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questions communes aux deux contrats, nous admirerons avec quelle sobriété de moyens et néanmoins quelle clarté souveraine, M. Cresp nous explique le mécanisme compliqué du nauticum fœnus. C'est bien là le modèle de la science dépouillée d'appareil. C'est bien là cette lucidité persuasive qui faisait dire à un de ses compatriotes, Vauvenargues :

Joignez à cette qualité maîtresse le commerce familier des vieux auteurs, un instinct admirable pour saisir le génie de deux législations successives et les nuances qui les séparent dans l'application, une faculté de synthèse qui groupe instantanément les idées, qui relie sans effort chaque solution à un principe, vous aurez une idée des mérites d'une œuvre qui est comme le testament de l'éminent jurisconsulte. Lisez, pour en faire l'épreuve, ses observations d'un intérêt rétrospectif sans doute, mais encore fort attachant, sur une question tranchée par une interprétation législative récente, l'étendue qu'il s'agissait de donner sous le régime du Code et sous celui de l'ordonnance à la faculté d'abandon du bâtiment et du port, donnée à l'armateur qui veut s'exonérer de la responsabilité des actes du capitaine. Lisez encore les élégantes solutions données par M. Cresp, en prévision des cas où le navire reviendrait sur ses pas, par crainte des croiseurs de mer, par appréhension d'une capture imminente. Remarquez, enfin, l'ampleur magistrale avec laquelle il expose la controverse engagée entre Emergion et Valin, dans l'hypothèse où un emprunt a été fait sur une valeur excédant la somme empruntée, emprunt de 10,000 par exemple sur un chargement de 20,000, et où surviennent peu après un sinistre suivi d'un sauvetage partiel, faits qui provoquent une double action : l'une, de la part du prêteur pour le montant de son prêt; l'autre, de la part de l'emprunteur pour l'excédant de valeur sur sa chose. M. Cresp prend parti pour Valin contre Emergion, c'est-à-dire, pour l'idée du concours entre les deux intéressés, et sa pressante argumentation force en quelque sorte la conviction du jurisconsulte. (V. p. 369 à 375.)

La théorie des avaries, une des plus importantes de la matière, et dont l'application peut se faire à toutes les parties du droit, vient enfin prendre sa place dans l'ouvrage. M. Laurin fait preuve de son indépendance habituelle en se prononçant, contre l'avis de M. Cresp, pour l'interdiction de la clause qui affranchirait le prêteur des grosses avaries. L'article 330 et la tradition historique lui paraissent décisifs en ce sens. Ne céderait-il pas ici, en allant à l'encontre d'objections pratiques imposantes, à cette tendance un peu géométrique de son esprit, à cet excès de togique qui lui dictait, dans son premier volume, quelques solutions que nous avons dans le temps notées et qui rallieront malaisément le suffrage de la jurisprudence.

Quelles que soient ces nuances d'appréciations divergentes, disons hautement que presque partout on sera de l'avis de M. Laurin. On est comme subjugué par la force et le savoir qui se font sentir dans tout ce qu'il écrit. Quelques inadvertances sans portée, quelques vétilles, échappées à son imprimeur peut-être, ce sont les uniques taches qu'il sera permis de relever (1) Le vrai défaut du

(1) Ainsi une citation biblique a été légèrement tronquée : mundum tradidit disputationi C'est disputationibus qu'il faut. De même encore

livre, si tant est qu'il en est un, est celui de tous les ouvrages de ce genre. Des livres qui ont été faits par deux mains successives. Le tour d'esprit particulier à chacun des collaborateurs se prête mal à une association rétrospective. Les plans ne s'agencent pas toujours. Les additions, les renvois, les rectifications abondent. L'œil papillote constamment du texte à la note et de la note au texte. Tout bien pesé cependant, il faut s'applaudir des avantages spéciaux qu'offre ici cette publication à deux, cette œuvre qu'on aurait tort d'appeler hybride. En se reléguant au rôle modeste et bien plutôt apparent que réel d'annotateur de M. Cresp, M. Laurin a sauvé de l'oubli de précieuses épaves et en même temps il nous a communiqué le fruit de son propre travail. Nous avons ainsi les efforts combinés de deux fermes et savantes intelligences. De semblables services seront de tout temps appréciés. Qu'on se rappelle le succès qui a accueilli la première édition française de Zachariæ, dont le texte intégralement respecté parut accompagné de simples notes, fortes et concises. Depuis, le trait dogmatique du savant professeur de Heidelberg s'est en quelque sorte développé sous les mains fécondes des deux jurisconsultes distingués qui l'avaient pour la première fois présenté à nos compatriotes. Comme MM. Aubry et Rau, M. Laurin est du nombre de ceux qui, en publiant la pensée d'autrui donnent la mesure de ce qu'ils peuvent eux-mêmes. Nous le comparerions volontiers à ces traducteurs des grands siècles littéraires qui révélaient des qualités originales en rendant des idées qui ne leur appartenaient pas. C'est à son prochain volume que nous donnerons rendez-vous au savant professeur. La difficile et féconde matière des assurances lui fournirà nécessairement l'occasion d'amender et de compléter en bien des points le cours de M. Cresp. Il fera souvent acte d'auteur en même temps que de critique. Nous prédisons sans crainte, pour l'avoir déjà vu à l'œuvre dans un cours professé sur ce sujet, qu'il tiendra toutes les promesses contenues dans ce qui a paru de lui.

