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d'ailleurs, toutes les règles de la procédure spéciale, «l'article 64 de la loi de l'an vii ne prononçant pas la >> nullité de la procédure qui n'a pas été précédée de la » délivrance d'une contrainte (Chambre des Requêtes, 20 >> mars 1839). »

Ce principe est applicable, même lorsque la régie, au lieu de constater une contravention, découvre l'existence d'un conduit souterrain ou de tout autre instrument de fraude et prétend établir, conformément au droit commun, le préjudice que lui a causé ce fait illicite. Elle n'en poursuit pas moins, sous cette forme, la perception en bloc des droits fraudés et elle doit se soumettre à la procédure spéciale.

ROBINET DE CLÉRY,

Avocat général à la Cour de cassation.

JURISPRUDENCE.

COUR DE CASSATION.

8 FÉVRIER 1878.

Les dispositions pénales du décret organique du 2 février 1852 ne sont pas applicables à l'élection des maires et adjoints établis par la loi du 12 août 1876 (1).

L'article 113 du Code pénal est en cette matière le seul texte répressif de la corruption électorale.

Attendu que le décret organique du 2 février 1852 n'est relatif qu'aux élections des membres du Corps législatif; que toutes les

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(1) Contrà Grenoble, 10 février 1877. La solution serait certainement différente s'il s'agissait de l'élection d'un délégué sénatorial. Il est vrai que le mode de suffrage est le même, puisque dans les deux hypothèses, le conseil municipal constitue le corps électoral; mais, à la différence de la loi du 12 août 1876, celle du 2 août 1875, organique de l'élection des sénateurs, déclare formellement (art. 27) applicables à l'élection du Sénat toutes les dispositions de la loi électorale relative aux délits, poursuites et pénalités. »

dispositions pénales se réfèrent à ces élections et supposent qu'elles ont eu lieu avec le suffrage universel;

des

Attendu que si les prescriptions de ce décret ont été reconnues applicables aux élections des membres des conseils généraux, conseils d'arrondissement et des conseils municipaux (1), c'est en vertu de l'article 2 de la loi du 7 juillet 1852, qui a déclaré que ces élections, faites également avec le suffrage universel, devaient avoir lieu sous l'empire des lois existantes et, par conséquent, du décret du 2 février 1852;

Attendu que la loi du 12 août 1876, qui a conféré aux conseils municipaux, dans la plupart des communes, le droit d'élire les maires et les adjoints parmi leurs membres, a organisé, pour ces élections, un suffrage particulier, restreint quant au nombre des électeurs et quant aux candidats pouvant être nommés, et différant, dès lors, dans son essence même, du mode de suffrage prévu par le décret organique du 2 février 1852; que, dans ces conditions, les prescriptions pénales de ce décret ne pourraient être appliquées à l'élection des maires et des adjoints, telle qu'elle a été réglée par la loi du 12 août 1876, qu'autant qu'une disposition législative l'aurait expressément déclaré;

Attendu qu'aucune disposition de ce genre ne se trouve, soit dans la loi du 12 août 1876, soit dans toute autre loi postérieure; qu'il est vrai qu'un projet de loi municipale déposé par le gouvernement, le 29 mai 1876, contenait un article spécial qui déclarait applicable aux élections municipales les dispositions pénales du décret du 2 février 1852, mais que ce projet n'ayant pas été converti en loi, il y a lieu de recourir à l'article 113 du Code pénal, qui forme le droit commun en matière de corruption électorale, et qui n'a été abrogé par le décret du 2 février 1852 que pour les cas prévus par ledit décret ;

Attendu, en fait, que les sieurs Roucayrol, Blanc dit César, Gache et autres étaient poursuivis le premier, pour avoir vendu son suffrage lors de l'élection du maire et de l'adjoint de la commune de Saint-Geniez-le-Bas, les autres prévenus, pour avoir promis ou donné des deniers, effets ou valeurs quelconques audit Rouquayrol, sous la condition de donner son suffrage; que l'arrêt attaqué, en déclarant que ces faits tombaient sous l'application de l'article 38 du décret du 2 février 1852 et étaient couverts par la prescription spéciale édictée par l'article 50 dudit décret, a violé les dispositions des articles 113 du Code pénal et 638 du Code d'instruction criminelle;

Par ces motifs, la Cour

Casse et annulé l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Montpellier, le 10 décembre 1877, et pour être statué à nouveau sur l'appel interjeté par le ministère public du jugement du tribunal correctionnel de Béziers, en date du 15 octobre précédent, renvoie les parties devant la Cour d'appel de Nîmes.

