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même alors que j'aurais payé en vertu d'un jugement de condamnation rendu sans que j'eusse opposé de compensation, ou sans que le juge y eût statué. (Pothier, no 640.)

XVII. Quoique la compensation s'opère de plein droit, il dépend du débiteur d'y renoncer lorsqu'elle lui est acquise; mais le paiement dont nous venons de parler n'est point assimilé à une renonciation. (Cour royale de Pau, 10 mai 1826.)

XVIII. Il y a une renonciation tacite, lorsque le débiteur a accepté purement et simplement la cession qu'un créancier a faite de ses droits à un tiers. Il ne peut, alors, opposer au cessionnaire la compensation qu'il eût pu, avant l'acceptation, opposer au cédant (Code civil, art. 1295). Il en serait autrement si l'acceptation avait été le résultat d'une erreur ou de l'ignorance où était le débiteur cédé de l'existence de sa créance contre le cédant.

XIX. Il y a encore renonciation tacite, lorsque l'acquéreur d'un immeuble, créancier de son vendeur, s'est obligé, dans l'acte, à payer certaines dettes de celui-ci. Les créanciers en faveur desquels la délégation a été faite auraient le droit de s'opposer à ce que l'acquéreur prétendît postérieurement compenser le prix de son acquisition, ou cette partie du prix avec ses créances personnelles.

XX. On ne peut renoncer d'avance à la compensation, pas plus qu'on ne peut d'avance renoncer à la prescription. (Toullier, t. 7, no 393.)

XXI. Il est une espèce de compensation qui ne s'opère point de plein droit, et que les auteurs appellent facultative. Nous en avons donné déjà un exemple dans le n° XI. Elle a lieu dans tous les cas où le créancier d'une somme ou d'une chose non sujette à compensation, comme un dépôt, une pension alimentaire, etc., renonce à son privilége, et demande à compenser sa créance avec une autre qui n'est pas privilégiée.

Les résultats de cette compensation facultative diffèrent des résultats de la compensation légale, en ce que la première ne produit d'effet que du jour où elle est proposée, tandis que celle-ci opère, par la seule volonté de la loi, du moment où les deux qualités de créancier et de débiteur se sont trouvées concourir dans les mêmes personnes. De là cette conséquence, que si la somme privilégiée ne produisait point d'intérêts, comme dans le cas du dépôt, les intérêts de la créance opposée ne seront éteints qu'à partir du jour où le propriétaire du dépôt aura déclaré son intention de compenser.

XXII. On verra, à l'article Reconvention, l'influence que peut exercer sur la compétence ou sur le ressort, la compen

sation opposée par voie d'exception devant le tribunal de paix.

XXIII. Y a-t-il lieu à compensation en matière d'injures ou de voies de fait ?

La coutume de Bretagne, conforme au droit romain sur ce point, contenait la disposition suivante : «< En injures verbales il y a compensation, pourvu que l'une injure soit aussi grande que l'autre. >>

Mais aujourd'hui qu'on n'admet plus la distinction des lois romaines entre les délits publics et les délits privés, et que tout délit, de quelque nature qu'il soit, donne essentiellement lieu à l'action publique, les injures et les délits légers ne se compensent plus quant à l'amende ou à l'emprisonnement qui en est la peine. Ceux qui s'en sont rendus coupables les uns envers les autres, doivent être également punis, sauf au juge à user, envers l'agresseur, d'une plus grande sévérité.

Cependant, si le juge de paix n'était appelé à statuer que comme juge civil sur l'action en dommages, nous pensons qu'il devrait examiner la gravité des injures ou des voies de fait réciproques, et admettre la compensation si elles étaient à peu près égales. Il ne s'agit alors, en effet, que de la réparation d'un préjudice causé, et quand le préjudice est le même de part et d'autre, chaque partie ayant le même droit, il y a extinction d'une dette par l'autre. (Voy. Injure.)

COMPÉTENCE. C'est, en général, le droit attribué par la loi à tout fonctionnaire d'exercer ou faire tous les actes de son ministère sur de certaines choses (Berriat-Saint-Prix). Dans un sens moins étendu, la compétence est le droit que la loi défère au juge d'exercer sa juridiction sur certaines matières spécifiées par elle; est potestas quæ judici competit.

