Page images
PDF
EPUB

en général échapper à toute peine, il y a dans le second alinéa du même article 380 une disposition spéciale qui fait cesser à l'égard des recéleurs le bénéfice de la disposition contenue dans le premier alinéa, et les replace sous l'empire de la loi commune de l'article 62 du Code pénal (1). » Il est inutile de revenir sur la contradiction qui existe à déclarer que les complices doivent échapper à toute peine et à punir ensuite les recéleurs, non comme auteurs d'un délit qui leur est propre, mais comme complices; alors surtout que le deuxième alinéa prescrit de les punir comme coupables de vol.

Mais la jurisprudence, distinguant le complice du coauteur, n'étend pas à ce dernier l'immunité de l'article 380. En effet, quelle raison d'étendre le bénéfice de cette exception au tiers qui, n'appartenant pas à la famille, savait bien qu'il n'avait aucun droit sur la chose soustraite. Les rapports intimes d'alliance ou de famille qui méritent la clémence du législateur n'existent plus ici et ne peuvent empêcher la délimitation exacte entre la propriété de chacun. Certains auteurs, cependant, s'appuient sur le deuxième alinéa de l'article 380, qui ne retire le bénéfice de l'immunité qu'aux recéleurs pour décider que les coauteurs, de même que l'auteur et les complices doivent être protégés par notre disposition. Mais la Cour de cassation, dans plusieurs arrêts et notamment dans un arrêt rendu en 1845, toutes chambres réunies, a jugé avec raison « que cet étranger ne se trouvant pas dans le cas de se prévaloir des considérations morales qui, dans un intérêt de famille, ont désarmé la loi, reste nécessairement exposé aux conséquences légales de l'acte qu'il a commis et dont l'incrimination, en ce qui le regarde, ne saurait être écartée par la circonstance qu'un des auteurs de cet acte se trouve dans une position exceptionnelle et privilégiée (2). »

(1) Cassation, 24 mars 1838.

(2) Cassation, ch. réun., 21 mars 1845.

Enfin, la Cour de cassation décide encore que le complice doit être puni comme l'auteur principal lorsque des tiers, étrangers à la famille, ont coopéré à la soustraction commise par des parents; «< attendu que l'immunité de l'article 380 est une exception qui doit être renfermée dans ses limites; que cette exception ne saurait être invoquée par le tiers, qui, de l'une des matières spécifiées par l'article 60 du Code pénal, se serait associé au délit commis par un étranger à la famille (1). » On a beaucoup critiqué cette décision par ce motif que le même fait de complicité sera ou non puni suivant qu'un co-auteur étranger aura coopéré ou non à la soustraction. La criminalité d'un acte doit s'apprécier en elle-même et non eu égard à la présence ou à l'absence de certaines personnes. Pourquoi, quand il existe plusieurs co-auteurs d'un crime, s'attacher à la qualité de l'un plutôt qu'à celle de l'autre ? Sans doute, ces observations présentent quelque chose de fondé, mais les principes généraux nous conduisent forcément à la solution contraire : en effet, du moment qu'un étranger coopère à la soustraction, il y a délit, et s'il y a délit, il n'y a plus aucune raison pour repousser l'application de l'article 50 du Code pénal, qui punit les complices d'un délit comme les auteurs mêmes de ce délit.

A. RIVIÈRE,

Docteur en Droit.

QUESTION ADMINISTRATIVE.

Du droit de remplacer les Instituteurs.

(Décision du Conseil d'Etat).

Le cléricalisme est l'ennemi, s'est écrié un jour un membre de la Chambre des députés, ancien dictateur de

(1) Même arrêt et Cass., 12 avril 1844.

Tours, signalant ainsi aux passions révolutionnaires le clergé catholique et les établissements religieux.

A toutes les époques et dans tous les pays; chaque fois que les révolutionnaires se sont emparés du pouvoir, leur premier soin a été de s'en prendre à l'Eglise, de l'opprimer et de combattre son action. Leur conduite est, à cet égard, parfaitement logique, puisque détruire la religion c'est briser le lien le plus solide qui unit les familles et les Etats. Mais c'est l'éducation de la jeunesse et l'enseignement qui est surtout le point donné des coups de la révolution. C'est que les institutions congréganistes s'appliquent à donner à leurs élèves cette forte éducation qui forme pour l'avenir des hommes, que les idées révolutionnaires ne sauraient entamer et qui servent de rempart contre toutes les tentatives de destruction sociale. On comprend, dès lors, que la suppression des écoles congréganistes, pour les remplacer par des instituteurs laïques, soit œuvre poursuivie avec opiniâtreté par un certain parti. Cette suppression pouvant être faite contrairement à tout droit, il ne sera pas sans utilité de noter ici les dispositions légales qui concernent la nomination et le remplacemant des instituteurs communaux, et la jurisprudence du Conseil d'Etat sur cette matière.

Le préfet nomme les instituteurs communaux et les choisit, soit parmi les instituteurs laïques soit parmi les membres des associations religieuses vouées à l'enseignement. Cette nomination doit être rendue dans la forme des arrêtés préfectoraux, sur le rapport de l'inspecteur d'Académie, les conseils municipaux entendus (articles 31 de la loi du 15 mars 1850, 4 du décret du 9 mars 1852 et 8 de la loi du 14 juin 1854).

