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-La foule se porta au Palais de Justice, et tous les emblêmes du gouvernement royal furent arrachés et jetés par les fenêtres et dans la rivière.

Pendant la terrible attaque du Louvre et quand une fusillade des plus vives fut établie entre les Suisses et la garde nationale qui occupait la rive gauche de la Seine, on vit un ouvrier s'avancer presque jusqu'au milieu du pont des Arts, et de là tirer deux coups et abattre deux de ses adversaires; il allait continuer quand il reçut une balle dans la cuisse : il a eu le courage de revenir sous le guichet des Quatre-Nations, d'où il a été transporté à la Charité.

- Un officier retraité et décoré dont on ignore le nom fut grièvement blessé à la jambe dans le même combat; porté à califourchon sur les épaules d'un ouvrier, et soutenu de chaque côté par deux autres, ce brave se faisait remarquer par le calme et l'expression martiale de sa physionomie. C'est à la même affaire M. Pierre Tardieu, l'un de nos graveurs que les plus distingués et officier de la garde nationale, eut la cuisse percée d'une balle.

-Le mouvement sur le Louvre a été un des

plus glorieux pour les Parisiens. Dès dix heures du matin, les citoyens des quartiers SaintJacques, Saint-Germain, de l'Odéon, SainteValère, du Gros-Caillou, animés depuis quatre heures par le tocsin de toutes les églises, les cris unanimes de vive la Charte! et la haine si juste qu'ils portaient aux ministres tombés, sont descendus en armes, sous la direction d'élèves de l'école polytechnique; leur masse comportait de cinq à six mille hommes. L'attaque commença par le jardin dit de l'Infante; la garde royale laissa s'approcher à une très-petite distance les premiers assaillans, et là le combat finit presque aussitôt qu'il était commencé, par la mort de tous ceux qui formaient les premiers rangs. Presqu'à l'instant de nouveaux assaillans se dévouèrent généreusement, et firent reculer les défenseurs de ce poste important. Au milieu d'un feu roulant qui continuait toujours, les grilles de fer furent brisées, et le poste fut enlevé avec une bravoure qui aurait fait honneur aux plus vieux soldats.

-Unjeune homme, vêtu d'une blouse bleue et armé d'un pistolet, s'est fait ouvrir la grille

du Louvre par les Suisses; il se nomme Garaud, sculpteur, âgé de 22 ans, natif de Dijon. C'est lui qui a fait, en 1828, la sculpture de la maison égyptienne, place et passage du Caire. Lorsque le général Lafayette a eu connaissance de ce trait de courage, il a fait venir ce brave jeune homme, et l'a vivement pressé

sur son cœur.

-Vis-à-vis le pavillon de Flore, les agresseurs furent arrêtés par l'indignation d'un fait récent: on avait tiré du château, dès sept heures du matin, sur un grand rassemblement de femmes, dont plusieurs payèrent de leur vie l'imprudente curiosité qui les avait attirées sur le pont Royal. Les coups de fusil partaient sans interruption des appartemens de la duchesse d'Angoulême. Aussi, dès que ce pavillon fut pris, les meubles furent jetės par les fenêtres, ainsi que des milliers de papiers, parmi lesquels étaient de nombreuses proclamations adressées aux troupes pour les exciter coutre le peuple.

Après la retraite de l'armée royale, les factionnaires du jardin et de la rue de Rivoli étaient restés à leur poste; ils furent invités avec douceur à se retirer, et ces militaires

reconnaissans se jetèrent avec cordialité dans les bras de leurs concitoyens.

-L'ordre le plus parfait succéda à la prise du château des Tuileries; aucun objet de valeur ne fut enlevé, quelques étoffes servirent à faire des drapeaux, des lambeaux de velours brodé d'or et venant du trône royal furent portés en triomphe; le portrait du duc. de Raguse, criblé et déchiré. Beaucoup de vin fut bu, mais rien ne fut volé; une police sévère existait parmi les vainqueurs. On remarqua surtout un ouvrier, placé en faction à la grille du côté de l'eau; son costume annonçait la plus grande pénurie; sa tête était couverte d'un chapeau d'officier-génér al qui lui donnait un air d'autorité; il fouillait les individus qui sortaient du jardin, pour s'assurer qu'ils n'emportaient rien, et on l'a vu chàtier sévèrement un autre ouvrier qui avait voulu s'approprier une petite tasse de porcelaine.

-Les vases d'or de la chapelle des Tuileries ont été tous, sans exception, transportés. à la Bourse.

-Dans la journée du 29, au moment où l'on changeait un poste au même château, les gardes relevés refusaient obstinément de sor

tir jusqu'à ce qu'on les eût fouillés. Ces braves qui avaient fait des patrouilles dans le jardin et dans les appartemens des Tuileries, avaient cru s'apercevoir que l'un d'eux avait mis dans sa poche un objet que la nuit les avait empêché de reconnaître. Le capitaine du poste refusait de procéder à la recherche réclamée, quand le coupable, repentant, livra lui-même un petit écrit dont il s'était emparé: mais son repentir ne désarma pas ses camarades ils le firent conduire à la préfecture de police, et la plupart des hommes de cette compagnie n'avaient que des chemises en lambeaux !

-Lorsque le château des Tuileries fut pris de vive force, Charles Gauthier apprenti, demeurant rue Saint-Avoie, n. 58, y pénétra un des premiers, et trouva, sous des meubles, des bijoux et des bracelets d'une grande valeur qu'il s'empressa de remettre à la mairie du septième arrondissement. Stéphanie Pillaud, ouvrière, a également déposé une robe brodée d'un grand prix.

- Pendant ce carnage ordonné par d'infames ministres, plusieurs officiers de la garde, rougissant de remplir le rôle de bourreaux du

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