I. Il ne faut pas confondre la compétence avec la juridiction. La juridiction est le droit ou le pouvoir du juge; la compétence est la mesure de sa juridiction. (Carré.)

II. Nous écarterons de cet article toutes les attributions des juges de paix qui ne sont pas proprement judiciaires (voyez Conciliation, Conseil de Famille, etc.). Nous renverrons également aux mots Brevet d'invention, Douanes, Octroi, pour tout ce qui concerne les matières régies par une législation à part, Notre but est de tracer seulement, pour les magistrats auxquels cet ouvrage est consacré, les règles de leur compétence en matière civile ordinaire. Quant à leur compétence en matière de répression, il en est traité aux articles Contravention, Délits ruraux et forestiers, et Tribunal de police.

III. On sait que les juges de paix ne peuvent connaître ni

des actions réelles, ni des actions mixtes, à l'exception de celles qui ont uniquement la possession pour objet. (Voy. Actions possessoires.)

IV. Quant aux actions personnelles, la connaissance ne leur en est déférée que dans une certaine mesure, savoir : jusqu'à 50 fr. en dernier ressort, et jusqu'à 100 fr., sauf l'appel, à moins qu'elle ne soit prorogée par le consentement des parties, dans les cas et sous les conditions que la loi détermine. Ces premières notions sur la compétence indiquent la division que nous allons suivre.

SI. De la Compétence en général.

I. La compétence des juges de paix, au civil, est soumise à plusieurs règles; les unes relatives à la nature et à l'importance de la demande; les autres au domicile du défendeur ou à la situation de l'objet litigieux.

II. On trouve dans les art. 9 et 10, tit. 3, de la loi du 24 août 1790, l'énumération des causes ou actions dont le jugement appartient aux tribunaux de paix. « Le juge de paix connaîtra, porte l'art. 9, de toutes les causes purement personnelles et mobilières, sans appel, jusqu'à la valeur de 50 fr., et à charge d'appel, jusqu'à la valeur de 100 fr. En ce dernier cas, ses jugements seront exécutoires par provision, nonobstant appel, en donnant caution » (voy. Action et Actions personnelles et mobilières). Art. 10. « Il connaîtra de même, sans appel, jusqu'à la concurrence de 50 fr., et à la charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse monter : 1° Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, par les animaux, aux champs, fruits et récoltes; 2o Des déplacements de bornes, des usurpations de terre, arbres, haies, fossés et autres clôtures, commis dans l'année; des entreprises sur les cours d'eau servant à l'arrosement des prés, commises pareillement dans l'année, et de toutes autres actions possessoires;

soit

3o Des réparations locatives des maisons et fermes;

4o Des indemnités prétendues par les fermiers ou locataires pour non jouissance, lorsque le droit de l'indemnité n'est pas contesté, et des dégradations alléguées par le propriétaire;

5° Du paiement des salaires des gens de travail, des gages des domestiques, et de l'exécution des engagements respectifs des maîtres et de leurs domestiques ou gens de travail;

6o Des actions pour injures verbales, rixes et voies de fait, pour lesquelles les parties ne se seraient pas pourvues par la voie criminelle.

III. Tels sont les objets qui tombent sous la juridiction générale des juges de paix. Il est maintenant des règles particulières établies pour chacune des branches de leur juridiction ainsi définie.

La première de ces règles, c'est qu'en matière purement personnelle ou mobilière, l'action doit être portée devant le juge du domicile du défendeur, et si le défendeur n'a pas de domicile, devant le juge de sa résidence. Actor sequitur forum rei (art. 2 du Code de Proc.). Voy. Citation, Sir, no 11

et suivants.

S'il y a plusieurs défendeurs, on peut citer devant le juge de l'un d'eux, au choix du demandeur. (Code de Procéd., art. 59.)

En matière de garantie, on cite devant le juge où la demande originaire est pendante. (Art. 32 et 59.)

Si l'action a pour objet le paiement de frais faits par un officier ministériel, attaché à la justice de paix, comme un greffier ou un huissier, elle doit être portée devant ce tribunal.