(MM de Carnières, président; Sallantin, conseiller-rapporteur; Benoist, avocat général Conclusions conformes).

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(1) Cassation, 5 novembre 1853 (D. P. 1853, v. 187). 1861 et 11 mai 1861 (D. P. 1861, 1, 401).

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16 MARS 1878.

L'article 123 de la loi du 15 mars 1849, qui reconnaît à chaque électeur le droit de poursuivre les crimes et délits électoraux commis dans sa circonscription, est encore en vigueur, aucune loi postérieure ne l'ayant ni explicitement, ni implicitement abrogé (1).

Lorsque la cassation est prononcée sur le seul pourvoi de la partie civile, il y a chose jugée à l'égard de l'action publique, et le renvoi ne doit être ordonné qu'en ce qui concerne les intérêts civils (2).

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 123 de la loi du 15 mars 1849, en ce que l'arrêt attaqué aurait refusé à un électeur d'une circonscription électorale le droit de se constituer partie civile pour la poursuite d'un délit commis à l'occasion d'une élection dans la même circonscription:

Vu l'article 123 de la loi du 15 mars 1849, ainsi conçu: « Les » électeurs du collége qui aura procédé à l'élection à l'occasion de > laquelle les crimes ou délits auront été commis, auront seuls » qualité pour porter plainte; toutefois, leur défaut d'action ne » portera aucun préjudice à l'action publique; »

Attendu que cet article reconnaît expressément à tous les électeurs d'une circonscription, à raison de leur seule qualité, le droit de poursuivre comme partie civile les crimes ou délits commis à l'occasion des élections qui ont lieu dans leur collége;

Attendu que le sens de ce texte, déjà si clair par lui-même, est confirmé par les travaux préparatoires et par l'ensemble des dispositions de la loi de 1849; qu'en effet, cette loi, admettant que tous les électeurs sont intéressés à la sincérité des listes et des opéra

(1) Sous l'empire de la loi du 15 mars 1849 il a été jugé que cette loi, exclusivement relative aux élections du Président de la République et des représentants du peuple, ne concernait pas les élections départementales et communales, et que dès lors ses dispositions pénales ne pouvaient pas, conformément la règle générale admise en matière criminelle, être étendues par voie d'analogie à ces dernières élections (Cassation, 2 mars 1850, - D. P. 1850, 1, 142; et Cassation, 9 janvier 1851, D. P. 1851, 1, 32). Néanmoins, il est à présumer que, malgré cette jurisprudence, le principe posé dans l'arrêt rapporté au texte serait aujourd'hui admis par la Cour suprême même au regard d'élections départementales ou municipales. En effet, d'une part l'article 123 n'étant pas une disposition pénale peut être appliqué par voie d'analogie; et, d'autre part, son esprit et ses termes impliquent, non la création d'un droit nouveau, mais la reconnaissance d'un droit préexistant au profit des électeurs, cette disposition ayant simplement pour objet de limiter le droit d'action aux seuls membres du collège électoral.

(2) Cette solution est conforme à une jurisprudence déjà ancienne : voir notamment un arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 1848 (D. P. 1849, v, 34).

tions électorales, leur accorde, par son article 7, le droit de réclamer l'inscription ou la radiation de tout individu omis ou indûment inscrit, et, par une conséquence du même principe, leur donne le droit de se porter partie civile pour la répression des crimes ou délits électoraux, tout en subordonnant leur action à une prescription spéciale de trois mois;

Attendu que l'article précité est toujours en vigueur; que, s'il n'a pas été reproduit dans le décret du 2 février 1852, qui a remplacé la loi de 1819, il n'en résulte pas qu'il ait été abrogé; qu'en effet, le décret de 1852 n'abroge les lois antérieures qu'en ce qu'elles ont de contraire à ses dispositions, et l'article précité n'a rien d'incompatible avec le texte et l'esprit de ce décret qui, d'une part, consacre au profit des électeurs le droit de réclamer contre les omissions ou radiations indues et qui, d'autre part, confirme implicitement leur droit analogue d'agir comme parties civiles pour la poursuite des délits électoraux, en rappelant le délai spécial dans lequel cette action doit être exercée;