Jules CAUVIÈRE,

Professeur à la Faculté de droit de l'Université catholique de Paris.

II. VOCATIONS AGRICOLES.

Réflexions sur la situation économique et morale des campagnes, par J.-B. BUSSEUIL, avocat. - Paris, 1878, Plon, éditeur.

Par la nature même de leurs travaux, par les nécessités de leur profession, par la salubrité morale du milieu au sein duquel elles vivent, les populations rurales constituent sans nul doute la classe

nous signalerons, pour en déconseiller l'emploi si fréquent dans les ouvrages de jurisprudence, l'expression de vis-à-vis prise au sens figuré. Voltaire a fort bien établi que cela se dit toujours au propre. Ces minuties ne nous frapperaient pas sous une plume moins irréprochable que celle de M. Laurin.

de la société la mieux aguerrie contre les atteintes de la corruption, la plus inaccessible à l'esprit de nouveauté, la plus rebelle à la propagande révolutionnaire.

Faut-il en conclure que les campagnes jouiront éternellement de l'heureuse immunité qui, pendant longtemps, les a préservées de la contagion du mal? Ne voyons-nous pas, au contraire, s'effacer de jour en jour la disparité rassurante qui les différenciait des populations urbaines? Les doctrines subversives, qui exercent leurs ravages avec tant d'intensité parmi les agglomérations ouvrières de nos grandes villes, ont déjà dans les plus humbles villages leurs organes, leurs propagateurs et leurs adeptes. Les habitudes d'oisiveté, de débauche et de dissipation développées par la fréquentation des foires et des cabarets dont le nombre s'est accru outre mesure, l'irréligion, l'immoralité et l'esprit d'antagonisme alimentés quotidiennement par les feuilles publiques, l'indiscipline des jeunes gens impatients de secouer le joug paternel, la coquetterie et la frivolité des jeunes filles dont l'imagination est exaltée, sinon dépravée, par la lecture des plus mauvais romans, d'une manière générale la recherche exclusive du bien-être matériel, la recrudescence des besoins artificiels, l'absence d'ordre, d'économie, de prévoyance et de frugalité, le dégoût de tout ce qui n'est pas jouissance immédiate; enfin, le mépris des travaux des champs, ce sont là autant de symptômes qui, aux yeux de tout observateur attentif, révèlent chez le paysan une démoralisation profonde, que la diffusion de l'instruction et les facilités nouvelles des moyens de communication contribuent puissamment à étendre et à propager.

Dans ces conditions, quoi de plus funeste que la tendance des propriétaires fonciers à déserter leur poste? Au point de vue économique, quoi de plus préjudiciable à la vitalité et à la bonne organisation du corps agricole que l'absence d'une classe dirigeante, élément intermédiaire, organe de transmission entre le paysan, esclave de la routine et de l'ignorance, et le savant, spéculateur et homme de cabinet? Au point de vue moral, quoi de plus déplorable que cette disette d'hommes intelligents et dévoués, mettant leur fortune, leur intelligence et leurs capacités au service des populations dont ils sont les autorités naturelles; ayant assez conscience de leur devoir et de leur mission pour s'astreindre à résider d'une manière permanente au milieu de ceux à qui ils doivent l'assistance journalière de leurs exemples, de leurs conseils et de leurs lumières.

Rappeler ces importantes vérités à ceux qui les oublient ou les ignorent, appeler notre attention sur la situation réellement alarmante de nos campagnes, susciter des vocations agricoles en démontrant leur urgente nécessité, tel est le but que M. Busseuil s'est proposé, disons mieux, qu'il a atteint, dans un ouvrage plein d'aperçus originaux, d'idées neuves, d'observations piquantes, ouvrage excellent sous tous les rapports et qui se recommande doublement au lecteur, en joignant au mérite d'être peu volumineux celui d'être écrit dans un style vif et imagé, vraiment français par la clarté, la verve et l'élégance.

J. R. M.

III.- LA GRÈCE TELLE QU'ELLE EST, par Pierre MORAITINIS, ancien consul de Grèce. - Un volume in-8°. Didot, 1877.

