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Şur le caractère de cette faute aucun doute n'est possible. L'article 45 du décret de 1813 est formel. De nombreux arrêts de la Cour de Cassation décident que la contravention existe sans qu'on puisse excuser l'officier ministériel » à raison de sa bonne foi ou d'après d'autres motifs analo»gues. (Ch. cr., 15 mars 1836. Ch. réunies, 18 décembre 1843.- MM. Portalis, pr. pr.; Mesnard, rapp.; Dupin, proc. gén. (concl. conf.)

Mais comment établir l'existence même de la faute ? N'est-ce pas se mettre en contradiction avec le contenu des actes authentiques et méconnaître la foi qui leur est due?

Dans une espèce analogue un arrêt de la Cour de Toulouse avait admis la nécessité d'une inscription de faux (18 janvier 1866). « La prohibition d'attaquer les actes au>>thentiques autrement que par l'inscription de faux est » d'ordre public, disait cet arrêt devant cet intérêt gé» néral, tout intérét privé s'efface. On ne peut concevoir un >> acte authentique livré aux résultats d'une preuve ordi> naire, privé pour son maintien des garanties que la loi > lui réserve, et enfin déclaré mensonger et frauduleux » dans un intérêt interdit et privé, alors qu'il conser» verait sa force et sa valeur pour les parties directement > intéressées. >>

Le pourvoi reproduisait les mêmes arguments dont il eut été difficile de méconnaître la gravité, s'il s'était agi d'actes déterminés, produits aux débats, et si les demandeurs avaient soutenu que, malgré leur contenu, ces actes n'avaient pas été notifiés par l'huissier lui-même.

Mais les allégations de la demande étaient tout autres. Sans rien articuler au sujet du contenu des actes, les demandeurs se bornaient à soutenir qu'ils étaient remis habituellement par des clercs. Comment les huissiers poursuivis conciliaient-ils cette habitude avec les mentions qui doivent constater la notification? Leurs actes renfermaient-ils l'aveu de cette irrégularité? La dissimulaient-ils au contraire? L'offre de preuve ne contenaient rien à ce sujet.

De son côté, la défense invoquait la tolérance de la chancellerie et du parquet. Elle ne produisait pas, pour répondre à cette articulation de faits, les actes incriminés. Comment, dès lors, le titre xi du livre II du Code de procédure, sur le faux incident civil, eût-il pu être appliqué? La procédure d'inscription de faux suppose « une pièce signifiée, communiquée ou produite,» suivant les expressions formelles de l'article 214. Sans cette production, il n'est pas une des formalités prescrites par la loi qu'il soit possible d'accomplir..

La Chambre des Requêtes a dicidé par l'arrêt que nous

rapportons, qu'il n'était pas nécessaire, dans ces circonstances de fait, de recourir à la voie de l'inscription de faux « contre des actes qui n'étaient pas produits et qui » n'étaient pas opposés à la demande. » Cette procédure exceptionnelle n'est pas obligatoire, en effet, dans le cas d'une contradiction hypothétique, plus ou moins vraisemblable, avec des actes authentiques. Il faut qu'une contradiction réelle et certaine résulte de la présentation de l'acte lui-même, et qu'après sommation, celui qui a produit cet acte persiste à s'en servir. Tel est le sens évident des articles 215 et suivants du Code de procédure civile.

ROBINET DE CLÉRY,

Avocat général à la Cour de cassation.

BIBLIOGRAPHIE.

I.

ÉTUDES DE DROIT COMMERCIAL.

COURS DE DROIT MARITIME, par M. CRESP, ancien professeur à la Faculté de droit d'Aix, annoté, complété et mis au courant de la jurisprudence la plus récente, par Auguste LAURIN, professeur de droit commercial à la Faculté de droit d'Aix et à la Faculté des sciences de Marseille. Tome second (1).

ESSAI HISTORIQUE ET CRITIQUE SUR LA LÉGISLATION DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER, par C. LESCŒUR, docteur en droit, licencié ès-lettres, professeur à la Faculté libre de droit de l'Université catholique de Paris (2).

Ce n'est pas en matière de droit maritime qu'on peut déplorer la surabondance des ouvrages dogmatiques et se plaindre qu'ils dépas

(1) Paris, librairie Maresq aîné. - Aix, Achille Makaire.

