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peut exercer par toute la France la profession d'instituteur primaire, publle ou libre, s'il est muni d'un brevet de capacité. De ce principe général il suit que l'instituteur, une fois nommé, ne peut être troublé dans l'exercice de sa profession, ni par le maire, ni par autre personne, tant qu'il se conforme aux règlements. On l'a dit avec raison, quoique payé par la commune, il n'est pas nommé par le maire, et il n'est pas révocable par lui (1).

Le maire n'a le droit d'intervenir que dans la limite des articles de loi qui le concernent.

Ainsi, quand l'instituteur veut tenir une école libre, il doit présenter un plan du local au maire, qui le visite, l'accepte ou le refuse; dans ce dernier cas, c'est le conseil départemental qui décide (loi du 15 mars, art. 28).

S'il y a urgence, le maire suspend provisoirement l'instituteur qu'il croit en faute, mais à la charge d'en référer dans les deux jours au préfet et à l'inspecteur (art. 33 et art. 17 du décret du 7 octobre 1850). - Il est clair, du reste, que si le maire exerçait ce droit abusivement, sans raison légitime, ce serait sous sa responsabilité.

Le maire, le curé, le pasteur protestant, s'il y a lieu, sont préposés, au même titre, à la surveillance et à la direction morale de l'enseignement (art. 44 de la loi du 15 mars).

Le maire et le curé dressent la liste des enfants reçus gratuitement, pour être soumise au conseil municipal et au préfet (art. 45).

Tout instituteur peut ouvrir un pensionnat primaire, en remplissant les conditions de l'article 25, et après avoir déclaré son intention au préfet et au maire. S'il s'agit d'un instituteur communal, il lui faut l'avis du conseil municipal et l'autorisation du conseil départemental. Ces pensionnats sont soumis aux prescriptions de l'article 28. - Ces dispositions sont applicables aux pensionnats de filles (art. 53).

(1) Consultation de M. Bresson.

D'où il suit que le maire n'a ni le droit d'empêcher l'ouverture d'un pensionnat, ni le droit de le faire fermer.

Telles sont les fonctions du maire en cette matière, et il ne peut rien y ajouter, sans abus ou prévarication.

Ainsi, un maire s'était avisé de prescrire, par un arrêté, que, pour être admis aux écoles communales, les enfants devraient avoir six ans au moins et treize ans au plus ; qu'ils ne pourraient y être reçus sans une carte d'admission délivrée à la mairie, et qu'un enfant ne pourrait changer d'école qu'à l'époque des vacances de Pâques.

C'était, de tout point, un intolérable abus d'arbitraire. La loi du 18 avril 1867, article 21, fixe bien le minimum de six ans, mais c'est seulement là où il y a une salle d'asile. Le maximum de treize ans était aussi absurde qu'illégal. Combien d'enfants resteraient oisifs et se perdraient avant de pouvoir prendre un métier après treize ans!... Sur le tout, il n'existe aucun texte de loi pour servir de fondement à un tel acte incompatible avec l'autorité du père de famille et avec le droit de l'instituteur d'exercer sa profession, en recevant librement tous les élèves que les parents veulent lui confier.

Pour les cartes d'admission, la nécessité les a fait autoriser, admettre là où il y a à la fois des élèves gratuits et des payants. Il fallait bien que l'instituteur connût ceux qui ne devaient pas payer la rétribution scolaire. C'est la disposition du décret du 28 mars 1866. Mais, hors de ce cas, la liberté de l'instituteur reste entière, ainsi que celle des familles. Le règlement du 17 août 1851, article 7, soumet seulement l'instituteur à s'assurer que les enfants sont vaccinés, ou n'ont pas de maladies de nature à nuire à la santé des autres élèves; rien de plus.

Il en est de même de la liberté des pères de famille de retirer d'une école leurs enfants quand ils le jugent à propos. C'est tout aussi contraire aux principes qu'on vient de rappeler.

L'arrêté de ce maire, lorsqu'il parut, fut l'objet d'une

consultation de M. Bresson, avocat de Dijon, revêtue des adhésions d'un très-grand nombre de jurisconsultes de divers barreaux, et depuis cette discussion qui épuisa la matière, on n'a plus vu se reproduire une pareille excentricité.

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Tout ce qui précède repose sur des textes tellement précis qu'on est à se demander comment des débats judiciaires ont été possibles. On va voir, cependant, combien d'arrêts et de décisions diverses ont dû intervenir. Mais les doutes sur le droit n'ont pas été le mobile des attaques et des débats. Ils sont le fruit d'un travail systématique, d'essais de destruction de tout christianisme parmi le peuple. Les hommes aveugles qui conduisent ce mouvement semblent ne pas vouloir comprendre que ce qu'ils tentent de faire au nom de la liberté, n'est autre chose qu'un effort insensé pour détruire la liberté dans son germe. Car c'est un fait rendu incontestable par l'histoire, que l'esclavage fut l'article fondamental de la constitution de tous les peuples avant le Christianisme; que la dictature et le despotisme ont reparu partout où le Christianisme a faibli.

