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avec humilité chaque individu, a pitié de ses malheurs et de ses défauts, sans fraterniser avec le péché et les misères morales de la masse.

Le christianisme donne l'idée politique la plus sublime, la mission d'en haut. Dans cette idée se trouve la résolution de tous les problèmes de devoirs et de droits. Si le prolétaire prétend avoir le droit d'élire un législateur, et d'être élu lui-même, demandez-lui s'il a la mission de Dieu de faire des lois. Et si le grand propriétaire prétend avoir le droit de jouir tout seul de sa propriété sans qu'on lui impose des obligations publiques pour ses travailleurs et ses pauvres voisins, demandez-lui si c'est la mission pour laquelle Dieu lui a donné du bien.

Le christianisme a fondé la Communauté du Saint-Esprit, véritable souveraineté du peuple, qui, comme pouvoir moral et comme garantie réciproque de l'ordre divin, limite l'autorité, et lui trace une ligne de démarcation.

Certes, avant tout, le christianisme a pour but de rédimer l'individu. Mais il est en même temps un pouvoir social créant une constitution et la liberté. C'est l'idéal d'un royaume de Dieu, d'une communauté d'élus où chacun est protégé dans sa liberté et dans sa pureté, où chacun est protecteur de la justice divine.

Aussi, depuis la venue du Christ, il n'y a pas eu l'ombre de liberté politique qui ne fut le reflet de l'idée chrétienne L'empire allemand, dans ses plus beaux temps de liberté, était fondé sur le Christianisme. Ce que l'on admire en Angleterre, la liberté constitutionnelle, et même la liberté américaine, sont l'œuvre des puritains qui, à côté de grandes erreurs, étaient pourtant inspirés de l'idée chrétienne. Leur but était de créer une vie nationale en l'honneur et pour la glorification de Dieu. Les trois grandes puissances européennes qui, il y a quarante ans, ont fait un pacte contre la révolution sur la base du christianisme, ne s'opposent nullement au développement de la liberté

politique, selon le degré d'intelligence de chacun de leurs peuples, toujours en suivant l'ordre de Dieu.....

Il n'y a que le Christianisme, qui puisse fermer l'ère de la révolution; car le Christianisme est l'image originale de la liberté, dont la révolution n'est que la caricature. Là où l'image glorieuse émerge de sa nuée, les ombres de caricature disparaissent. C'est pourquoi la révolution ne sera jamais entièrement fermée, précisément parce que, sur la terre, cette image parfaite ne surgira pas. La révolution peut être abattue, on peut lui mettre le pied sur la nuque, mais elle se cabrera toujours; dès que le gardien s'endort, elle se relève debout, semblable à Amalek, qui se relevait quand les bras de Moïse tombaient.

C'est pourquoi le temps ne reviendra plus où les rois et les princes pourraient s'abandonner à leurs vices, injustices, passions, amours et rivalités.

L'ennemi de la société humaine, toujours prêt à combattre, les attend dès qu'ils mettent un pied en dehors du château-fort des devoirs divins. Nous autres, sujets aussi, nous sommes sur cette terre entourés de tribunaux divins. Il nous est défendu de fermer l'œil, de mettre bas les armes, car, nous tous, nous sommes des gardiens et des soldats contre la révolution. La révolution est l'empire du péché. Le combat contre elle ne se livre pas seulement devant les barricades et dans le parlement. Tout chrétien craignant Dieu, conservant la fidélité au roi, remplissant modestement sa mission, aimant les mœurs et la chasteté, est un héros contre la révolution. Quiconque veut rompre avec la révolution, a d'abord à rompre avec le péché. Nul ne peut vaincre un ennemi étranger avant de l'avoir vaincu dans son propre cœur. La rupture complète avec la révolution, c'est la fidélité chrétienne.

Dieu veuille que les princes ne sortent pas du cercle des lois éternelles ; que les gardiens ne s'endorment pas; que les combattants ne se fatiguent pas, et que les mains de Moïse ne s'abaissent pas !

Fasse Dieu que nous conservions la fidélité, afin de pouvoir rester vainqueurs et dans ce monde-ci, et dans l'éternité !

(Extrait du discours du D' FRÉDÉRIC-JULES STAHL.)

DES RAPPORTS DU CHRISTIANISME

AVEC LE DROIT ANCIEN ET LE DROIT MODERNE

Nos lecteurs n'ont pas oublié que cette question, de l'influence du Christianisme sur le Droit en général, a été traitée dans ce recueil avec une remarquable supériorité. Cependant on ne saurait trop l'examiner sous ses divers aspects, car elle est trop large et trop élevée pour être épuisée jamais. Ajoutons que nous devons le moins possible la perdre de vue, puisqu'elle sert de base aux modifications que nous demandons, chaque jour, dans notre régime légal.