(2) Paris, Maresq aîné, libraire-éditeur.

sent la charge d'une bête de somme, onus camelorum, selon l'expression de Justinien. Une lacune des plus anciennement signalées de notre littérature juridique, est précisément le défaut que nous avons ressenti jusqu'à ce jour de tract spécial et complet sur cette branche importante du droit commercial. Nous avions des recueils d'arrêts, des travaux connus pour faciliter les recherches des praticiens, d'excellentes monographies, même dans le genre de celles que nous devons à la plume fort compétente de M. de Courcy (1). Mais le commentaire doctrinal, l'exposition méthodique des règles qui gouvernent la matière, nous sommes restés longtemps sans les posséder. L'enseignement des Facultés aurait pu, dans une certaine mesure, combler ce vide regrettable. Mais, dans la plupart des siéges universitaires, si l'on en excepte les villes où se débattent à la barre des tribunaux ou devant les chambres de commerce les intérêts de la navigation d'outre-mer, le droit maritime n'occupe au cours qu'une place secondaire.

Les leçons imprimées de M. Cresp répareront cette insuffisance. Sous leur première forme déjà, et du vivant du maître, elles avaient commencé à tirer d'un injuste oubli une science traditionnellement cultivée par les jurisconsultes français, enrichie, sous l'ancien droit, d'incomparables commentaires, présentant, de nos jours encore, à l'investigation savante, des problèmes d'une haute portée et des aperçus richement féconds.

Poursuivant avec un zèle infatigable la publication de l'œuvre qui lui a été léguée, M. Laurin nous apporte aujourd'hui un second volume, brillant des mêmes qualités que son aîné, portant, comme celui-ci, la trace de patientes recherches, marqué à la forte empreinte de la conscience et du talent. On a présent au souvenir les mérites comme le sujet du tome premier. On se rappelle les belles généralités de M. Cresp sur la mer et les navires, sa classification neuve, ingénieuse, quoiqu'un peu artificielle, qui consiste à placer l'engagement des gens de port dans une sorte de groupe spécial qu'il appelle Sociétés maritimes On se souvient également de la part considérable de travail personnel qui revient à M. Laurin dans l'œuvre collective. Son étude, si bien distribuée, si forte et si concise, sur l'hypothèque maritime, méritait une attention spéciale, en dépit de la stérilité de la loi de 1874. Quelles sont les causes qui ont frappé d'inefficacité ce qui devait être un si puissant élément de crédit? Nous n'avons pas à nous en expliquer.

Si l'hypothèque maritime est restée à peu près inconnue dans la pratique, si elle laisse à peine trace de son passage dans les actes notariés, si la marine marchande, en un mot, répudie le bénéfice de l'innovation faite en sa faveur, le mal tient évidemment à une crise à laquelle la politique n'est pas étrangère, mais qui puise également sa source, selon nous, dans l'abolition prématurée du régime protectionniste, abolition qui livre le marché européen à la concurrence désastreuse des Etats-Unis.

Pour revenir de l'économie politique au droit pur, nous noterons que l'ordre logique des idées amenait M. Cresp à traiter maintenant à fond des louages maritimes. En effet, le professeur commence à tracer les grandes lignes de la matière; puis il s'arrête court et se

(1) Voir ses Questions de Droit maritime.

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jette dans un nouvel ordre d'idées, le contrat a la grosse et l'assurance. Rien de plus capricieux qu'un pareil plan. « Il s'arrête, dit-il, au moment où la marchandise est mise à bord, renvoyant, pour la question des risques et de leur influence sur les contrats de commerce, à ces deux contrats dont les risques sont l'objet et la matière même. »>

Comme le fait observer avec grand sens le savant annotateur, la priorité d'importance alléguée ici n'offrait pas un motif suffisant pour ajourner la théorie des affrétements. Cette convention ne joue pas un rôle très-fréquent dans la pratique, et, d'autre part, il est nécessaire de la connaître pour embrasser d'une vue complète les deux opérations auxquelles M. Cresp montre une telle impatience d'ar

river.

Pour rectifier autant qu'il est en lui cette erreur de méthode, M. Laurin anticipe sur les détails qui seront donnés plus tard. Il laisse sans doute de côté la question des risques, mais il transporte ici l'examen de plusieurs questions dont la solution intéressé la convention d'affrétement.

Il faut, d'ailleurs, l'avouer, le peu que nous donne M. Cresp, porte le sceau de ses qualités habituelles. Il déploie sa rare sagacité dans les pages où il démontre que l'affrétement est tout à la fois un louage de choses et un louage de services (p. 113). Il expose sa pensée avec simplicité et en même temps avec largeur. Rien dans son langage qui sente le jargon de l'école. Aucune de ces formules arides, rebutantes, qui sont fatales pour la vulgarisation du droit. Parfois même lui arrive-t-il de tomber dans l'excès opposé et à force d'employer les termes les plus généraux, selon le conseil tout littéraire de Buffon, de manquer à la précision scientifique. Le vague de l'expression rejaillit alors sur la pensée! Son élève relève avec une juste rigueur ces inadvertances dangereuses. Ainsi, il note la confusion que fait le maître en nous présentant le contrat de change comme se formant par la lettre de change elle-même qui n'en est qu'un mode de preuve ou tout au plus de transformation (p. 31, note 18).