La seconde règle, c'est que l'on doit s'adresser au juge de la situation de l'objet litigieux, lorsqu'il s'agit d'une des actions comprises dans les quatre premiers numéros de l'art. 10 de la loi du 24 août. (Code de Procéd., art. 3.)

IV. Un principe enfin qu'il ne faut point perdre de vue, c'est que la compétence, comme le ressort, se règle par la demande et non par la condamnation. Quoties de quantitate ad judicem pertinente quæritur, semper quantum petatur quærendum est, non quantum debeatur. (Cour de cass., 11 avril 1827.)

Mais on remarquera que la demande pouvant se modifier jusqu'au jugement, ce sont les conclusions définitives, et non pas celles de l'exploit introductif d'instance, qui fixent la compétence et le ressort. (Cour de cass., 11 avril 1831.)

La même cour a jugé, le 6 juillet 1814, que si les conclusions ne sont réduites qu'en l'absence du défendeur, la compétence reste déterminée par la demande primitive. C'est qu'en effet le défendeur, cité en condamnation d'une somme qui excède le taux de la compétence du tribunal où on l'appelle, a dû s'en rapporter à la loi elle-même, qui défend au juge de sortir du cercle qu'elle lui a tracé, et n'est pas tenu de se présenter devant un tribunal qui est forcé de se déclarer incompétent sur le simple vu de la citation. Cette citation, d'ailleurs, est acquise au défendeur, et les modifications qu'elle subit tandis qu'il est défaillant, lui demeurent étrangères.

V. La valeur de l'action se compose, non-seulement de la demande principale, mais encore des intérêts échus ou des dommages-intérêts que l'on réclame, si la cause en remonte

à une époque antérieure à la citation. On y joint aussi les frais d'enregistrement du titre de créance dont le paiement est poursuivi (cour royale de Paris, 7 novembre 1825). Quant aux intérêts, dommages-intérêts et frais dont l'origine et la cause sont postérieures à la demande, ils n'influent en rien sur la compétence et le ressort (Merlin, Répert., vo. Dernier ressort, S11; cour d'Amiens, 30 décembre 1825).

VI. Il est des actions même personnelles et mobilières, qui ne peuvent être portées devant la justice de paix, quelque minime qu'en soit la valeur. Ce sont celles dont la connaissance est attribuée par la loi à un autre tribunal. Ainsi les actions en paiement des droits que la régie de l'enregistrement est chargée de recouvrer, appartiennent exclusivement au tribunal civil (Loi du 22 frimaire an 7, art. 64). Ainsi, toutes les contestations relatives aux engagements et transactions entre négociants, marchands et banquiers, toutes les contestations relatives à des actes de commerce entre toutes personnes, sont du ressort exclusif du tribunal de commerce (Code de Commerce, art. 631). Ainsi, encore, les contestations entre associés de commerce pour raison de la société, sont exclusivement déférées à un tribunal arbitral (art. 51 du même Code).

VII. Lorsque, sur une demande de la compétence du juge de paix, le débiteur élève une exception prise dans la qualité de l'une des parties, peut-on appliquer le principe que le juge de l'action est le juge de l'exception? Si, par exemple, assigné en paiement d'une somme de 100 fr. dont on prétend que je suis débiteur comme héritier de Jacques, mon cousin, je dénie cette qualité, le juge de paix pourra-t-il statuer sur cet incident?

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M. Longchampt se prononce pour l'affirmative, en se fondant sur le principe que nous venons de rappeler. C'est à notre avis une grave erreur. Il ne faut pas oublier que le tribunal de paix est un tribunal exceptionnel, institué pour juger certain genre de causes, certum genus causarum. Hors de là, il n'a plus de juridiction, plus de pouvoir; ses décisions seraient entachées d'un vice radical qui les exposerait infailliblement à la censure de la cour suprême.

La règle que le juge de l'action est le juge de l'exception, vraie pour les tribunaux ordinaires, ne peut s'appliquer aux autres juridictions que lorsque, par sa nature, l'exception rentre dans le cercle de leurs attributions légales. Ainsi, que dans une instance en justice de paix il s'élève une question de propriété, ou qu'une des parties s'inscrive en faux contre le titre de son adversaire, cet incident, s'il ne dessaisit pas le juge

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