épargne. La jurisprudence en effet, avec raison suivant nous, les assimile aux établissements d'utilité publique et non aux établissements publics (V. ci-dessus no 94). Mais ce sont des fondations privées soumises à des règles spéciales, que nous jugeons inutile d'exposer ici en détail (V. Hanrion. Dr. adm., 5e édit., p. 96; Barthélemy, Dr. adm., 3e édit., p. 757 et s.; Ducrocq et Barilleau, Dr. adm., 7e édit., t. VI, nos 2943 et s.). Ces règles se rapprochent des personnes morales de droit public beaucoup plus que les établissements d'utilité publique ordinaires.

FIN

NOTE ADDITIONNELLE

(PERSONNALITÉ DES CHEMINS DE FER DE L'ETAT)

Un arrêt du Conseil d'Etat en date du 20 janvier 1905 (dans Revue générale d'administration, 1905, t. II, p. 313), arrêt dont nous n'avons eu connaissance qu'après l'impression de ce volume, déclare expressément, contrairement à l'opinion que nous attribuons à ce Conseil (ci-dessus, p. 362, note 1), que l'administration des chemins de fer de l'Etat est investie d'une per'sonnalité juridique distincte de celle de l'Etat. Il en conclut que le ministre des Travaux publics ne peut pas se substituer à cette administration pour poursuivre un fournisseur, et qu'il ne peut pas non plus procéder contre ce fournisseur par voie d'arrêté de débet, ce mode de poursuite n'étant admis que pour les créances du Trésor public. Cet arrêt, qui rompt avec une tradition établie depuis la création des chemins de fer de l'Etat (le système des arrêtés de débet contre les débiteurs de cette administration avait toujours fonctionné en pratique sans réclamation), ne nous paraît point justifié au point de vue théorique. Sans doute l'administration des chemins de fer de l'Etat a en justice son représentant propre (décret du 10 décembre 1895, art. 1, § 3, cbn. avec décret du 25 mai 1878, art. 4 et 6), et il

n'appartient pas au ministre de se substituer à lui. Mais représentation en justice et personnalité sont deux choses très distinctes (voyez, ci-dessus, p. 277 et 278, note 1). L'administration des chemins de fer de l'Etat ne peut être autre chose que l'Etat lui-même, parce que ses gains et ses pertes sont nécessairement ceux de l'Etat. Il en résulte qu'on doit appliquer à ses dettes et à ses créances (sauf texte contraire) toutes les règles applicables aux dettes et créances de l'Etat, par conséquent aussi bien la règle de l'arrêté de débet que celle de la déchéance quinquennale. L'arrêt de 1905 aurait pour conséquence logique le désaveu de l'arrêt du 13 juillet 1900.

TABLE DES MATIÈRES

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

II. 16. Systèmes qui, tout en repoussant l'idée de fiction, con-

servent le principe que l'homme seul est une personne; p. 39.

17. I. Théorie des droits sans sujet, Brinz; p. 39. 18. Bekker;

p. 41.-19. Objections. La notion de droit sans sujet implique contra-
diction. Elle est dangereuse; p. 42. 20. II. Théorie de M. Duguit;
p. 44.
- 21. Elle prétend écarter toute fiction et toute abstraction;
impossibilité de cette tentative ; p. 46. 22. Insuffisance de la tech-
nique proposée par M. Duguit ; p. 48. 23. Nécessité de l'idée d'im-
perium, considéré comme droit de l'Etat ; p. 51. 24. III. Théorie
de M. Van den Heuvel, p. 53. 25. Théorie de M. de Vareilles-
Sommières; p. 57. - 26. Théories de M. Planiol et de M. Berthe-
lemy; p. 60. 27. Théorie d'Ihering; p. 61. 28. Objections.
Ces diverses théories ne peuvent expliquer l'existence des personnes
morales de droit public; p. 62. 29. Elles oublient l'intérêt collec-

--

[ocr errors]

-

-

[ocr errors]
« PreviousContinue »