Attendu qu'il en est de même de la loi du 30 novembre 1875, qui se réfère également aux lois antérieures pour tout ce qui n'est pas .contraire à ses propres dispositions;

Attendu, dès lors, qu'en refusant d'admettre Anterrieu à poursuivre, comme partie civile, les délits électoraux dont il avait saisi la juridiction correctionnelle, l'arrêt attaqué a formellement violé l'article 123 de la loi du 15 mars 1849;

Sur l'étendue de la cassation :

Attendu que trois jugements rendus le même jour étaient déférés à la Cour d'appel de Montpellier le premier, admettant la recevabilité de l'action civile; le second, refusant un sursis en présence d'un double appel du ministère public et du prévenu; le troisième, condamnant le prévenu;

Attendu qu'à tort, comme il a été dit, la Cour d'appel a réformé le jugement, et que, si elle a décidé à bon droit que le tribunal correctionnel n'avait pu refuser un sursis en présence d'un double appel, ni prononcer en l'état une condamnation, l'erreur qu'elle a commise dans son appréciation du premier jugement sur la recevabilité de l'action civile, en l'empêchant de faire droit à cette action et de juger le fond, a vicié toutes les parties de sa décision dont la cassation doit être totale et avec renvoi;

Mais attendu que le ministère public ne s'est point pourvu contre cet arrêt qui, au point de vue de l'action publique, est passé en force de chose jugée, et qu'il n'y a lieu dès lors de prononcer la cassation et le renvoi qu'en ce qui touche les intérêts de la partie civile, Par ces motifs, la Cour

Casse et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 21 novembre 1877, mais seulement en ce qui touche les intérêts de la partie civile, et pour être statué à nouveau, renvoie la cause et le prévenu devant la Cour d'appel de Nîmes.

(MM. de Carnières, président; Dupré-Lasale, conseiller-rapporteur; Lacointa, avocat général. Conclusions conformes).

BIBLIOGRAPHIE.

GESCHICHTE DES DEUTSCHEN VOLKES SEIT DEM AUSGANG DES MITTELALTERS (Histoire du Peuple allemand depuis la sortie du Moyen Age), par Johannes JANSSEN. In-8°, tome 1er, 1878. Herder, Fribourg en Brisgau; à Paris, Baltenweck, 7, rue Honoré Chevalier.

L'histoire sociale, c'est-à-dire, le tableau véritable des idées, des institutions et des mœurs aux différentes époques, est peut-être l'œuvre scientifique la plus utile de notre temps. Qui nous délivrera de l'Histoire-bataille a-t-on dit, il y a déjà cinquante ans, avec raison; car le grand enseignement à demander au passé, c'est le tableau des conséquences bonnes et mauvaises qu'ont eues pour la prospérité des peuples les principes religieux et sociaux suivis par eux. Mais la nouvelle manière historique n'a pas encore répondu complétement à ce programme. Trop souvent, l'histoire anecdotique a remplacé l'histoire-bataille, substituant les pamphlets et les mémoires aux grandes sources d'information. Heureusement, la vraie science prend peu à peu sa vraie place, mettant à profit les découvertes de la patiente et modeste érudition, et s'appuyant sur la base indiscutable des documents contemporains où se sont formulées, non pas à l'état de passions personnelles, mais comme des faits réels, les manifestations de la vie religieuse, politique, familiale, économique des différentes classes.

Le jour où cette histoire-là sera définitivement écrite, une lumière merveilleuse en jaillira sur le passé de l'Eglise et des sociétés qu'elle a formées sous son aile maternelle. Nous verrons aussi plus clair dans le grand procès que le socialisme fait devant nous au libéralisme moderne, nous distinguerons mieux dans nos institutions et dans nos lois ce qui est conforme aux principes de l'éternelle justice, et ce qui n'est que l'expression abusive d'intérêts particuliers auxquels les révolutions ont donné une prépondérance accidentelle.

Cette histoire-là n'existe encore pour la France qu'à l'état de fragments, et nous sommes toujours à attendre l'écrivain de génie

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