Les conseils municipaux doivent être entendus, c'est-àdire que leur avis doit être demandé toutes les fois qu'il y a lieu de pourvoir à une vacance, soit par la création d'une école, soit par le décès ou la démission du titulaire.

Par conséquent, les conseils municipaux qui, au lieu

d'exprimer un avis, prennent une délibération décidant que les écoles congréganistes seront remplacées par des institutions laïques, et le maire qui fait exécuter cette décision, revêtue ou non de l'approbation préfectorale, commettent un excès de pouvoirs.

Voici une décision du Conseil d'Etat qui établit parfaitement ce principe :

>

<< Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présenté par > les dames religieuses de Saint-Maur, de Toulon, ladite requête >> et ledit mémoire enregistrés au secrétariat de la section du con> tentieux du Conseil d'Etat, le 1er décembre 1871 et le 7 février » 1872, et tendant à ce qu'il plaise au conseil annuler pour excès » de pouvoirs la délibération en date du 2 août 1871, par laquelle › le conseil municipal de Toulon a décidé que tous les établisse>ments d'instruction primaire seraient confiés à des instituteurs et > institutrices laïques, à partir du 1er octobre, et l'arrêté du préfet » du Var du 29 août 1871, rendu sous forme d'approbation de la> dite délibération; ce faisant, attendu qu'aux termes de la loi du > 15 mars 1850, du décret du 9 mars 1852 et de la loi du 14 juin > 1854 combinés, c'est le préfet qui nomme les instituteurs com> munaux, sur le rapport de l'inspecteur d'Académie, les conseils » municipaux entendus; qu'ainsi les conseils municipaux n'ont > aujourd'hui que le droit de donner leur avis ou d'émettre un > vœu sur la nomination des instituteurs; que le conseil munici> pal de Toulon, en décidant qu'à partir du 1er octobre 1871 toutes » les écoles communales seraient confiées à des instituteurs ou >> institutrices laïques est sorti des limites de ses attributions; que, > sans attendre l'approbation du préfet, le maire a notifié le 4 août » la décision du conseil municipal aux dames de Saint-Maur avec > injonction de quitter les lieux à la date fixée; que l'approbation > donnée par le préfet du Var, le 29 août suivant, à une délibéra» tion nulle, n'a pu la rendre valable et que la decision du préfet, > considérée en elle-même, est aussi sans valeur, parce qu'elle n'a > pas été précédée du rapport de l'inspecteur d'académie et parce » qu'elle n'a pas été rendue dans la forme ordinaire des arrêtés > préfectoraux, prononce l'annulation de la délibération et de l'ar> rêté précités.

Vu la délibération attaquée, revêtue de l'approbation préfecto

> rale et enregistrée comme ci-dessus le 17 décembre 1851, ladite » délibération portant notamment :

» 1° Tous nos établissements d'instruction primaire (écoles de > garçons et de jeunes filles, cours d'adultes, salles d'asile) seront » confiés à des instituteurs et institutrices laïques, à partir du 1o > octobre 1871;

» Vu les observations du ministre de l'instruction publique, en » réponse à la communication qui lui a été donnée du pourvoi, » lesdites observations tendant à ce qu'il soit fait droit, par le >> motif que le conseil municipal de Toulon a excédé ses pouvoirs › en prenant une décision, lorsqu'aux termes de l'article 4 du dé» cret du 9 mars 1852, il ne pouvait qu'émettre un avis et que le > préfet ne devait pas revêtir une délibération illégale de son ap> probation;

» Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier, notam» ment le rapport du préfet du Var au ministre de l'instruction > publique; ensemble les observations du maire de Toulon, ten

dant au rejet de la requête des dames de Saint-Maur, par ce mo> tif, que ladite requête n'est ni recevable, ni fondée; que les requé> rants n'attaquent les actes du conseil municipal et du préfet qu'au » point de vue de la forme, qu'elles ne contestent pas le droit qu'ils › avaient l'un et l'autre, en suivant les règles tracées par la loi, d'o> pérer dans le corps des instituteurs primaires de la ville de Toulon » les changements qui y ont été accomplis; que, dès lors, le recours > des dames de Saint-Maur est irrecevable comme dénué d'intérêt » pour elles; que, d'ailleurs, les actes attaqués sont réguliers; qu'aux > termes des lois sur la matière, les conseils municipaux ont le droit > d'émettre des vœux sur le choix à faire entre l'enseignement laïque > et l'enseignement congréganiste, et que les instructions ministé> rielles prescrivent aux préfets de suivre l'indication donnée à cet » égard; que le préfet du Var a obéi à ces prescriptions en donnant » à la délibération du 2 août l'approbation que doivent recevoir tou»tes les délibérations des conseils municipaux; qu'ainsi les requé> rantes, fussent-elles recevables, ne sont pas fondées dans leur re» cours;

» Vu la loi du 18 juillet 1837, celles du 5 mai 1855 et du 24 juillet » 1857;

» Vu la loi du 15 mars 1850, le décret du 9 mars 1852, les lois du » 14 juin 1854 et 10 avril 1867;

« PreviousContinue »