Dans le vide que produisit l'effondrement du 4 septembre, les lois perdirent ce qu'elles pouvaient encore avoir de force, siluerunt leges; la licence de n'en tenir nul compte se montra partout, depuis les villes jusque dans les moindres bourgades; et alors eut lieu une explosion, un débordement d'attaques contre les écoles chrétiennes. Comme par un mot d'ordre le mouvement éclata sur tous les points de la France. Les recueils de jurisprudence en indiquent plus de vingt-cinq (1), et selon toute apparence le plus

(1) On y voit Mâcon, qui prend date du 30 septembre; Draguignan, le 30 octobre: Toulouse, le 22 novembre; Lyon, Calluire, Saint-Etienne, Roanne, Libourne, Grenoble, Nevers, Cosne, Prémery, Angers, Montpellier, Toulon, Pamiers, Perpignan, Chambéry, Nantes, Narbonne,

grand nombre n'y est pas relaté. Plusieurs des commissions municipales qui s'étaient impatronisées d'elles-mêmes, rendirent leurs décrets de proscription dès le courant de septembre.

Ce système, d'ailleurs, était loin d'être nouveau. Ainsi, dès 1867, Toulon avait voulu prendre sur le traitement des frères, pour défrayer de nouvelles écoles laïques. En 1869, le ministre y avait mis ordre, en décidant que les fonds destinés aux écoles devaient être répartis entre elles, proportionnellement aux dépenses obligatoires affectées à cha-, cune laïques et congréganistes.

Le 25 mai 1868, la commune de Nemours supprime les frères, au nombre de trois, et retranche du budget leur traitement; le préfet l'y inscrit d'office. Le 9 mars, le Conseil d'Etat, où cependant les frères ne s'étaient pas présentés, décide que la question de leur traitement, fixé à 600 fr., par la convention, était de la compétence des tribunaux civils. Qu'administrativement parlant, il y avait lieu de régler leur traitement d'après les lois, sur le pied d'un titulaire et de deux adjoints, comme pour les laïques. Il ne dit rien explicitement du traitement éventuel, mais évidemment, sa décision l'implique. Le commissaire du gouvernement y avait conclu, en disant que le traitement se compose d'une somme fixe et de l'éventuel des rétributions scolaires, et l'arrêt le fait assez entendre en assimilant les frères à des instituteurs laïques, quand la convention n'est pas observée. Il ne pouvait avoir la pensée de supprimer une partie de ce que la loi du 10 avril 1867, qu'il vise, accorde formellement.

Après le 4 septembre, il fallut bien cependant opposer quelque résistance à une pareille licence, et les luttes judiciaires s'engagèrent (1).

Saint-Denis, Coguin, Castel-Sarrasin, le Vallois-Perret, Alger, Constantine, etc.

(1) Les décisions qui vont être citées sont prises dans les Recueils de Sirey, Dalloz et Lebon. Les circulaires, dans le Recueil administratif de M. Taulier.

-11 janvier 1871, ordonnance du président de Toulouse. Il dit que les frères supprimés par une délibération du 22 novembre, approuvée par le préfet Duportal, et sommés de déguerpir des locaux scolaires dans les trois jours, ont pu agir par la voie du référé. Il les maintient provisoirement. -En même temps, les frères se pourvoient administrativement.

Mais ce désordre devient de plus en plus général. — Le 5 septembre 1871, le préfet de la Gironde annule la délibération de Libourne, qui a remplacé, comme tant d'autres, les frères par des laïques, sans formalités ni autorisation.

Le ministre essaie, dans une circulaire du 28 octobre 1871, de ramener les nouvelles municipalités au respect des lois, tout en faisant des concessions à l'esprit du jour. Ainsi, il reconnaît qu'il n'y a pas de loi qui attribue aux conseils municipaux le droit d'option entre laïques et congréganistes, mais il admet que dans la pratique, des circulaires ont interprété les mots : Le préfet nomme les instituteurs, les conseils municipaux entendus, en ce sens que ces conseils peuvent exprimer un vœu à ce sujet, quand il s'agit du cas de la vacance. Que même on a fini par leur permettre de formuler leur avis hors du cas de vacance, mais à la condition d'une enquête, pour vérifier si l'avis est conforme au vou de la population.

<< Ces hésitations de la jurisprudence ont produit de fâcheuses conséquences; des commissions municipales ont voulu immédiatement trancher elles-mêmes cette question d'option,... des instituteurs ont été expulsés dans les vingtquatre heures; on n'a tenu compte ni des engagements pris, ni des intérêts scolaires, ni des intérêts financiers des communes... de là des procès... »

Le ministre conclut que les préfets doivent se conformer, autant que possible, au vou de la majorité des pères de famille, il indique pour juge le conseil départemental, auquel il confère le droit de donner son avis, après avoir reçu celui du conseil municipal, sur ce point délicat de l'option, avant

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