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civil à accomplir un acte que réprouve la conscience religieuse. La thèse que je défends, loin d'y porter atteinte, en revendique les priviléges.

Je ne parle pas de la douleur des catholiques qui verraient la loi et la justice consacrer la violation des promesses auxquelles ils ont cru, leur inquiétude, lorsque le prêtre, confident de toutes leurs misères, à qui ils ont apporté leurs secrets les plus intimes, préluderait par la liberté de ses mœurs à la liberté de son existence reconquise.

C'est cependant une considération grave, puisqu'elle intéresse la majorité des citoyens français professant la religion catholique.

du

Je ne m'occupe ici que de ceux pour lesquels on réclame si bruyamment les droits de la liberté de conscience prêtre marié et de sa compagne.

Peut-être, suivant la pente la plus mauvaise de la nature humaine, ce prêtre en viendra-t-il à haïr chaque jour davantage ceux qu'il a offensés. Peut-être voudra-t-il, comme Mathan,

« ...Anéantir le Dieu qu'il a quitté. »

Mais peut-être aussi, avec l'âge, les désillusions et les chagrins de la vie, le remords viendra-t-il, sinon à lui, du moins à la jeune femme ou à la jeune fille, entraînée, ignorante, inexpérimentée, qui a consenti à l'épouser.

Ce n'est pas là une vaine hypothèse. Depuis quatre-vingts ans, la nullité de trois mariages de prêtres, consommés malgré l'empêchement, a été poursuivie devant les tribu

naux.

Dans l'un de ces trois procès, c'était la femme qui, saisie d'effroi lorsqu'elle avait compris, avait voulu rompre. Et le tribunal d'Agen, par un jugement rendu en 1860, lui donna gain de cause:

«La morale et le bon sens s'opposent, dit ce jugement, › à ce qu'une femme puisse être réduite à vivre, d'après

> ses principes religieux, dans un adultère continuel et à > faire constamment à sa conscience une semblable vio> lence. >>

En 1865, devant le tribunal de la Seine, c'était un homme jeune encore qui venait, suivant l'expression de son avocat, « déposer aux pieds de la justice l'aveu public et humilié » de sa faute passée. »

Que les défenseurs de la liberté de conscience y prennent garde! A l'indissolubilité du sacerdoce ils substituent l'indissolubilité du mariage sacrilége. La femme, à qui ce lien fait horreur, sera ramenée de force dans la maison du prêtre, devenu son mari. Elle sera réintégrée par arrêt de justice à ce domicile conjugal sur lequel sa conscience lui montre suspendue la malédiction divine.

Je réclame pour les malheureux engagés dans de pareilles unions LA LIBERTÉ DU REPENTIR, et je crois être en cela le défenseur véritable de la liberté de conscience.

Dieu merci! la justice française leur a toujours accordé et garanti cette liberté. Le récent arrêt de la Cour de cassation n'avait pas à fonder une jurisprudence nouvelle : il a affermi et complété celle qui existait.

Le mariage des prêtres, prohibé d'après les arrêts de 1833 et de 1847, restera sans effet légal s'il est contracté. Le ministère public, d'office, et les parties y ayant un intérêt né et actuel, peuvent en demander la nullité. Telles sont les conséquences de l'important arrêt dont le moment est venu de donner le texte :

Sur le premier moyen tiré de la violation de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810:

Attendu que le rejet de conclusions tendant à la preuve de certains faits est implicitement, mais formellement, motivé par l'affirmation, dans l'arrêt ou le jugement, de faits excluant ceux dont la preuve est offerte;

Attendu que, par ses conclusions subsidiaires, Aupy, dans le but d'établir la validité de son mariage, demandait à être admis à

prouver que peu de temps avant de contracter, il avait été relevé de ses vœux de prêtrise par le Souverain Pontife;

Attendu que l'arrêt attaqué, en déclarant qu'Aupy était prêtre catholique lorsqu'il a contracté mariage et qu'il a dissimulé cette. qualité à l'officier de l'état civil, et en attachant à ladite qualité l'incapacité qui créait un empêchement dirimant au mariage d'Aupy, a nécessairement donné au mot prêtre son sens complet et usuel, et voulu dire qu'Aupy était encore, au moment de son mariage, soumis à ses vœux de prêtrise;

Attendu que la Cour de Rennes, ayant ainsi constaté un fait contraire à celui dont la preuve était offerte, a par cette constatation même motivé le rejet de l'offre de preuve;

Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l'article 184 du Code civil :

Attendu qu'il résulte des articles 6 et 26 de la loi organique du Concordat de germinal an x, que les prêtres catholiques sont soumis aux Canons qui étaient alors reçus en France, et par conséquent à ceux qui prohibaient le mariage aux ecclésiastiques engagés dans les ordres sacrés et déclaraient nuls les mariages contractés au mépris de cette prohibition;

Attendu que le Code civil et les lois constitutionnelles ne renfermant aucune dérogation à cette loi spéciale, l'arrêt attaqué, en déclarant nul et de nul effet le mariage contracté le 4 avril 1869 entre Aupy, prêtre catholique, et la De Le Mignon, n'a pu violer aucune loi.