Cette partie du livre nous offre un hors-d'œuvre qui vaut la peine d'être signalé. On se rappelle, à l'époque où parut le premier volume, le succès qu'a obtenu une digression fort savante. Cette merveilleuse consultation, suivant l'article 109, Code com. Elle produisit ou dut produire un changement profond dans les habitudes de l'enseignement. On avait coutume jusqu'en ces derniers temps d'appuyer sur l'article 109, l'admissibilité arbitraire de la preuve testimoniale devant les tribunaux de commerce, M. Cresp a parfaitement établi que c'était donner à une décision fondée en raison une base fautive. Ce n'est pas, en effet, dans notre Code qui n'a pas prévu le cas, mais dans l'article non abrogé de l'ordonnance qu'est le vrai motif de décision. A côté de ce petit chef-d'œuvre d'analyse, qui rappelle pour l'art et l'élégance les meilleures traditions des jurisconsultes romains, on peut placer sans trop de désavantage une dissertation vive et saisissante sur les attributions des consuls, relativement aux actes faits par les Français à l'étranger. Cette parenthèse est venue tout naturellement s'intercaler dans la théorie des affrétements qui ont lieu, hors de France, dans les chancelleries des consulats.

Souvent, dans cette partie du livre, M. Laurin a tenu seul la

plume. La question des formes de l'acte d'affrétement, les énonciations que doit contenir la charte-partie, le nom, le tonnage du navire, le lieu et le temps convenu pour la charge et pour la décharge, les difficultés qui s'élèvent à cette occasion; enfin, la sanction diverse donnée par la loi à l'absence des indications de plnsieurs genres qu'elle prescrit, tous ces points sont traités intégralement de sa main. Il n'a pas eu pour s'aider le secours des notes de son guide. A vrai dire, il y gagne, semble-t-il, plutôt qu'il n'y perd. Son allure est plus vive, son plan mieux dessiné. Son opinion, que ne soutient plus la vieille autorité du maître, n'en a pas moins un cachet frappant de vérité. Comme à M. Cresp, les vues législatives lui sont familières. Il signale, à l'occasion des obligations imposées au fréteurs, la regrettable lacune de notre Code, qui ne permet pas aux experts chargés de la visite préalable des navires, de porter leurs investigations sur l'excès de la charge, cause bien autrement fréquente, comme il le dit, de perte en mer du bâtiment qu'un défaut intrinsèque de navigabilité. Invoquant les arguments d'analogie appréciée de la législation comparée, il demande qu'à l'exemple d'un projet présenté à la Chambre des communes, on étende aux transports maritimes les règles de sage prévoyance établies par le législateur pour transport par voitures publiques (article 225 du Code de com.)-(Tr. page 106 et 107).

Enfin, l'obligation de payer le fret, la première en importance et la plus féconde des questions que fait naître le contrat de louage maritime, celle à laquelle le titre du code a consacré la majeure partie de ses dispositions, est examinée à fond et suivie dans le détail de ses ramifications nombreuses. Les monuments de la jurisprudence ont été compulsés avec soin par le consciencieux et savant professeur qui est à l'appui ou à l'encontre de ses propres idées des nombreuses décisions des ressorts du Midi, et notamment de celui d'Aix.

Nous passons maintenant sans aucune transition au contrat à la grosse. Tout comme on était surpris de voir M. Cresp laisser inachevée la théorie de l'affrétement, on s'étonnera qu'il passe ainsi sous silence la question des avaries; c'est-à-dire, des accidents mêmes que le contrat à la grosse a pour but de réparer. Même difficulté à s'expliquer le renvoi à une date ultérieure de l'assurance, cette sorte de convention-mère, dont le contrat à la grosse n'est qu'une variété, comme l'observe fort justement M. Laurin. Valin, esprit si juridique, si sûr en genéral, disait du contrat à la grosse qu'il est une assurance mélangée de fret, dans laquelle l'assureur avance à l'assuré le montant de la chose mise en risque. Une interversion aussi malencontreuse ne saurait être imputée à l'éditeur du cours de M. Cresp. C'est celui-ci qu'il faut accuser, si même on ne fait remonter la responsabilité plus haut, au code luimème et à l'ordonnance de la marine qui l'a précédé. La raison historique a fait fléchir, ici, l'ordre logique et naturel. On se trouvait en présence d'une théorie faite depuis des siècles. Les précédents les plus célèbres sur la matière remontent encore au Droit romain. Qui donc, parmi les jurisconsultes, ignore entre autres textes fameux la loi 20 4 D. qui potui in. pign. 5 et 6, qui attribue au deuxième prêteur priorité sur le premier?

Ces réserves faites par rapport au plan, et quitte à nous résigner à ces nombreux renvois à la matière des assurances pour les

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