Cet ouvrage a pour but de démontrer avec quel patriotisme intelligent les six millions d'Hellènes, répandus dans les îles et dans les pays au-dessous des Balkans, gravitent vers le petit royaume de Grèce, et d'indiquer tout l'intérêt que les puissances occidentales ont à assurer à cet élément hellénique un développement parallèle à celui de l'élément slave, dans la reconstitution qui doit suivre la dislocation de l'empire ottoman. L'œuvre de M. Moraitinis dépasse de beaucoup cependant les proportions d'une publication de circonstance. L'abondance des informations statistiques et des notions économiques, ainsi que le ton sérieux qui y règne, rendent cet ouvrage le plus utile à consulter pour l'homme politique ou l'économiste, qui a à étudier la Grèce. Tout en expliquant les défauts des institutions et du caractère de ses compatriotes, l'auteur les reconnaît franchement. La vie politique a pris en Grèce un développement absolument hors de proportion avec les vraies forces sociales du pays. En lisant le livre de M. Moraitinis, on se convainc de tout le mal que fait le gouvernement parlementaire au peuple qui en subit l'expérience. Hélas! le peuple canadien français, qui était bien plus vigoureusement constitué, n'épuise-t-il pas ses forces dans les stériles convulsions de ce terrible morbus comitialis qu'a si bien nommé et décrit l'illustre évêque de Poitiers? Dans le pays même où il est né, le parlementarisme ne vient-il pas de neutraliser toute la virilité du peuple anglais et d'accomplir l'œuvre de l'étranger, en rendant la Grande-Bretagne impuissante? C'est le mal du siècle, et vraiment l'on aurait mauvaise grâce à chercher une paille sur l'agora de la moderne Athènes, quand tant de poutres encombrent le palais de Versailles et Westminster-Hall.

C'est à bon droit que M. Moraitinis tourne les yeux vers la France comme vers l'amie la plus sûre, la plus désintéressée, de son pays. Il devrait les tourner vers Rome aussi ! Il donne sur le clergé grec, sur la situation religieuse de la Grèce, des détails précis à l'authenticité desquels on doit d'autant mieux croire, que l'auteur ne s'identifie pas assez lui-même avec cette situation.

Si les Hellènes veulent maintenir en Orient leur nationalité, leur identité morale au milieu de la submersion slave, il est bien évident qu'il leur faut, avec une foi religieuse vivace, un clergé supérieur sur tous les points à celui de la Russie, et cette force, cette vie, où la trouveront-ils s'ils ne vont la demander à la Chaire de Pierre? Leur infériorité numérique leur en fait une condition absolue d'existence.

C. J.

PERSONNEL DE LA FACULTÉ CATHOLIQUE DE DROIT
DE TOULOUSE

(Voir le personnel des Facultés des autres Universités catholiques, année 1876, 1r semestre, 6o volume, page 6 et suivantes.)

Professeurs titulaires.

M. Saturnin VIDAL, ancien deputé, membre de l'Académie de législation, doyen de la Faculté, professeur de droit civil.

Le R. P. RAMIÈRE de la C de Jésus, docteur en théologie et en philosophie de l'Université grégorienne, professeur de philosophie du droit.

Le R. P. DESJARDINS de la C de Jésus, professeur de droit canon. M. BOUTAN, avocat à la Cour d'appel, membre et ancien président

de l'Académie de législation, professeur de procédure civile. M. ALBERT, avocat à la Cour d'appel, membre et ancien président de l'Académie de législation, professeur de droit commercial. M. SALVAGNIAC, ancien magistrat, docteur en droit, professeur de droit criminel.

M. SABATÉ, docteur en droit, professeur de droit romain.

M. PASSAMA, avocat à la Cour d'appel, docteur en droit, professeur de droit civil.

M. TALAIRACH, avocat, professeur de droit civil.

Professeurs suppléants chargés de cours.

M. SALIVAS, docteur en droit, chargé d'un cours de droit romain M. TOUZAUD, avocat à la Cour d'appel, docteur en droit, ancien magistrat, chargé du cours de droit administratif.

M. DOURDIN, docteur en droit, ancien magistrat, chargé du cours de droit des gens

M. PANDELLÉ, docteur en droit.

M. DE PEYRALADE, avocat à la Cour d'appel, docteur en droit, chargé du cours d'économie politique.

M. ESTÈVE, docteur en droit, chargé du cours de droit coutumier et d'histoire du droit.

Cours annexes. - Des conférences d'apologie scientifique et historique sont faites à la Faculté pour les étudiants et pour le public,

savoir :

Les conférences d'apologie scientifique, par M. le chanoine DUILHE DE SAINT-PROJET, docteur en théologie.

Les conférences d'apologie historique, par M. le chanoine LEZAT, docteur en théologie, docteur ès lettres.

Bibliothécaire. -- M. PEYROT, agrégé d'histoire, ancien inspecteur d'Académie, chevalier de la Légion d'honnenr.

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Secrétaire agent-comptable. — M. COSTE, rue de la Fonderie, 31.

Le gérant, J. BARATIER.

1150 Grenoble, Imp. Baratier et Dardelet. 8214

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