Par ces motifs,

Rejette.

Chambre des requêtes. 26 février 1878.

MM. Bédarrides,

président; Lepelletier, rapporteur; Robinet de Cléry, avocat

général (concl. conf.). — Plaidant: M Bosviel, avocat.

ROBINET DE CLÉRY,

Avocat général à la Cour de cassation.

CONSULTATION

SUR LES ENQUÊTES PARLEMENTAIRES (1).

Les jurisconsultes soussignés,

Consultés sur la nature et l'étendue des obligations imposées aux personnes qui sont convoquées par les commissions d'enquêtes parlementaires,

Ont arrêté la délibération suivante :

La Chambre des députés a adopté, le 15 novembre 1877, une résolution tendant à la nomination d'une commission chargée de faire une enquête parlementaire sur les élections des 14 et 28 octobre 1877.

Cette résolution, insérée au Journal officiel du 22 novembre, est conçue en ces termes :

« ART. 1er. Une commission de trente-trois membres, » nommés dans les bureaux, sera chargée de faire une en» quête parlementaire sur les actes qui, depuis le 16 mai, » ont eu pour objet d'exercer sur les élections une pression » illégale. »

Aux termes de l'article 2. « Elle est investie, pour rem» plir sa mission, des pouvoirs les plus étendus qui appar» tiennent aux commissions d'enquêtes parlementaires. »

Aucun texte n'a défini ou déterminé ces pouvoirs

Lorsqu'en 1842, la Chambre des députés revendiqua pour la première fois le droit de faire une enquête parlementaire, sur trois élections dont la validité était contestée, et dont elle avait préalablement prononcé l'ajournement, elle ne pouvait, à défaut de règle écrite, invoquer aucun précédent.

La commission d'enquête, nommée à cette époque, ne se transporta pas dans les arrondissements dont les élections étaient en litige; elle continua de siéger, comme une commission ordinaire, dans le palais de la Chambre ses travaux furent suspendus avec ceux de la session et ne recommencèrent qu'à l'ouverture de la session suivante. Sans demander aux personnes interrogées aucun serment, sans chercher aucun moyen de contrainte contre ceux qui ne voulaient pas répondre à ses convocations, elle se contenta de recueillir les renseignements fournis par les déclarants qui comparaissaient volontairement devant elle.

Depuis lors, et pas plus en 1848 que sous l'Empire, personne ne jugea qu'il fût nécessaire d'organiser la procédure

(1) Cette consultation importante du Comité des Jurisconsultes conservateurs nous est adressée par un des signataires.

à suivre par les commissions d'enquêtes parlementaires. Ce n'est que tout récemment, et à l'occasion de réclamations soulevées par les prétentions de la nouvelle commission, que l'on a songé à la nécessité de donner une réglementation à cette procédure législative.

Le Gouvernement lui-même s'est préoccupé des protestations que rencontraient les prérogatives et les droits que s'attribue cette commission d'enquête. Par arrêté du Président du Conseil, garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 26 décembre 1877, il a été institué, au ministère de la justice, une commission chargée de préparer un projet de loi sur l'exercice du droit d'enquête parlementaire. (Journal Officiel du 27 décembre 1877.)

Ce projet, qui constitue le premier essai législatif sur cette matière, n'a pas encore été soumis aux délibérations des Chambres. Cette remarque n'a pas d'autre intérêt que de démontrer, ainsi qu'il est généralement admis jusqu'alors, et d'accuser d'une manière plus saillante encore, combien on avait jugé peu nécessaire d'établir une réglementation de cette nature.

La base sur laquelle peuvent être établis les droits de la commission d'enquête parlementaire, se trouve dans l'article 10 de la loi constitutionnelle des 16 et 18 juillet 1875, aux termes duquel chacune des Chambres est juge de l'éligibilité de ses membres et de la régularité de leur élection.

Cette attribution confère aux commissions chargées d'examiner la régularité d'une élection, le droit de rechercher les éléments d'appréciation nécessaires pour juger la valeur des protestations et proposer la validation ou l'annulation des opérations électorales.

En l'absence de règles spéciales et positives, on est obligé de s'en référer exclusivement aux principes généraux du droit, aux conditions d'exercice du pouvoir législatif, et au principe de la séparation des pouvoirs qui domine toute notre organisation politique.

La commission d'enquête ne tient ses pouvoirs que d'une résolution de la Chambre des députés. Cette résolution n'a pas été soumise aux délibérations du Sénat : elle n'a pas été l'objet d'une promulgation par le Président de la République; elle ne peut pas dès lors être assimilée à une loi et avoir un caractère impératif. Elle ne peut imposer une obligation quelconque à aucun citoyen, quel qu'il soit; elle n'a d'autre valeur, en un mot, que celle d'un règlement intérieur.

Soit qu'elle siége à Versailles, au lieu des séances de la Chambre des députés, soit qu'elle transporte son action en province, dans l'un et l'autre cas, la commission a des attributions et des pouvoirs absolument identiques. Elle ne

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