Une seconde raison nous a déterminé encore à étudier de nouveau cet important sujet. La science du droit, de notre temps, se matérialise comme celle de la pensée.

On se plaint justement de la sécularisation de la philosophie, qui se lie si étroitement à la connaissance de Dieu, et à l'étude des vérités éternelles. Aujourd'hui, malheureusement, cette tendance à tout détacher de son véritable principe, s'accentue davantage. Le point de départ de la science moderne est dans la raison humaine. L'observation des faits, les recherches expérimentales étant obligées de passer à ce creuset, on y fait entrer, on soumet au même travail les principes abstraits et surnaturels. Au lieu de faire de la raison le guide, le criterium des opérations de l'esprit, on lui donne le pouvoir de tout créer, de tout engendrer d'elle-même: religion, droit, phi

losophie, aspirations de la pensée vers l'infini et l'absolu. Mais comme cette faculté procède à son tour de la matière animale, transformée et perfectionnée, après des refontes successives, il s'ensuit, que le principe générateur de toute vérité morale et intellectuelle, se trouve dans cette même matière, la source et l'origine de tout être pensant ou inerte.

Les conséquences de ce système, au point de vue des lois qui régissent le monde social et politique, sont déplorables. Le droit, d'après Rousseau, est le résultat d'un contrat social, de la nécessité de faire marcher, en bon ordre, le troupeau humain. Grâce au matérialisme, on peut descendre encore plus bas. En effet, si nous ne sommes qu'un composé d'atomes, pourquoi n'aurions-nous pas nos lois nécessaires de gravitation, comme le monde planétaire? C'est le suppression de toute espèce de liberté, c'est l'emprisonnement de l'âme humaine dans le cercle le plus étroit et le plus blessant.

Le droit, qui découle de Dieu, est la sauvegarde de nos libertés; le droit que s'arrogent les hommes, au mépris des droits de Dieu, est le principe de toutes les tyrannies.

En défendant cette origine de la loi humaine, et en la mettant ainsi hors de toute atteinte, nous faisons donc une œuvre utile, profondément rassurante pour notre indépendance et notre régénération morale. Mais il déplaît aux hommes pratiques de revenir à ce point de départ de toute législation naturelle ou écrite; ce serait pour eux, ces prétendus pionniers de leur siècle, introduire un élément ancien et usé, dans une science qui progresse, et qui se perfectionne comme toutes les autres sciences.

La vérité a beau être de tous les temps, il ne faut l'admettre, qu'avec les altérations nécessaires qu'elle subit, suivant le mot de Pascal, au delà ou en deçà des Pyrénées.

Les idées chrétiennes furent, non-seulement un progrès, mais l'expression de la vérité absolue, et révélée par Dieu

lui-même. N'importe! vérité autrefois, erreur aujourd'hui, voilà comment il faut juger le Christianisme, aux clartés de la philosophie moderne.

Nous n'avons aucune répugnance à être pratiques avec les hommes qui se flattent de l'être. Il y a quatorze siècles, quand la religion chrétienne prit définitivement possession de l'Europe, depuis les plus petits Etats jusqu'aux plus grands, elle avait, pour la solution des problèmes sociaux de toute nature, qui occupaient alors la pensée générale, une utilité féconde qui a été reconnue depuis par tous les historiens de bonne foi. Aujourd'hui, qu'il y a tant à faire dans le même ordre d'idées, ne peut-elle pas nous rendre les mêmes services? Notre iutérêt le plus immédiat, le plus pressant, n'est-il pas de faire appel à ses lumières, quand nos ancètres en profitèrent si heureusement? Telle sera notre manière d'envisager le Christianisme, dans ses rapports avec le Droit ancien et moderne.

Notre code civil a puisé principalement à trois sources: le Droit romain, le Droit coutumier et le Droit moderne, celui qu'on fait dater de la Révolution de 1789.

Du premier, nous avons conservé les principes du droit naturel, applicables à notre civilisation, ces maximes éternelles, de haute raison et de sagesse, qui composent le fonds commun de tous les peuples, le vrai patrimoine de l'humanité. Le second, renferme l'élément national, le fruit de nos vieilles mœurs, les usages consacrés par le temps et l'expérience. Le troisième, enfin, représente le progrès rationnel, introduit dans nos lois, par les enseignements philosophiques du XVIIIe siècle. Il semble que ce dernier élément, si fort au lendemain de la Révolution, ait voulu dominer et emporter tous les autres. En effet, quand nos législateurs érudits se livraient à une refonte générale des travaux juridiques du passé, on comprend que, vivant sur un sol profondément bouleversé, ils en sentissent, dans leurs esprits, mème à leur insu, les violentes agitations. Toutefois, il faut le reconnaître, leur choix dans la masse

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